| CARRIÈRE1, subst. fém. I.− A.− Vx, littér. Terrain entouré de barrières et aménagé pour des courses de chars, des courses à pied, des passes d'armes. B.− ÉQUITATION 1. Terrain pour les courses de chevaux. Rem. Synon. mod. champ de course. − P. métaph. Ouvrir, fermer la carrière : 1. Cet élément du culte une fois développé, ouvrit la vaste carrière des superstitions humaines.
Chateaubriand, Essai sur les Révolutions,t. 2, 1797, p. 289. ♦ Entrer dans la carrière. Nous entrerons dans la carrière Quand nos aînés n'y seront plus (La Marseillaise, Strophe des enfants, 1792). − Loc. S'arrêter au milieu de la carrière (Ac. 1835-1932). Donner carrière à un cheval. Lui ouvrir le terrain de course, lui lâcher les rênes. − Au fig. Donner libre carrière. Laisser le champ libre. Donner carrière à son imagination. Votre système (...) donne carrière à tous les débordements (Flaubert, Bouvard et Pécuchet,t. 2, 1880, p. 104). − Emploi abs. Se donner carrière. Se déployer librement, sans frein. On racontait au sujet de ses cures [de Jésus] mille histoires singulières, où toute la crédulité du temps se donnait carrière (Renan, Histoire des origines du Christianisme,Vie de Jésus, 1863, p. 274). 2. TECHN. MILIT. : 2. « Les chevaux de carrière, la carrière en abrégeant, d'où monter la carrière, s'opposent aux chevaux de manège, ou manège, d'où monter le manège. L'équitation de manège, ou civile, est générale; celle de carrière comporte les manœuvres réglementées de l'arme; St-Cyr, 1903-05. »
R. Mulot, Notes manuscrites sur l'arg. de Saint-Cyr en1903-05, 1918-19, p. 474. 3. P. méton. a) Vx. Distance qu'un cheval peut parcourir sans perdre haleine. Fournir sa carrière. Bien faire sa course. b) Espace à parcourir dans une course. Courir sa carrière : 3. carnioli [à André] : ... Regarde là-bas ce noble vaisseau (...) il s'en va (...) gagner le libre Océan pour y courir sa carrière magnifique, ...
O. Feuillet, Scènes et comédies,1854, p. 113. − P. anal. Trajectoire d'un astre. Le soleil commence, achève sa carrière (Ac. 1835-1932). − P. métaph. : 4. « Quel champ pour la contemplation, quelle carrière pour l'essor de la pensée, ... »
Crèvecœur, Voyage dans la Haute Pensylvanie,t. 3, 1801, p. 31. II.− Au fig. 1. [En parlant de pers.] Cours de la vie : 5. Quiconque prolonge sa carrière sent se refroidir ses heures; il ne retrouve plus le lendemain l'intérêt qu'il portait à la veille.
Chateaubriand, Mémoires d'Outre-Tombe,t. 2, 1848, p. 11. − P. ext. [En parlant de choses] :
6. ... ces timbres [les « Bordeaux »], malgré la hausse, sont à un moment intéressant de leur carrière.
L'Œuvre,2 févr. 1941. 2. Usuel. Profession où l'on s'engage et dont on peut parcourir les degrés. Carrière des ambassades, carrière diplomatique; officier, sous-officier de carrière : 7. ... il remâchait intérieurement les déboires d'une carrière sans avancement...
Proust, Sodome et Gomorrhe,1922, p. 643. − Abrév. La Carrière. Carrière diplomatique : 8. saqueville. − Pourquoi diable as-tu quitté la diplomatie?
louis. − Aujourd'hui il faut être député pour devenir quelque chose dans la carrière.
