| BRILLANT1, ANTE, part. prés., adj. et subst. I.− Part. prés. de briller2*. II.− Adjectif A.− 1. [En parlant d'un obj. lumineux ou réfléchissant] Qui répand une lumière vive, intense, parfois diffuse, par rayonnement ou par réflexion : 1. ... assis dans la vallée, le berger contemploit la lune au milieu du brillant cortége des étoiles, et il se réjouissoit dans son cœur.
Chateaubriand, Les Martyrs,t. 1, 1810, p. 133. SYNT. Astre, soleil brillant; brillant soleil; ciel, nuage brillant; cuivre, métal brillant. ♦ P. méton. : 2. Poëme « l'horloge » : Si, des brillants instants que, le matin, tu nombres,
Nous faisons large usage et ne les comptons pas,
Notre cœur, chaque soir, opprimé par les ombres,
Veut ralentir du temps les trop rapides pas.
Muselli, Les Travaux et les jeux,1914, p. 22. 2. En partic. a) [En parlant des yeux, du regard, etc.] Qui a un éclat inhabituel : 3. Quand je le voyais rentrer le soir, un peu pâlot, l'air content, l'œil brillant, je me disais : « Encore une. Je suis sûre qu'il en a levé encore une. »
Maupassant, Contes et nouvelles,t. 2, Le Masque, 1889, p. 1165. − [Avec un compl. prép. de, indiquant l'orig.] ♦ Brillant de + subst. concr.Suzanne (...) regarda Laurent de ses yeux soudain brillants de grosses larmes (G. Duhamel, Chronique des Pasquier,Cécile parmi nous, 1938, p. 107). ♦ Brillant de + subst. abstr.Brillant d'allégresse, de fièvre, de jeunesse, de joie, de pureté. Il [Charles Grandet] jeta sur Eugénie un de ces regards brillants de bonté, de caresses (Balzac, Eugénie Grandet,1834, p. 102). b) Rare. [En parlant d'un obj. vivement coloré] Flamboyant. Un paon faisoit la roue, et les autres oiseaux/ Admiroient son brillant plumage (Florian, Fables,Le Paon, 1792, p. 145). B.− Au fig. [L'adj. est souvent antéposé] Qui sort du commun, qui se manifeste avec éclat, de manière à frapper l'imagination et/ou l'esprit. 1. Domaine soc. et mondain a) [L'idée dominante est celle de distinction, de grandeur] Un brillant uniforme; une brillante renommée; des manières brillantes. Les manières aisées, brillantes, des jeunes seigneurs de la cour du régent (Jouy, L'Hermite de la Chaussée d'Antin,t. 3, 1813, p. 3). b) [L'idée dominante est celle de faste, de magnificence] Un brillant cortège, festin, spectacle : 4. Nous vîmes la comtesse, brillante dans un brillant équipage. La coquette nous salua fort affectueusement en me jetant un sourire qui me parut alors divin et plein d'amour.
Balzac, La Peau de chagrin,1831, p. 140. c) [L'idée dominante est celle de prospérité, de réussite] Une brillante éducation, situation; des études brillantes; un brillant succès; un brillant avenir; un brillant parti, mariage. Le prince Eugène fut l'objet de beaucoup de séductions et d'un grand nombre de propositions fort brillantes (Las Cases, Le Mémorial de Sainte-Hélène, t. 1, 1823, p. 198). d) Parfois péj. [L'idée dominante est celle de légèreté, d'insouciance, de gaieté superficielle] Ce Paris intact, joyeux, brillant, à peine effleuré par la guerre (Van der Meersch, Invasion 14,1935, p. 443). Rem. 1. Une distinction rigoureuse n'est pas toujours possible, plusieurs not. pouvant se trouver conjointement dans certains cont. Il en est ainsi, dans l'ex. suiv. où apparaissent des nuances de grandeur et de réussite : 5. ... ils [mes parents] hébergeaient − avec la parfaite innocence d'honnêtes hôteliers qui ont chez eux, sans le savoir, un célèbre brigand − un des membres les plus élégants du Jockey-Club, ami préféré du comte de Paris et du prince de Galles, un des hommes les plus choyés de la haute société du faubourg Saint-Germain. L'ignorance où nous étions de cette brillante vie mondaine que menait Swann tenait évidemment en partie à la réserve et à la discrétion de son caractère, ...
