| CACHER, verbe. I.− Emploi trans. Soustraire, dérober à la vue. A.− [L'obj. désigne un être ou un obj. concr.] 1. [Le suj. désigne une pers., un animé] Soustraire, dérober à la vue, intentionnellement ou non, souvent en mettant dans un endroit secret ou en recouvrant. Synon. dissimuler. a) [Le compl. désigne une pers.] Cacher des prisonniers évadés. ... et cachez un amant sous le lit de l'époux. (Musset, Rolla,1833, p. 17);elle cachait un amant dans son lit. (Zola, Madeleine Férat,1868, p. 122) : 1. Mais comment le soustraire? ... Les portes sont gardées... Mon ami, je ne puis te cacher... suis-moi... Non... je dirai... Quoi? qu'il s'est sauvé. (...). Elle le cache dans l'armoire.
Lemercier, Pinto,1800, V, 8, p. 152. b) [Le compl. désigne une partie du corps] Cacher ses cheveux sous un bonnet; cacher son visage dans ses mains; var., se cacher le visage dans les mains; ne pas pouvoir cacher ses larmes. Elle cachait ses cheveux gris sous une perruque frisée dite « à l'enfant » (Hugo, Les Misérables,t. 1,1862, p. 92);cacher sa nudité sous son peignoir (Zola, La Joie de vivre,1884, p. 1087);cacher ses yeux pleins de larmes (G. Leroux, Le Parfum de la Dame en noir,1908, p. 68). c) [Le compl. désigne un inanimé concr.] Cacher de l'argent, son trésor; cacher soigneusement qqc. Les bas de laine, dans lesquels le roi citoyen cachait ses gros sous (Zola, Le Ventre de Paris,1873, p. 661): 2. Alors, comme il [le meurtrier] avait de la ficelle dans ses poches, il le lia [le paquet de hardes] et le cacha dans un trou profond du ruisseau, sous un tronc d'arbre dont le pied baignait dans la Brindille.
Maupassant, Contes et nouvelles,t. 2, La Petite Roque, 1885, p. 1040. 3. hoederer. − (...). (Il va à la valise et l'ouvre.) Ils cherchaient une arme. On peut cacher des armes dans une valise mais on peut aussi y cacher des papiers. hugo. − Ou des affaires strictement personnelles.
Sartre, Les Mains sales,1948, 3etabl., 4, p. 112. SYNT. Cacher son mouchoir dans sa poche; cacher qqc. au fond d'une armoire, sous un meuble, dans un trou, etc.; vieilli, cacher un tableau, le couvrir (Ac. 1798-1932). ♦ Cacher son jeu. Cacher ses cartes à jouer. Surtout au fig. Dissimuler ses projets, le but qu'on s'est fixé et les moyens d'y parvenir. Eh bien, si vous êtes fiancés, vous cachez bien votre jeu! (H. Bataille, Maman Colibri,1904, p. 4). 2. [Le suj. désigne un inanimé, parfois une pers.] Dérober à la vue en faisant écran. Synon. masquer, voiler.Les nuages cachent le soleil; cacher la vue; cacher complètement. Un lac dont un rideau de rochers et d'arbres lui cache la vue (Proust, Le Temps retrouvé,1922, p. 1035): 4. Comme le soleil était ardent, elles avaient ouvert leurs ombrelles, qui, baissées ou relevées suivant le hasard de la marche, cachaient ou dévoilaient leur visage.
Arland, L'Ordre,1929, p. 27. 5. ... la masse entière du château sortit des derniers buissons qui la cachaient. Il fut alors visible que la façade barrait tout à fait l'étroite langue du plateau.
