| CASCADE, subst. fém. A.− 1. Chute d'eau rompant le cours d'un fleuve ou d'une rivière en raison d'une forte déclivité de terrain. Grande, petite cascade; tomber en cascade : 1. J'ai vu une de ces cascades, à Esquit. Elle se comportait comme la plus majestueuse cataracte. En touchant le vide, en s'y abîmant, elle se perdait aussi d'un bond, développait la même courbe liquide, irisée, et rendait ce mugissement éternel et égal, unique dans les bruits de la nature... La mer qui déferle, le vent qui souffle, l'orage qui gronde ont mille sons. La cascade seule répète son fracas sur le même ton, de la même voix, et c'est pourquoi sans doute on parle de sa plainte. Accumulée, réglée, l'eau est déversée en colonne, précipitée du bassin vers l'usine, dans une autre canalisation où elle forme chute. Celle-ci, toujours très accusée, est, par endroits, perpendiculaire.
Pesquidoux, Le Livre de raison,1925, p. 186. SYNT. Abondante, bruyante, jolie cascade; cascade écumante; un bruit, un fracas, une rumeur de cascade; descendre, se précipiter en cascade. − ARCHIT. HYDRAULIQUE. Chute d'eau artificielle servant à la décoration des parcs et des jardins, formée d'une pente douce ou composée de bassins peu profonds élevés par gradins, d'où l'eau tombe en nappes ou en gouttelettes (d'apr. Chabat t. 1 1875). Faire une cascade dans un jardin (Ac. 1835-78). 2. P. métaph. : 2. ... le suffrage universel lui-même n'a pas d'autre rêve que ses maîtres, et du petit au grand c'est une cascade de quémandeurs.
Clemenceau, L'Iniquité,1899, p. 398. − Au fig., vieilli. Écart de conduite : 3. « ... Elle [la marquise] a eu plus d'hommes qu'une fille, mais elle conserve le décorum dans sa vie de cascade aux innumérables chutes, dont aucune n'a entraîné celle de sa considération... »
J. Péladan, Le Vice suprême,1884, p. 141. B.− P. anal. 1. [L'accent est sur le mouvement de chute] Masse abondante se déroulant en couches successives selon un mouvement vertical. Cascade de cheveux, de diamants, de verdure. Une énorme cascade de boucles blondes qui tombaient jusqu'à la taille (Gyp, Souvenirs d'une petite fille,t. 2, 1928, p. 266): 4. ... une espèce de sourire crispa la bouche encore belle pour se perdre dans le repli des joues, la cascade de chair qui descendait jusqu'à sa poitrine serrée dans un gilet de velours grenat.
Bernanos, L'Imposture,1927, p. 383. − Spéc., ÉLECTR. Montage en cascade. ,,Montage en série des piles ou des condensateurs`` (Lar. encyclop.). 2. [L'accent est sur la succession rapide] a) [Relativement aux sensations auditives] Succession de bruits jaillissant brusquement et dont l'intensité varie suivant un rythme comparable à celui d'une cascade. Une cascade de rires. Un grondement continu, sourd, d'où se détachaient quelques pétarades plus saccadées (...) des cascades d'éclatements plus aigus (A. Arnoux, Les Crimes innocents,1952, p. 177): 5. ... elle partit brusquement de cet éclat de rire singulier que tout le monde connaissait à Alexandrie et qui l'avait fait surnommer la poule. C'était un interminable gloussement de pondeuse, une cascade de gaieté qui redescendait à l'essouffler, puis reprenait par un cri suraigu, et ainsi de suite, d'une façon rythmée, dans une joie de volaille triomphante.
Louÿs, Aphrodite,1896, p. 192. b) Domaine des réalités psychol., morales, intellectuelles. − Série de phénomènes, d'actes, de paroles se succédant en nombre et à un rythme accéléré. Une multitude et comme une cascade de comparaisons (Sainte-Beuve, Port-Royal,t. 1, 1840, p. 234): 6. Ce coup de revolver déclanche (sic) une cascade de répressions et d'attentats, qui se répondent les uns aux autres.
Camus, L'Homme révolté,1951, p. 206. Rem. On rencontre parfois dans ce sens cascade suivi d'un compl. désignant un animé ou un inanimé concr. : ces cascades de café-crème (Fargue, Le Piéton de Paris, 1939, p. 63; v. aussi supra ex. 2). − En cascade(s). En se succédant de façon précipitée. Mensonges en cascades, mensonges en ricochet (Colette, La Jumelle noire,1938, p. 139). − THÉÂTRE, vieilli, péj. ♦ P. anal. Saillie improvisée, trait d'esprit bouffon, ajouté par l'acteur à son texte. ♦ P. ext. Bouffonnerie jaillie dans l'instant. Il y a des infiltrations de cabotinage et de cascade chez ce garçon [de café] qui vous offre un melon « sympathique » (E. et J. de Goncourt, Journal,1863, p. 1294).[Les] cascades que son esprit merveilleusement (...), lui suggérait (F. Fabre, Le Roi Ramire,1884, p. 81). Prononc. et Orth. : [kaskad]. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1. 1640 (Oudin, Recherches ital. et fr., s.v. cascata); 2. 1648 fig. « chute, culbute » (Scarron, Virgile, V-205b ds Richardson). Empr. à l'ital. cascata (part. passé substantivé de cascare « tomber », v. casquer) « éboulement de rochers, de lave », xves. « chute d'eau », xvies. ds Batt. Fréq. abs. littér. : 824. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 1 659, b) 1 373; xxes. : a) 791, b) 876. Bbg. Boulan 1934, p. 25. − Gohin 1903, p. 342. − Hope 1971, p. 280. − Rommel (A.). Die Entstehung des klassischen französischen Gartens im Spiegel der Sprache. Berlin, 1954, p. 62, 69, 187, 189. − Sain. Lang. par. 1920, p. 464. |