Proust, Du côté de chez Swann,1913, p. 16. Rem. 2. De même, dans l'ex. suiv., les not. de faste et de légèreté sont présentes : 6. La fête était brillante et extrêmement gaie. (...). On dansait à minuit sur la terrasse à la lueur de la lune, (...) la douceur du soir entourait les belles peaux en sueur et tout le monde était jeune. Les lueurs, les yeux profonds, les sourires, les dents claires dispersaient toutes les peines intérieures.
Jouve, Paulina 1880,1925, p. 59. 2. Domaine intellectuel ou artistique.[Avec l'idée de talent, d'ingéniosité] . Qui séduit ou frappe vivement l'imagination et/ou l'esprit. − [En parlant d'une pers., d'un groupe de pers.] Un esprit brillant; un brillant lettré, un sujet brillant. Tout le monde riait autour de la table... Quel brillant causeur, ce Donnat! Comme il manie le paradoxe! (Curel, La Nouvelle idole,1899, I, 6, p. 184): 7. La table de « Dizzy » [Disraëli] (...) se couvrit de nobles invitations. Il trouvait plaisir à les accepter. Dans ce monde brillant, spirituel, accueillant, il se sentait plus à sa place que parmi les bourgeois de son enfance. La grâce libre et hardie de ces jeunes femmes, de ces jeunes lords l'enchantait.
Maurois, La Vie de Disraëli,1927, p. 72. − [En parlant des qualités, des dons d'une pers.] :
8. Mais l'homme qui possède des dons brillants ne peut se satisfaire longtemps et les exercer sur un objet médiocre.
Aymé, Le Passe-muraille,1943, p. 12. − [En parlant de production de l'esprit, d'œuvres artistiques] :
9. Les Allemands trouvent une sorte de charlatanisme dans l'expression brillante, et prennent plutôt l'expression abstraite, parce qu'elle est plus scrupuleuse et s'approche davantage de l'essence même du vrai; mais la conversation ne doit donner aucune peine ni pour comprendre ni pour parler.
Mmede Staël, De l'Allemagne,t. 1, 1810, p. 186. 10. Le côté faible, à mon sens, c'est ici la culture d'esprit. On a le goût des belles choses, ou du moins de la poésie, mais encore à l'état de sentiment. Jamais un mot brillant ou pittoresque, une image, une idée, un trait ne passe à travers ce langage recueilli. On est tout âme, bonté, conscience, mais sans talent ni éclat, sans puissance d'analyse ni d'expression.
Amiel, Journal intime,1866, p. 360. 11. Goethe a dit... qu'il faut préférer l'injustice au désordre − Mais il y a là quelque chose de plus brillant que solide, car l'ordre véritable présume la justice.
L. Daudet, Le Rêve éveillé,1926, p. 193. Rem. Brillant s'oppose d'une part à commun, banal et d'autre part à grave, réfléchi, solide. Gén. lorsque la 1reoppos. est dominante le sens est nettement mélioratif (cf. ex. 7 et 8); inversement, lorsque c'est la 2equi prédomine, le sens tend à être péj. (cf. ex. 9 et 11). ♦ Domaine musical.Vif et sonore : 12. Cette embarcation, plus frêle et plus élégante que les autres, était montée par des musiciens dont tous les instruments étaient de cuivre. Ils sonnèrent une brillante fanfare et ces voix de métal, si sonores et si pénétrantes, vinrent du fond des ondes bondir sur les murs du pavillon.
G. Sand, Lélia,1833, p. 218. − Littér., rare. Qui frappe très vivement la vue et/ou l'esprit par son étrangeté : 13. ... un tel amour avait comme toutes les choses sacrilèges un aspect particulièrement brillant, fulgurant, à travers la beauté du soir, ...