Gracq, Au château d'Argol,1938, p. 22. − En partic. a) [Le suj. et l'obj. désignent une partie du corps hum.] Le désordre de ses cheveux cachait à demi son beau front (Gide, Si le grain ne meurt,1924, p. 503);ses paupières et ses longs cils cachaient tout à fait des yeux qu'on devinait admirables (J. et J. Tharaud, La Fête arabe,1912, p. 58). b) [L'obj. désigne un article utilitaire que l'on veut soustraire à la vue] Placard qui cache un lavabo, une penderie; rideau qui cache un rayonnage. − Loc. proverbiale. Les arbres cachent la forêt (cf. arbre I C). Au fig. et littér. L'abondance des détails empêche la vue d'ensemble. B.− [L'obj. désigne un abstr.] 1. Domaine autre que la communication verbale.Dérober, soustraire à la connaissance d'autrui. a) [Le suj. désigne une pers.] Cacher qqc. sous... − Fréq. [L'obj. est un inanimé abstr. gén. précédé du poss. et désignant un sentiment qu'on ne veut pas exprimer ou sa manifestation] :
6. Je ne cherche point à cacher des sentiments dont je m'honore ni des amitiés politiques dont je suis prêt à répondre devant nos concitoyens.
Lamartine, Correspondance,1834, p. 85. 7. Je n'ai pu cacher mon mécontentement extrême et j'ai répandu la tristesse autour de moi. Joli résultat.
Bloy, Journal,1907, p. 342. SYNT. Cacher (sous l'impassibilité, sous une attitude d'emprunt) son amour, son chagrin, sa déconvenue, son désespoir, son embarras, son émotion, sa gêne, sa honte, son irritation, sa jalousie, sa joie, son mécontentement, son mépris, sa satisfaction, sa sympathie, son trouble; (ne plus) pouvoir cacher, avoir peine à, chercher à, parvenir à, réussir à cacher (ses sentiments); essayer de, s'efforcer (en vain) de, tâcher de cacher; se détourner pour cacher (son chagrin). − Cacher ses actes, ses crimes, sa misère. N'avoir rien à cacher. Mener une vie parfaitement honnête. ♦ Vieilli. Cacher sa vie [d'après le précepte d'Épicure]. Mener une vie retirée, loin du monde et dans l'obscurité : 8. Je ne vais nulle part, ne vois personne et ne suis vu de personne. Le commissaire de police ignore mon existence; je voudrais qu'elle le fût encore beaucoup plus. Comme dit le sage ancien : « cache ta vie et abstiens-toi ».
Flaubert, Correspondance,1841, p. 89. − En partic. [Avec une nuance laud. ou péj.] Présenter une réalité différente des apparences. Cacher un cœur d'or sous des airs bourrus. Elle cache la disette de ses idées sous l'abondance de ses paroles (Chateaubriand, Mémoires d'Outre-Tombe,t. 3, 1848, p. 103; cf. aussi agreste ex. 10). b) [Le suj. est un abstr. désignant un comportement hum.] Phrases de violence révolutionnaire qui (...) cachent seulement le défaut de clarté et de force d'action (Jaurès, Ét. socialistes,1901, p. 64). − Spéc. Masquer momentanément ce qui sans doute, se manifestera par la suite. Que cache ce silence? Cette façon d'agir lui sembla cacher qq. piège (Zola, La Fortune des Rougon,1871, p. 51). 2. Domaine de la communication verbale.[Le suj. désigne une pers.] Taire volontairement. Cacher qqc. à qqn; cacher son âge, une mauvaise nouvelle, la vérité; tu me caches qqc. Aucun des quelques trente mille Français qui séjournèrent là-bas [en Pologne] ne cachera son admiration et sa gratitude envers les Polonais (Ambrière, Les Grandes vacances,1946, p. 321): 9. Que faire en cette fatale conjoncture? Lui cacher [sa grossesse] et le duper était chose difficile et malhonnête; lui déclarer tout franchement, c'était tout perdre, ...
P. Borel, Champavert,M. de l'Argentière, l'accusateur, 1833, p. 25. 10. Certes quand Odette venait de faire quelque chose qu'elle ne voulait pas révéler, elle le cachait bien au fond d'elle-même. Mais dès qu'elle se trouvait en présence de celui à qui elle voulait mentir, un trouble la prenait, ...
