| CHAUSSÉE, subst. fém. A.− TRAV. PUBL. 1. Partie, souvent bombée par opposition aux bas-côtés, d'une route, et par extension d'une rue réservée à la circulation des véhicules : 1. − Docteur, voulez-vous me dire pourquoi je boite depuis dix minutes?
− Mais, mon ami, parce que depuis dix minutes vous marchez une jambe sur la chaussée et l'autre sur le trottoir.
Renard, Journal,1895, p. 301. − P. métaph. : 2. L'observation morale, mêlée à l'appréciation littéraire n'est pas tenue de suivre, d'une marche inflexible, la chaussée romaine de l'histoire.
Sainte-Beuve, Premiers lundis,t. 2, 1869, p. 299. 2. Levée de terre pour retenir l'eau d'une rivière ou d'un étang et pouvant servir de chemin de passage. Des gens venaient, par le chemin dû qui suit la chaussée de l'étang (Genevoix, Raboliot,1925, p. 31): 3. En moins de dix minutes nous atteignîmes le galet, et nous arrivâmes à la chaussée qui joignait l'île de M. de Biharel à la terre.
H. Malot, Romain Kalbris,1869, p. 36. B.− GÉOGRAPHIE 1. Écueil sous-marin dépassant de peu la surface des eaux. Chaussée de Sein. 2. Colonnes basaltiques. Ces prismes, (...), forment (...), les chaussées des géants de divers pays (A. de Lapparent, Abr. de géol.,1886, p. 122). C.− HORLOG. Pièce d'une montre qui porte les aiguilles des minutes : 4. [dans les montres] Sur le prolongement de la roue de grande moyenne exécutant un tour par heure, on fixe sous le cadran un deuxième pignon appelé la chaussée.
J. Andrade, Horlog. et chronométrie,1924, p. 143. Rem. Pour les composés rez-chaussée, rez-de-chaussée, cf. rez; pour ponts et chaussées, cf. pont. Prononc. et Orth. : [ʃose]. Ds Ac. 1694-1932. Homon. chausser. Étymol. et Hist. 1. Ca 1155 chauciee « route » (Wace, Brut, éd. I. Arnold, 2610); 2. 1309 chaucie « élévation de terre faite dans un lieu bas ou un cours d'eau, destinée à servir de chemin » (Joinville, Histoire de Saint Louis, éd. N. de Wailly, XLI, 192, p. 81); 4equart du xives. cauchie « talus servant de chemin » (Froissart, Chroniques, éd. G. T. Diller, CXXII, 19, p. 438); 3. xviiies. Ponts et chaussées (Saint-Simon, 399, 205 ds Littré); 4. 1752 terme d'horlog. (Trév.). Du lat. vulg. *calciata [via] (959 adj., 946 subst. ds GMLC) d'orig. controversée dans la mesure où *calciata peut être dér. du lat. calx « chaux » ou de son homon. calx « talon ». Une dér. de calx « chaux » avancée par Diez5, p. 79, FEW t. 2, p. 109b est considérée comme possible par H.-J. Niederehe, Strasse und Weg in der Galloromanischen Toponomastik, 1967, pp. 146-180 qui s'appuyant sur les remarques de l'archéologue A. Grenier observe que le mortier de chaux ayant été utilisé par les Romains pour certaines substructions de routes notamment en terrain marécageux, le terme (via) *calciata a pu après avoir désigné les chaussées construites selon ce procédé être étendu à toutes sortes de chaussées; il semble que ds Wace, supra, chauz désigne une espèce de mortier à base de chaux (v. aussi les ex. cités par Aebischer ds Rev. intern. d'onom., t. 5, 1953, pp. 1-7). Une dér. de calx « talon » avancée par Rönsch ds Z. rom. Philol., t. 1, 1877, pp. 417-418 (à travers un lat. vulg. calcia [ves. d'apr. Baldinger ds Festschrift Rohlfs, 1968, p. 95] synon. de calx « talon », v. CGL II, 358, 41 la chaussée étant une voie pressée, foulée) reprise par Aebischer ds R. Filol. esp., t. 35, pp. 8-28 qui s'appuyant sur un document catalan de 988 (via calciata... saxonum fragminibus conculcata; v. aussi GMLC) définit *calciata par « route formée de morceaux de pierres tassés », est moins probable. Il en va de même pour l'hyp. de Dauzat ds Fr. mod., t. 9, pp. 41-45 qui remarquant que fréquemment surélevées, les voies romaines formaient des sortes de digues dans les zones marécageuses, avait proposé (via) *calciata « chemin chaussé » (comme on chausse les pommes de terre en amoncelant de la terre autour du pied), de calceus « chaussure ». Fréq. abs. littér. : 1 132. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 1 460, b) 2 246; xxes. : a) 1 420, b) 1 510. Bbg. Aebischer (P.). L'Étymol. du fr. chaussée. R. intern. Onom. 1953, t. 5, pp. 1-7; une possibilité nouvelle concernant l'orig. du fr. chaussée. Revista de Filologia Española. 1951, t. 35, pp. 8-28. − Dauzat (A.). Notes étymol. Fr. mod. 1941, t. 9, pp. 41-45. − Dauzat Ling. fr. 1946, p. 236. − Fournier (P. F.). L'orig. du mot chaussée. B. de philol. et d'hist. 1960/61, t. 1, pp. 41-53. − Ribard (J.). Chaussée et chemin ferré. Romania. 1971, t. 92, pp. 262-266. − Sindou (R.). R. intern. Onom. 1963, t. 15, p. 73. − Vannerus (J.). Calciata et calcipetra. B. du Cange. 1943-44, t. 18, pp. 5-24. |