| CHEMISE, subst. fém. I.− [La chemise est un vêtement] A.− Partie de l'habillement d'homme et de femme couvrant le buste et les bras, généralement porté sur la peau. SYNT. Chemise à col, sans col; chemise de coton, de flanelle, de tricot; enfiler, mettre une (sa) chemise; enlever, garder, ôter sa chemise; porter une chemise. − P. métaph., ART CULIN. Rare. Pomme de terre en chemise. Synon. de pomme de terre en robe de chambre ou en robe des champs(cf. L. E. Audot, La Cuisinière de la campagne et de la ville, 1896, p. 367).Nègre en chemise. Dessert au chocolat nappé de crème fouettée (cf. Je sais cuisiner, Paris, Albin Michel, 1932, p. 469). 1. En partic. − Rare. Chemise de force. Synon. de camisole* de force.P. métaph. Le père de Drumont n'était homme à souffrir qu'on mit une chemise de force à l'esprit humain (G. Bernanos, La Grande peur des Bien-Pensants,1931, p. 44). − COST. MILIT. (du Moy. Âge). Chemise de mailles. Cotte de mailles métalliques couvrant le torse, les bras et le haut des cuisses, porté par les hommes d'arme du Moyen-Âge. Rem. Attesté ds la plupart des dict. gén. dont Ac. 1835, 1878. − HIST. Chemise ardente, chemise de soufre, chemise soufrée. Vêtement enduit de soufre que revêtaient les condamnés au bûcher. Vous avez de la chance d'être née au XXesiècle : je vous vois très bien d'ici, dans la belle chemise soufrée... (Bernanos, Un Mauvais rêve,1948, p. 922). 2. Expr. et loc., au fig., fam. a) [P. réf. à la chemise en tant que vêtement porté à même la peau] ♦ Cacher qqn ou qqc. dans sa chemise, entre sa peau et sa chemise. Mettre tout en œuvre pour cacher quelqu'un aussi secrètement qu'on le peut. Des criminels comme ça, qui ne sont pas coupables, (...) je crois que je les cacherais dans ma chemise (F. Vidocq, Mémoires de Vidocq,t. 2, 1828-29, p. 238). Rem. Attesté ds la plupart des dict. gén. du xixes. dont Ac. 1835 et 1878 ainsi que ds Lar. 20e. ♦ Être dans la même chemise que qqn, (être ensemble) comme cul et chemise (pop.). Être toujours ensemble, inséparables. « Ces deux-là, c'est cul et chemise, toujours ensemble ou à se courir après » (Sartre, La Mort dans l'âme,1949, p. 258).S'entendre comme cul et chemise. Être en parfaite intelligence : 1. Le Café de la route, à cette époque, était tenu par une surnommée Saucisse : Une vieille lorette de Grenoble... Naturellement, avec Langlois, en tout bien tout honneur, ils s'entendaient comme cul et chemise.
Giono, Un Roi sans divertissement,1947, p. 50. ♦ Je ne suis pas dans sa chemise. Je ne peux pas répondre à sa place. Pensez-vous qu'il viendra ce soir? − Eh! dit l'autre, je ne suis pas dans sa chemise (Camus, La Peste,1947, p. 1333). − Proverbes ♦ Entre la chair et la chemise il faut cacher le bien qu'on fait. ,,Il faut faire le bien sans ostentation`` (Ac. 1835-1932). ♦ La peau est plus proche que la chemise. Les intérêts personnels passent avant ceux des autres. Rem. 1. Attesté ds la plupart des dict. gén. du xixes. dont Ac. 1835 et 1878 ainsi que ds Lar. 20e. 2. On rencontre la var. la chemise est plus proche que le pourpoint ds Ac. Compl. 1842, Besch. 1845, Lar. 19e-20eet Littré. b) [P. réf. à la chemise en tant que vêtement essentiel et dont on devrait normalement posséder plusieurs exemplaires] ♦ Avec sa chemise. Sans autres biens que ses vêtements. À vingt-six ans, sans position, il épousa Adrienne par amour et, comme on dit, avec sa chemise (A. France, Crainquebille,Adrienne Buquet, 1904, p. 193). ♦ Donner, engager, jouer, laisser, perdre, vendre (jusqu'à) sa (dernière) chemise. Donner, engager, etc. ses derniers biens ou ses derniers fonds. C'est Dembinski (...) jouant sa dernière chemise, jetant un louis, son dernier louis, sur un tapis vert (E. et J. de Goncourt, Journal,1858, p. 463): 2. Chacune des deux sœurs jurait qu'elle rachèterait la maison n'importe à quel prix, quitte à y laisser sa dernière chemise.
