| CHAMEAU1, CHAMELLE, subst. A.− ZOOLOGIE 1. Mammifère ruminant de la famille des camélidés, possédant une ou deux bosses dorsales graisseuses, utilisé comme monture ou comme bête de somme dans les régions arides de l'Arabie ou de l'Asie centrale : 1. ... lionnes, nous avons rugi dans l'Aurès; et nous avons brouté, chamelles, le varech gris des chotts, ...
Gide, Les Nourritures terrestres,1897, p. 202. 2. Les chameaux, débâtés pour la nuit, s'escrimaient, à grandes enjambées, à brouter d'épineuses touffes de had.
Benoît, L'Atlantide,1919, p. 70. 3. ... et les chameaux fuient droit vers l'horizon, où un geyser d'oiseaux noirs vient de s'élever dans le ciel inaltéré.
Camus, L'Exil et le royaume,1957, p. 1590. SYNT. À dos de chameau, caravane de chameaux, chameau de charge; le chameau blatère*; faire baraquer un chameau (cf. baraquer2); lait de chamelle. − TEXT. Poil de chameau. Tissu fabriqué avec le poil de cet animal et, p. ext., étoffe de laine souple et douce. Étoffe, manteau, pardessus, robe de chambre en poil de chameau. Le baigneur s'arme d'un gant de poil de chameau qu'il vous promène sur tout le corps (About, La Grèce contemporaine,1854, p. 411).Martin dans sa carapace de poil de chameau (M. Butor, Passage de Milan,1954, p. 124). ♦ Sac de chameau. Sacoche, généralement en cuir souple et richement décoré, destinée à recevoir des bagages, qui est fixée à la selle d'un chameau et pend sur ses flancs : 4. Cette tente de pacha somptueux était meublée de fauteuils et de divans, faits avec des sacs de chameaux, les uns coupés de losanges bariolés, les autres plantés de roses naïves.
Zola, Au Bonheur des dames,1883, p. 471. Rem. On rencontre en ce sens sac de selle (cf. D. Gersi, La Dernière grande aventure des Touareg, Paris, R. Laffont, 1972). − Au fig. Ô stylographe à la plume de platine, (...) fier coursier de mes rêves, fidèle chameau de mes exploits littéraires (Queneau, Exercices de style,1947, p. 91). 2. En partic. a) Nom réservé au chameau d'Asie ou bactrien, à deux bosses, pour le distinguer du chameau d'Arabie, à une bosse, communément appelé dromadaire. Dans le dromadaire, le chameau, le lama, on retrouve les quatre estomacs des ruminans à cornes (Cuvier, Leçons d'anat. comp.,t. 3, 1805, p. 397): 5. Et puis le conférencier recommençait : « Ce qui différencie les deux animaux, c'est que le dromadaire n'a qu'une bosse, tandis que, chose étrange et utile à savoir, le chameau en a deux... »
Prévert, Histoires,Paris, Gallimard, 1963, p. 154. b) Vieilli, au sing. ou au plur. Chameau désigne le genre jusqu'à l'apparition de camélidé (cf. Cuvier, Leçons d'anat. comp., t. 2, 1805, p. 39). Rem. 1. On rencontre les mots composés (rares) oiseau-chameau qui désigne l'autruche et chameau léopard synon. de girafe (cf. Bernardin de Saint-Pierre, Harmonies de la nature, 1814, p. 242, 218). 2. Chamelle ne s'emploie qu'en zoologie. B.− Emplois spéc. 1. Loc. et proverbes, fam. Être sobre comme un chameau (p. allus. au fait que cet animal peut se passer de boire pendant plusieurs jours et exige peu de nourriture) : 6. Ici, un peuple heureux, gai de la gaîté du ciel, avec des bonheurs à bon marché. Sobre comme le chameau, dînant presque de son soleil, ...
E. et J. de Goncourt, Journal,1867, p. 331. − [P. allus. à l'Évangile] a) Essayer de faire passer un chameau par le trou d'une aiguille (Saint Matthieu, XIX, 24 : Il est plus facile à un chameau de passer par un trou d'aiguille qu'à un riche d'entrer dans le Royaume des Cieux). Entreprendre une chose difficile, sinon impossible à réaliser : 7. Et une autre idée abstraite ou attitude d'esprit pourrait être représentée par quelques-uns des innombrables symboles de l'écriture, exemple : le trou d'aiguille à travers lequel le chameau est incapable de passer.