Proust, Du côté de chez Swann,1913, p. 278. − Spécialement a) Domaine relig.Cacher des fautes graves en confession (Marcel1938). b) Domaine des relations affectives.[Souvent à la forme négative, le compl. peut désigner une action répréhensible] Femme qui ne cache rien à son mari; mari qui cache qqc. à sa femme. Ne cacher (à qqn) que ce qui pourrait le peiner (E. de Guérin, Journal,1839, p. 300). − [Avec des pron. à valeur réciproque] Ne rien se cacher l'un à l'autre. Tout se dire, y compris les choses les plus intimes. Nous sommes libres Robert et moi et nous ne nous cachons rien (S. de Beauvoir, Les Mandarins,1954, p. 71). c) Par litote, dans le lang. de la conversation. SYNT. (négatifs). Ne pas cacher qqc. Avouer franchement. Mais je ne cache pas mon âge, ma chère madame (Becque, Les Corbeaux, 1882, p. 73). Je ne vous cache pas que. Je dis ouvertement. Je ne vous cacherai pas que le jeune comte de La Môle doit vous mépriser (Stendhal, Le Rouge et le Noir, 1830, p. 233). II.− Emploi pronom. A.− [Le suj. désigne un animé] Emploi à sens réfléchi. 1. Se soustraire aux regards d'autrui ou à ses recherches, souvent en se retirant dans un lieu secret. Se cacher chez qqn, dans les broussailles, sous un lit, derrière un meuble : 11. S'ils étaient venus tous s'exiler à Rancy, c'était pas par plaisir, mais pour se cacher, se faire oublier, disparaître en groupe.
Céline, Voyage au bout de la nuit,1932, p. 337. 12. Physiquement, l'être qui reçoit le sentiment du refuge se resserre sur soi-même, se retire, se blottit, se cache, se musse.
Bachelard, La Poétique de l'espace,1957, p. 93. ♦ Se cacher sous un masque. Cacher son visage sous un masque. ♦ Va te cacher! Aller se cacher. Formule de renvoi, aller cacher sa honte, sa misère. Va te cacher, père de faillie! (R. Bazin, Le Blé qui lève,1907, p. 101). − Au fig. Se cacher pour faire le bien (G. Sand, Histoire de ma vie,t. 3, 1855, p. 344). 2. Se cacher + compl. prépos. à ou de : ♦ Se cacher à qqn.Ne pas se laisser voir de lui. Se cacher à tous les yeux (Fiévée, La Dot de Suzette,1798, p. 144).Spéc. se cacher au monde. Mener une vie fort retirée (Ac. 1835-1932). ♦ Se cacher de qqn.Agir à son insu. Nous nous cachons de tous. Nous n'avons pas confiance (Barrès, Mes cahiers,t. 11, 1914-18, p. 46).Adam, jadis, se cachait de Dieu parmi les arbres du paradis. C'est au tour de Dieu maintenant de se cacher (Claudel, Un Poète regarde la Croix,1938, p. 140). ♦ Se cacher de qqc.Taire, tenir secrets ses actes ou pensées devant autrui, souvent à la forme négative. Je ne m'en cache pas. Je le déclare. Le Pérugin était athée, et ne s'en cachait pas (A. France, Le Lys rouge,1894, p. 139). B.− [Le suj. désigne un inanimé] Emploi à sens passif (ou parfois, par personnification du suj., emploi réfl.). Être invisible. Le soleil se cache dans les nuages : 13. ... et il pouvait suivre pendant une demi-lieue la route blanche qui tout à coup fait un coude, se cache dans les arbres, reparaît encore jusqu'à un petit pont et disparaît derrière des cabanes de paysans.