Zola, La Terre,1887, p. 386. ♦ N'avoir pas de chemise (à se mettre). Être dans l'indigence. La mauvaise fortune me persécute au point de n'avoir de chemise au dos (Nerval, Les Filles du feu, Angélique, 1854, p. 560). Rem. On rencontre ds la docum. une var. plus expr. de la loc. jeter son bonnet* par-dessus les moulins. Elle [Nana] qui avait lancé vingt fois sa chemise par-dessus les moulins (Zola, Nana, 1880, p. 1315). c) [P. réf. à la chemise en tant que vêtement dont on change souvent] ♦ Changer de qqc. (ou de qqn) comme (on change) de chemise. En changer de façon répétée. Vous serez tout étonnée de vous voir changer d'avis, de jour en jour, comme on change de chemise (Flaubert, Correspondance,1857, p. 183).Qu'Agnès se mit à changer de mari comme de chemise était un intolérable bouleversement de l'univers (Drieu La Rochelle, Rêveuse bourgeoisie,1939, p. 164). ♦ Se moquer, se soucier de qqc. (ou de qqn) comme de sa première chemise. Considérer quelque chose ou quelqu'un comme indigne d'intérêt ou d'attention. Elle se moque de l'argent comme de sa première chemise; elle vivrait de pain et de lait (Courteline, Boubouroche,1893, I, 3, p. 45). B.− Spécialement 1. [En tant que vêtement d'homme] Pièce du vêtement masculin en tissu léger, souvent porté à même le corps, couvrant le torse, à manches généralement longues, comportant un col et se fermant ordinairement par-devant au moyen de boutons : 3. ... l'usage s'est répandu d'interposer entre la chemise et le tégument soit un tricot de coton ou de laine, soit un gilet de flanelle.
Macaigne, Précis d'hygiène,1911, p. 175. SYNT. Chemise blanche; chemise amidonnée, empesée, molle; chemise ajustée, bouffante; chemise en (de) batiste, coton, percale, soie, toile, tussor; chemise à jabot; boutons, col, manches, poignets de chemise. a) En partic., HIST. − Chemise brune. Partie de l'uniforme des membres du parti national-socialiste allemand. Ils marchent derrière un führer en chemise brune ou un duce en chemise noire (Guéhenno, Journal d'un homme de 40 ans,1934, p. 166).P. méton. Membre de ce parti : 4. Quand mes camarades ont été déportés en Sibérie, j'étais à Vienne; d'autres ont été assassinés à Vienne par les chemises brunes et j'étais à Paris.
S. de Beauvoir, Les Mandarins,1954, p. 70. − Chemise noire. Partie de l'uniforme des membres du parti fasciste italien (Guéhenno, Journal d'un homme de 40 ans, 1934, p. 166).P. méton. Membre de ce parti. Un ancien combattant (...) que flatterait la perspective d'aller corriger Mussolini et ses chemises noires (J.-R. Bloch, Destin du Siècle,1931, p. 188). − Chemise rouge. Partie de l'uniforme des volontaires garibaldiens. Jeune garibaldien en chemise rouge (Cendrars, Bourlinguer,1948, p. 23).P. méton. Volontaire garibaldien. Il a été avec les chemises rouges quelque temps. C'est moi qui (...) l'ai engagé dans les troupes papales (Claudel, Le Père humilié,1920, I, 3, p. 503). b) Expressions − Être en bras, en manches de chemise. Être sans veste, avec ou sans gilet, en laissant voir les manches de la chemise. Les businessmen américains que l'on voit dans les pullman, en manches de chemise, l'été (G. Duhamel, Chronique des Pasquier,La Passion de Joseph Pasquier, 1945, p. 158): 5. Mais là-bas dans l'immense chantier
Vers le soleil des Hespérides,
En bras de chemise, les charpentiers
Déjà s'agitent.
Rimbaud, Derniers vers,1872, p. 155. − Être en chemise, en corps de chemise. Être sans veste et sans gilet, en laissant voir le corps de la chemise. Les bûcherons, en corps de chemise, le feutre en arrière pour dégager le front, faisaient leur travail (Pourrat, Gaspard des Montagnes,Le Château des sept portes, 1922, p. 209). − Être en pans de chemise (rare). En chemise et sans pantalon : 6. En pans de chemise et son pantalon des jours à la main, Noël hésitait. Honoré, adossé à la porte, mesurait tout l'avantage qu'il avait sur cet homme presque nu...