Jouve, La Scène capitale,1935, p. 179. 3. [Avec l'idée d'évidence immédiate, physique ou morale] a) Domaine de la connaissance.Madame Grandet, (...), était venue donner un brillant démenti à ces prévisions philosophiques (Stendhal, Lucien Leuwen,t. 3, 1836, p. 360). b) Domaine physique.Brillant de santé. Dont l'apparence dénote une excellente condition physique : 14. Les deux amis, Lorsac et Maisoncelles, dans la fleur de leurs vingt ans, roses et blancs, brillants de santé, encore un peu poupins, imberbes et frisés, tout heureux d'être admis au jour d'une jeune femme, se tenaient sur le bout de leurs chaises, respectueusement.
E. et J. de Goncourt, Renée Mauperin,1864, p. 177. − Loc., fam. Ne pas être brillant. Cf. reluisant. ♦ [En parlant d'une pers.] Être abattu, en mauvaise condition physique ou morale : 15. Il n'était pas brillant le mari. Il n'avait plus beaucoup de circulation. C'est au cœur que ça le tenait.
Céline, Voyage au bout de la nuit,1932, p. 460. ♦ [En parlant d'une chose, d'une situation, etc.] Être ordinaire, médiocre : 16. Évidemment l'autre chose que vous me proposez, ce n'est pas brillant, mais c'est régulier; je crois que j'accepterai cette proposition que vous m'avez faite, si aimablement faite, cette place.
Claudel, Partage de midi,1949, II, p. 1121. P. ext. Être sans grandeur, sans noblesse : 17. La pénitence, nous le savons, ça n'est déjà pas si brillant que ça.
Ça n'est pas si reluisant.
(...).
La pénitence ça n'est déjà pas si malin que ça. Alors quoi.
Péguy, Le Porche du mystère de la 2evertu,1911, p. 608. [En réduplication intensive] :
18. Une jeune troupe le recueillit enfin pour un petit rôle dans une pièce de Jean Giraunio. Il avait droit à deux répliques et un peu d'argent. C'était pas brillant brillant, ça ne lui permettait pas de crever absolument mais c'en était proche.
Queneau, Loin de Rueil,1944, p. 144. PARAD. a) (Quasi-)synon. contextuels. Adroit, alerte, changeant, clair, délicat, éclatant, étincelant, fin, fragile, gracieux, habile, intelligent, joyeux, léger, poli, rapide, reluisant, sans poids, séduisant, spirituel, vif. b) (Quasi-) anton. contextuels. Brumeux, commun, contestable, froid, morne, obscur, solide, sombre, terne. III.− Emploi subst., au sing. [Le plus souvent avec l'art. déf.] Qualité de ce qui répand une lumière vive ou intense, parfois diffuse, par rayonnement ou par réflexion. Le brillant de qqc.; avoir, prendre du brillant : 19. Le moindre ton vert (cobalt et émeraude par exemple) et orangé donne un brillant magnifique, au-dessus peut-être de celui du Sardanapale...
E. Delacroix, Journal 2,1856, p. 6. 20. Je voyais de côté les joues d'Albertine qui souvent paraissaient pâles, mais, ainsi, étaient arrosées d'un sang clair qui les illuminait, leur donnait ce brillant qu'ont certaines matinées d'hiver où les pierres partiellement ensoleillées semblent être du granit rose et dégagent de la joie.