Champfleury, Les Bourgeois de Molinchart,1855, p. 116. − Au fig. C'est dommage que les beaux sentiments se cachent, et que les mauvais se montrent (Clemenceau, L'Iniquité,1899, p. 112);innocent persiflage, malgré les intentions malignes qui se cachaient sous un vernis d'extrême urbanité (Blanche, Mes modèles,1928, p. 110). PRONONC. : [kaʃe], je (me) cache [kaʃ]. Enq. : /kaʃ/ (il) cache. Homon. cachais, cachai(en)t et cachet. ÉTYMOL. ET HIST. − 1. a) xiiies. quachier « (d'une pers.) dérober à la vue » (S. Graal, B.N. 2455, fo283 vodans Gdf. Compl.), graphie attestée jusqu'au xves., ibid.; 1275-80 soi cachier (J. de Meung, Rose, 8846 dans T.-L.); 1704 cacher son jeu (Trév.); b) 1690 trésor caché « (d'une pers.) dont la valeur est méconnue » (Fur.); 2. a) 1549 « soustraire à la connaissance, déguiser, ne pas exprimer » (Est.); b) 1666 se cacher de qqn « ne pas faire connaître ses pensées et actions à qqn » (Corn. Agés., V, I dans Littré); 1667 se cacher de qqc. « n'en pas convenir » (Rac., Androm., IV, 3, ibid.).
Du lat. *coacticare « comprimer, serrer » forme renforcée du lat. coactare « contraindre » (Lucrèce dans TLL s.v., 1369, 50), fréquentatif de cogere « id. ». De coactare, les formes méridionales de type cacha « écraser, broyer, presser, blesser » (Mistral); ce même sens de « écraser » est attesté dès le xiies. pour le dér. a. fr. escachier (Chr. de Troyes, Erec et Enide dans T.-L.); le sens de « dissimuler », peu fréq. jusqu'au xvies., est dér. de celui de « presser, comprimer »; cacher a fini par supplanter en ce sens les verbes a. fr. escondre, esconser et musser. STAT. − Cacher. Fréq. abs. littér. : 9 687. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 14 401, b) 14 130; xxes. : a) 14 348, b) 12 707. Cachant. Fréq. abs. littér. : 631. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 857, b) 1 270; xxes. : a) 1 194, b) 553. DÉR. 1. Cacherie, subst. fém.Soin de se cacher. Folle d'amour pour un homme qui, depuis trois semaines qu'a eu lieu l'aventure de la cacherie chez moi, n'a pas daigné me regarder ni répondre à mes lettres, j'ai déserté la maison du meilleur des maris (Stendhal, Romans et nouvelles,t. 2, 1842, p. 370).Attesté dans Littré, Nouv. Lar. ill., Lar. 20e, DG, Quillet 1965, Lar. Lang. fr.− [kaʃ
ʀi]. − 1reattest. av. 1755 (St-Sim. 295, 31 dans Littré); dér. de cacher, suff. -erie*. 2. Cachotter, verbe trans.,vx et rare. Faire des cachotteries. Tenir secret des choses de peu d'importance. Il a voulu me cachotter ses petites intrigues (Ac.1878-1932).Attesté (souvent avec réf. à Mmede Sévigné, cf. étymol.) par Lar. 19e, Lar. encyclop., Littré, Ac. 1878-1932, Rob., Quillet Lar. Lang. fr. L'emploi pronom. est mentionné dans Lar. 19e, Nouv. Lar. ill., Littré, Quillet. Aucun ex. dans la docum.− [kaʃ
ɔte], (je) cachotte [kaʃ
ɔt]. Ortho-vert 1968, p. 125 : ,,Les verbes en -oter, s'ils sont des diminutifs d'autres verbes, s'écrivent, sauf frisotter et cachotter, avec un seul t.`` − 1reattest. av. 1696 (Mmede Sévigné, Lettres, VIII, 478, éd. M. Monmerqué, Lexique, Paris, 1866, p. 13); dér. de cacher* « dissimuler, déguiser », suff. -ot(t)er*. BBG. − Gohin 1903, p. 334. − Goug. Lang. pop. 1929, p. 3. − Sain. Sources t. 2 1972 [1925], p. 202. |