Mérimée, Les Deux héritages,1853, p. 24. Prononc. et Orth. : [kaʀjε:ʀ] ou [kɑ-]. [a] ant. ds Dub., Pt Lar. 1968 et Lar. Lang. fr.; cf. aussi Nod. 1844 et Littré. [ɑ] post. ds Barbeau-Rodhe 1930 (avec une demi-longueur), Warn. 1968; cf. aussi Land. 1834, Gattel 1841, Fel. 1851 et DG. Pour [ɑ] cf. encore Kamm. 1964, p. 97. [a] ou [ɑ] ds Passy 1914 et Pt Rob. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1534 équit. donner cent quarrieres « faire courir un cheval de tous côtés » (Rabelais, Gargantua, éd. Calder, Screech et Saulnier, chap. 21, 1. 130); 1524-40 id. carriere « espace où l'on fait courir les chevaux » (N. Herberay des Essars, Le Premier Livre de Amadis de Gaule, p. 199 ds IGLF); 1542-59 donner carriere [à un cheval] « (lui) laisser le champ libre » (Amyot, J. Caesar ds Gdf. Compl.); 1557 « cours des astres » (O. de Magny, Souspirs, p. 118 ds IGLF); av. 1560 « course quelconque » (Du Bellay,
Œuvres, t. II, p. 17, ibid.); 1585 se donner carriere « se divertir » (N. du Fail, Contes d'Eutrapel, t. II, p. 97, ibid.); av. 1630 « cours de la vie » (D'Aubigné, Lettre au Président d'Expilly ds
Œuvres, éd. Réaume et Caussade, t. 1, p. 355); 1671 « voie où l'on s'engage dans la vie » (Pomey); av. 1680 « profession qui présente des étapes » (Patru ds Trév. 1704); 1694 « temps pendant lequel on exerce une profession » (Ac.). S'agissant d'abord d'un terme d'équit., plutôt qu'empr. à l'a. prov. carreira « chemin » (Bl.-W.5; FEW t. 2, pp. 414-415) attesté dep. le xiies. (v. Rayn. et Levy Prov.), prob. empr. à l'ital. carriera (Wind, p. 68; DEI; Dauzat 1973; REW3, no1718; EWFS2) attesté dep. le xiiies. au sens « chemin de chars » (Pannuccio del Bagno ds Batt.) et au sens « course rapide d'un cheval » dep. le début du xvies. (Berni, ibid.), lui-même prob. empr. à l'a. prov. carreira, aussi carriera, le suff. -iera n'étant pas autochtone en ital. (v. Rohlfs, no1114 et Migl.-Duro, p. 163 et p. 173). L'a. prov., de même que l'a. fr. char(r)iere, a. pic. car(r)iere, quar(r)iere « chemin (de chars) » (xiies. ds Gdf. et T.-L.), sont issus du lat. vulg. *carraria « id. », adj. fém. substantivé tiré de (via) carraria « voie pour chars », dér. de carrus (char*). DÉR. 1. Carriérisme, subst. masc.Aspiration inconditionnelle, mais prudente à la réussite, à la satisfaction à tout prix d'ambitions personnelles, en particulier dans les carrières politiques, administratives, syndicales, etc. Morice a parlé, la bonne poire. Il a étalé son carriérisme, cet affreux pathos humanitaire, artistique et social (J. Rivière, Correspondance[avec Alain-Fournier], 1908, p. 63).− 1reattest. 1908 (id.); de carrière, suff. -isme*. − Fréq. abs. littér. : 2. 2. Carriériste, subst. masc.Arriviste à tout. Coppée. − Il avait une vertu, il était charitable, il donnait sans calcul. Ce n'était pas un placement. À part cela, c'était un carriériste. Un homme extrêmement avisé (Barrès, Mes cahiers,t. 7, 1908-09, p. 334).− [kaʀjeʀist] ou [kɑ-]. Seule transcr. ds Pt Rob. qui admet [a] ant. ou [ɑ] post. − 1reattest. 1909 (id.); de carrière1, suff. -iste*. − Fréq. abs. littér. : 1. BBG. − Gottsch. Redens. 1930, p. 307. − Grimaud (F.). Pt gloss. du jeu de boules. Vie Lang. 1968, p. 112. − Rat (M.). Sur le front du vocab. : définir. Déf. Lang. fr. 1965, pp. 9-10. − Wind 1928, p. 68. |