| CAJOLER1, verbe. I.− Emploi intrans., vx [Le suj. désigne un oiseau, et plus spéc. le geai et la pie] Chanter, siffler pour attirer la femelle. Entendre cageoler le geai (F. Galipeaux, Souvenirs,1931, p. 238). II.− Emploi trans. A.− [Le suj. et le compl. désignent une pers.] 1. Entourer quelqu'un d'attentions délicates, lui prodiguer des caresses, des paroles douces et affectueuses. Cajoler un enfant. Cajoler du regard et de la voix (Zola, Madeleine Férat,1868, p. 120).Synon. câliner, choyer, dorloter : 1. Les tard-venus comme moi ne connaissent pas de demi-mesure; ou bien on les choie, on les cajole, on les mignarde ridiculement, on en fait d'insupportables petits tyrans...
A. Arnoux, Les Crimes innocents,1952, p. 168. 2. ... je refusais d'entrer dans les comédies concertées par les adultes; trop âgée à présent pour me faire caresser, câliner, cajoler par eux, j'avais de leur approbation un besoin de plus en plus aigu.
S. de Beauvoir, Mémoires d'une jeune fille rangée,1958, p. 31. 2. [Avec une idée de profit] Cajoler un vieillard pour se faire nommer dans son testament (Nouv. Lar. ill.). Synon. aduler, amadouer, flagorner.Il apprenait [dans les salons politiques] à caresser les grands et à cajoler les forts (Flaubert, La 1reÉducation sentimentale,1845, p. 266). − Spéc., ds le lang. de l'amour. Cajoler une femme. Lui tenir des propos galants, la caresser en vue de la séduire. Synon. courtiser, enjôler.Il s'est mis (...) à me dire des flatteries, et puis à me cajoler tant que le jour durait (Maupassant, Contes et nouvelles,t. 2, Rosalie Prudent, 1886, p. 644). − Absol. Tu cajoles, tu fais l'enfant et brusquement, (...) te voilà une petite vipère (Montherlant, L'Exil,1929, p. 42). − Emploi pronom. à sens réciproque : 3. [L'exécuteur à son aide] : − ... il est fort inconvenant de se cajoler mutuellement au balcon de l'entre-sol, comme tu le fais avec ta marchande de vin tout le temps que dure l'exposition.
Balzac,
Œuvres diverses,t. 1, 1850, p. 571. Rem. On rencontre ds la docum. a) Cajolant, ante, part. prés. et adj. Ces cajolantes paroles (Sainte-Beuve, Nouveaux lundis, t. 1, 1863-69, p. 229). b) Cajolé, ée, part. passé et adj., rare. Tant d'heures cajolées et tendres (Zola, Travail, t. 2, 1901, p. 173). B.− Au fig., littér. 1. [Le suj. désigne un élément de la nature, le compl. désigne une pers.] Caresser légèrement. Une pauvre enfant de l'école / Cherche le vent qui la cajole (L. de Vilmorin, Les Belles amours,1954, p. 212). 2. [Le suj. désigne une pers., le compl. désigne un inanimé abstr.] Entretenir avec complaisance un sentiment, une idée, un état. Cajoler la fortune (Balzac, Splendeurs et misères des courtisanes, 1847, p. 240), cajoler une passion (Sainte-Beuve, Causeries du lundi, t. 2, 1851-62, p. 306), cajoler certaines illusions (Radiguet, Le Bal du comte d'Orgel, 1923, p. 134), cajoler ses désirs (Sartre, Le Diable et le Bon Dieu,1951, p. 247). Prononc. et Orth. : [kaʒ
ɔle], (je) cajole [kaʒ
ɔl]. Ds Ac. 1694-1932. Fér. 1768 : ,,Quelques-uns écrivent cageoler``. Étymol. et Hist. 1. 1579 cageoller « chanter, crier (comme un oiseau, geai) » (Paré, Livre des Animaux, éd. J.-F. Malgaigne, chap. 25, t. 3, p. 767), forme attestée jusqu'en 1771, Trév.; 1551-1616 cajoler (J. Le Houx, Vaux de vire, XXI, Gasté ds Gdf.); sens attesté jusqu'en 1675 (Widerhold, Nouv. dict. all.-fr. et fr.-all., Bâle); repris dep. 1752, Trév. comme terme de fauconn., qualifié de ,,vx`` par Lar. 20e; d'où 2. 1585 intrans. cajoller « flatter par intérêt avec des paroles » (Cholières, 5eAp. Disnée, pp. 197-198 ds Hug.) − 1611, Cotgr.; spéc. 1637 « échanger des propos galants » (Corn., Suiv., 584 ds Rob.), lang. du xviies.; emploi trans. dep. 1596 (G. de Tavannes, Mém., p. 416 ds Gdf. Compl.). Orig. incertaine; peut-être adaptation sous l'infl. de cage* du m. fr. gayoler « caqueter, babiller comme un oiseau » (1525, Banquet du boys ds Gdf.), dér. de gaiole forme pic. de geole* « cage » (xiies. d'apr. FEW t. 2, 1, p. 554b; 1278, Roman de Hem., ds T.-L.) avec infl. sém. de enjôler* « attirer (dans une cage) par des vocalises qui flattent » (Dauzat 1973). − Cette hyp. semble préférable à celle qui consiste à dissocier cajoler « caqueter, babiller » et cajoler « flatter » (EWFS2et REW3, no1790 et 3640) et considérant le premier soit comme un dér. de l'anthroponyme Jacques désignant la pie dans certains dial., soit comme une formation onomatopéique à partir de cacarder* « caqueter », le second comme un croisement soit de enjoler et de caresser, soit de l'a. fr. jaiole « petite cage » et de caresser. Fréq. abs. littér. : 89. |