Artaud, Le Théâtre et son double,1939, p. 48. Rem. Cf. également aiguille ex. 7. b) Rejeter le moucheron et avaler le chameau (saint Matthieu, XXIII, 24 : Guides aveugles, qui arrêtez au filtre le moucheron et engloutissez le chameau!). Éviter de commettre des fautes légères et s'en permettre de graves (Bonald, Législ. primitive,t. 1, 1802, p. 130). 2. Au fig. a) Fam. Personne hargneuse. Ah! le chameau, quel chameau! Le chameau n'a pas l'air commode (Bloy, La Femme pauvre,1897, p. 15).Son chameau de bonne (Zola, Pot-Bouille,1882, p. 268). − Emploi adj., rare. Elle est chameau, ct'e vieille (Aymé, Brûlebois,1926, p. 204). b) Arg. Terme injurieux désignant une femme de mœurs légères. Tu viens de la retape, chameau! (Zola, L'Assommoir,1877, p. 792). Rem. On rencontre chez le même aut. l'expr. chameau du boulevard. Puer le musc comme le chameau du boulevard (Zola, L'Assommoir, 1877, p. 601). Prononc. et Orth. : [ʃamo], [ʃamεl]. Ds Ac. 1694-1835 uniquement au masc.; ds Ac. 1878 et 1932 au masc. et au fém. Étymol. et Hist. A. Subst. masc. 1. a) ca 1100 cameil zool. (Roland, éd. Bédier, 847); 1121-35 chameil (Ph. de Thaon, Bestiaire, éd. Walberg, 1249 ds T.-L.); b) 4equart xives. camel « étoffe en poil de chameau » (J. Froissart, Poésies, II, 346 ds Gdf.); 2. 1828 « terme d'insulte envers une femme » (ds Esn.). II. Subst. fém. ca 1160 chameille < œilles > « femelle du chameau » (B. de Ste Maure, Troie, éd. L. Constans, 26 945), seulement en a. fr.; aux xvieet xviies. : chameau ou chameau femelle (Hug., Nicot); chamelle est repris au xixes. 1829 (V. Hugo, Orient., 1 ds Littré). Du lat. class. camelus, sens 1, empr. au gr. κ
α
́
μ
η
λ
ο
ς « id. » lui même empr. au sémitique occ. (cf. hébr. gāmāl); v. Chantraine; d'abord chameil, chamoil (v. T.-L. et Gdf. Compl.) puis chamel par changement de suff. (-ēlu > -ĕllu), v. Fouché, p. 232 et 449. Fréq. abs. littér. Chameau : 889. Chamelle : 26. Fréq. rel. littér. Chameau : xixes. : a) 1 240, b) 2 000; xxes. : a) 1 243, b) 901. Chamelle : xixes. : a) 64, b) 63; xxes. : a) 21, b) 8. DÉR. Chamelier, subst. masc.Conducteur de caravane, chargé également du soin des chameaux qui la composent. Synon. conducteur de chameau.Caravane marchant au bruit des grelots des dromadaires et aux chants des chameliers (Du Camp, Le Nil,1854, p. 268).Au fig., péj. On rencontre chez Colette, Claudine en ménage, 1902, p. 115 l'expr. chamelier-servant (supra B 2) : la grotesque mère Barman, à qui Gréseuille sert, dit Maugis, de chamelier-servant.− [ʃaməlje]. Fouché Prononc. 1959, p. 100 note que l'e muet intérieur se conserve devant le groupe [lj] dans les subst. suiv. : atelier, bachelier, batelier, bourrelier, chamelier, chancelier, chandelier, chapelier, coutelier, hôtelier, râtelier, sommelier, tonnelier, bachelière, chancelière, hôtelière, muselière. Ds Ac. 1762-1932. − 1reattest. ca 1430 (Alain Chartier,
Œuvres, 350, éd. 1617 ds R. Hist. litt. Fr., t. 4, p. 302); de l'a. fr. chamel (v. chameau), suff. -ier* ou plus prob. adaptation du b. lat. camelarius « id. ». − Fréq. abs. littér. : 80. BBG. − Gottsch. Redens. 1930, pp. 42, 123. − Le Breton Grandmaison. Comment parlent les relieurs. Vie Lang. 1961, pp. 433-437. − Sain. Lang. par. 1920, p. 259. |