Proust, À l'ombre des jeunes filles en fleurs,1918, p. 931. A.− En partic. 1. Le brillant des yeux. J'aurais juré que vous étiez Andalouse... au brillant de vos yeux et à la petitesse de vos pieds (Mérimée, Théâtre de Clara Gazul,1825, p. 41). 2. Le brillant d'un métal, de l'or; un brillant métallique : 21. Rien − ni le brillant, quand on les coupe, de métaux inusuels comme le sodium − ni la phosphorescence, dans certaines régions, des carrières − ni l'éclat du lustre admirable qui monte des puits − ni le crépitement du bois d'une horloge que je jette au feu pour qu'elle meure en sonnant l'heure − ni le surcroît d'attrait qu'exerce l'Embarquement pour Cythère lorsqu'on vérifie que sous diverses attitudes il ne met en scène qu'un seul couple − ni la majesté des paysages de réservoirs − ni le charme des pans de murs, avec leurs fleurettes et leurs ombres de cheminées, des immeubles en démolition : rien de tout cela, rien de ce qui constitue pour moi ma lumière propre, n'a été oublié.
Breton, Nadja,1928, p. 109. Rem. L'art. indéf. apparaît lorsqu'on envisage des sous-catégories de brillant : 22. Il [Damien] s'abstenait de l'alcool, « qui blanchit, voyez plutôt », me dit-il en se penchant sur son gobelet, et me montrant, dans ses cheveux noirs, des fils blancs assez nombreux, d'un brillant d'aluminium.
Colette, Ces plaisirs,1932, p. 68. B.− Au fig., fréquemment en emploi abs. Caractère de ce qui frappe vivement l'esprit et éventuellement le séduit, par son éclat : 23. L'année suivante (1675), il [Villars] continua de servir en Flandre sous Condé encore, puis sous Luxembourg, l'un de ses maîtres pour le brillant et le hardi comme pour le bonheur.
Sainte-Beuve, Causeries du lundi,t. 13, 1851-62, p. 50. 1. [L'idée dominante est celle de charme, d'attrait] :
24. La duchesse, l'ayant embrassée [Annette] l'examinait en connaisseuse intéressée. − ... tu ne seras pas mal dans quelque temps, quand tu auras pris du brillant. Il faut engraisser, pas beaucoup, mais un peu; tu es maigrichonne.
Maupassant, Fort comme la mort,1889, p. 73. 2. [L'idée dominante est celle de talent, d'ingéniosité] :
25. Enfin, il [Lucien] obtint une contredanse de Madame d'Hocquincourt : il eut de l'à-propos, du brillant, de l'esprit. Madame d'Hocquincourt lui faisait des compliments fort vifs.
Stendhal, Lucien Leuwen,t. 1, 1836, p. 290. − Péj. Synon. de clinquant : 26. Je sors de l'Exposition. Le côté frappant de cette exposition, c'est l'introduction dans la peinture de tout le brillant, de tout le cliquetant, de tout le coruscant du bric-à-brac. Elle n'est plus que le trompe-l'œil des reflets de la céramique, des éclairs de l'acier ciselé, des lumières cassantes de la soie et du satin. C'est sur la toile le feu d'artifice du bibelot.
E. et J. de Goncourt, Journal,1875, p. 1066. 27. ... les Américains, qui s'apprêtent à prendre la succession de la civilisation, n'en sont encore au stade que du faux luxe et du brillant et du chichi des empaquetages en papier de cellophane.
Cendrars, Bourlinguer,1948, p. 344. ♦ Faux brillant. Éclat illusoire : 28. ... la Jérusalem délivrée traduite par Lebrun, avec toute la majesté harmonieuse des strophes italiennes, mais épurée par le goût exquis du traducteur de ces taches éclatantes d'affectation et de faux brillant qui souillent quelquefois la mâle simplicité du récit du Tasse, comme une poudre d'or qui ternirait un diamant, mais sur lequel le français a soufflé.
Lamartine, Les Confidences,1849, p. 53. ♦ Rare. Brillant artificiel : 29. ... il [le théâtre] exige en revanche un fard de convention qui manquait à MmeSand, trop naturelle et trop grande pour ce brillant artificiel, ces entrechoquements de mots qui font jaillir des étincelles aux yeux blasés du public.
A. Daudet, Pages inédites de crit. dram.,1897, p. 255. Prononc. : [bʀijɑ
̃], fém. [-jɑ
̃:t]. Étymol. et Hist. Cf. brillant2. |