Aymé, La Jument verte,1933, p. 298. 2. [En tant que vêtement d'homme et de femme] − Chemise de nuit. Vêtement de nuit d'un seul tenant, souvent ample, couvrant le torse et les jambes, porté actuellement surtout par les femmes. La chemise de nuit qui l'entourait était plissée en long et bouffait un peu autour d'elle (Flaubert, La 1reÉducation sentimentale, 1845, p. 109): 7. Il enfilait sa chemise de nuit, sortie de sous un coussin, une chemise classique, comme toutes les chemises de nuit d'homme, brodée de rouge.
Aragon, Les Beaux quartiers,1936, p. 284. Rem. On rencontre ds la docum. la var. plus rare chemise de lit. Il était malade, en chemise de lit et un cataplasme de papier gris sur la poitrine (Giono, Le Grand troupeau, 1931, p. 14). − Chemise américaine. Sous-vêtement de tricot à manches longues ou courtes. Le docteur (...) se dandinant autour de la caverne avec sa chemise américaine (E. Triolet, Le Premier accroc coûte deux cents francs,1945, p. 407). Rem. Se dit auj. surtout pour un sous-vêtement de femme (cf. Pt Rob. et Davau-Cohen 1972). II.− [P. anal. de fonction, la chemise est une couverture, un revêtement] A.− Feuillet double de papier ou de carton servant à ranger des documents. Mettez une chemise à cette liasse, à ce dossier (Ac. 1835-1932). Elle passait des heures à classer les dossiers, à leur choisir des chemises multicolores (Arland, L'Ordre,1929, p. 219). − Arg. des jeux. Carte blanche placée sous un paquet de cartes pour en cacher la dernière (cf. Hogier-Grison, Les Hommes de proie, Le Monde où l'on triche, [1resérie], 1886, p. 113). B.− Enduit, enveloppe ou revêtement servant à protéger, à renforcer, parfois à orner quelque chose. Pour mieux le préserver [son paroissien], elle [Philomène] l'avait recouvert d'une chemise de mérinos noir cousue et piquée par elle-même (E. et J. de Goncourt, Sœur Philomène,1861, p. 70). SYNT. Chemise de crépi, de maçonnerie, de mortier; chemise de cuivre, de plomb; chemise d'un canon, d'un cylindre, d'un four, d'un moule, d'un projectile. − En partic. 1. AMEUBL. Housse servant à protéger des meubles. Deux fauteuils (...) cachés sous des chemises de percaline grise à galons amarante (Mérimée, Dernières nouvelles,1870, p. 47). 2. HORTIC. Légère couverture de paille qui protège les couches de champignons des agents extérieurs, en particulier de la lumière (cf. É.-A. Carrière, Encyclop. horticole, 1862, p. 99). 3. MAR. Chemise de chargement. Enveloppe de toile dont on tapisse la cale des navires qui chargent en grenier. Rem. Attesté ds la plupart des dict. dont Ac. 1932. Prononc. et Orth. : [ʃ(ə)mi:z]. [ə] muet ds les dict. de Fér. 1768 à DG; pour les dict. mod. ds Passy 1914, Dub., Pt Lar. 1968 et Lar. Lang. fr. [ə] facultatif ds Barbeau-Rodhe 1930, Pt Rob. et Warn. 1968; à ce sujet cf. chemin. Attesté ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1. xes. chamisae « vêtement de toile porté à même la peau » (Passion, éd. d'Arco Silvio Avalle, 267); 2. p. anal. 1351 « enveloppe d'un livre » (Cpte roy. d'Et. de la Fontaine, fo13 ds Gay); 1676 archit. « maçonnerie revêtant un rempart » (Félibien Dict., p. 92); 1752 « carton protégeant un dossier » (Trév.). Du b. lat. camisia au sens 1 au ives. (Saint-Jérôme ds TLL s.v., 207, 30); p. ext. « enveloppe » au xiies. (Mittellat. W. s.v., 122, 33). Fréq. abs. littér. : 3 176. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 2 202, b) 5 858; xxes. : a) 6 368, b) 4 658. Bbg. Gottsch. Redens. 1930, passim. − La Landelle (G. de). Le Lang. des marins. Paris, 1859, p. 401. − Sain. Lang. par. 1920, p. 163. |