| BRASSE, subst. fém. A.− MÉTROL. Ancienne mesure de longueur correspondant au développement maximum des deux bras étendus (1,60 m environ). Petite brasse, grande brasse, demi-brasse, avoir dix brasses de longueur. Elle tira d'une de ses poches une cordelette de crin (...) mesurant de sept à huit brasses (T. Gautier, Le Capitaine Fracasse,1863, p. 389). − En partic., MAR. Unité pour mesurer la longueur des cordages et la profondeur de l'eau. Vingt brasses de corde (Ac. 1798); mesurer des cordes, des cordages à la brasse (Ac. 1835) : 1. La sonde ne marquait plus que quatre brasses sur un banc de sable qui traversait le chenal; ...
Chateaubriand, Mémoires d'Outre-Tombe,t. 1, 1848, p. 358. SYNT. Avoir cinquante brasses de profondeur; laisser tomber l'ancre par vingt brasses d'eau, l'ancre chasse quelques brasses; le navire mouille par vingt brasses. ♦ Loc. Être sur les brasses. Toucher le fond avec la ligne de sonde divisée en brasses. Rem. Attesté dans la plupart des dict. gén. du xixes. ainsi que dans Lar. 20e. ♦ Au bout du câble faut la brasse : 2. Mais, comme dit le marin, au bout du câble faut la brasse, et si dans deux autres années d'ici nous n'avions pas entendu parler de Robert, il serait forcé de risquer le tout pour le tout, et d'aller le chercher d'île en île, certain que je suis de te le ramener, ...
Nodier, La Fée aux miettes,1831, p. 72. Rem. À rapprocher du proverbe au bout de l'aune faut le drap, c'est-à-dire ,,à force d'auner, on arrive au bout de [faut] la pièce de drap``, ce qui signifierait au fig. ,,toutes choses ont leur fin`` (Littré, s.v. faillir). B.− SPORTS 1. Mouvement du nageur qui consiste à étendre les deux bras à la fois. En quelques brasses, la petite dame atteint la berge, ramasse son peignoir (Fargue, Le Piéton de Paris,1939, p. 80). − P. méton. Nage sur le ventre qui consiste à déployer les bras et les jambes sans les sortir de l'eau. Nager à la brasse (Ac. 1932), brasse coulée, brasse sur le dos, brasse papillon, cent mètres brasse. Il nageait à la brasse et assez mal (Camus, L'Étranger,1942, p. 1160). Rem. Rob., Quillet 1965, Dub. enregistrent le syntagme nager la brasse. ♦ P. compar. : 3. Il tira, l'homme fit un drôle de bond sur le ventre en jetant les bras en avant : il avait l'air d'apprendre à nager. Amusé, Mathieu tira encore et le pauvre gars fit deux ou trois brasses en lâchant sa grenade qui roula sur la chaussée sans éclater.
Sartre, La Mort dans l'âme,1949, p. 186. ♦ Loc. S'allonger sur la brasse. Synon. de s'allonger sur la brassée (cf. brassée A 2) : 4. Ma seule distraction (et mon seul exercice) est, tous les jours, avant mon dîner, de m'allonger sur la brasse dans les ondes de la Séquane.
Flaubert, Correspondance,1876, p. 331. 2. Distance parcourue par un nageur à chaque mouvement de ce type de nage. Atteindre le bord en quelques brasses. Faites un effort, nous ne sommes plus qu'à quelques brasses d'une masse noire (Ponson du Terrail, Rocambole,t. 4, Les Exploits de Rocambole, 1859, p. 18). C.− Synon. de brassée (cf. brassée I).T' vas t'en aller n'au bûcher, querir un' brasse ed' bois sec! Je r'vins! (R. Martin du Gard, La Gonfle,1928, I, 6, p. 1193). − Au fig. : 5. ... inlassablement, il [l'intellectuel] doit tenir les deux bouts de la chaîne : d'un côté rappeler sans fléchir les exigences de la vérité, luttant à pleines brasses contre le mensonge et l'exploitation utilitaire des valeurs spirituelles : sauver, et encore sauver, au moment où les combats ne songent qu'à confondre, haïr et détruire; en même temps, choisir et sacrifier.
Mounier, Traité du caractère,1946, p. 677. − Loc. fam. À brasse-corps. Synon. de à bras-le-corps : 6. Quelquefois je la prends mon enfant, je la tiens à brasse-corps contre moi pour la réchauffer. Je lui crie : « Mais je n'ai que toi, mon enfant chérie ».
A. Daudet, L'Évangéliste,1883, p. 283. Rem. La plupart des dict. du xixes. ainsi que Lar. 20eenregistrent le syntagme pain de brasse qui désigne un pain de vingt à vingt-cinq livres, si gros qu'on ne peut l'entourer qu'avec les deux bras. − Arch. Les deux bras : 7. ... et cette foule confuse, dirigée par un homme en fer qui, de toutes ses épaules et de ses reins arc-boutés, elle tire! Elle pousse tant qu'elle peut! Tout l'effort populeux de par-dessous (sans parler de ce sage en rouge, il est de toute sa brasse déployée venu se mesurer à cette œuvre qui cherche à s'implanter sur la chair humaine), n'aboutit qu'à quelque chose de branlant et de suspendu.
Claudel, Un Poète regarde la Croix,1938, p. 211. ♦ Travail fourni par la force des bras. L'ouvrier civilisé qui donne sa brasse pour un morceau de pain (...) n'est pas libre (Proudhon, Qu'est-ce que la propriété?1840, p. 228). PRONONC. : [bʀas]. Warn. 1968 est le seul dict. à proposer [ɑ] post. ou [a] ant. pour Kamm. 1964, p. 93, ,,a est ouvert et long (= ɑ) dans passe, casse, classe, déclasse, reclasse, lasse, trépasse, amasse, (parfois ramasse), sasse et ressasse, brasse, prélasse, tasse et entasse``. Pour Rouss.-Lacl. 1927 la voyelle est moyenne (cf. p. 121). Les transcr. par [ɑ] peuvent s'expliquer p. anal. avec bras (à ce sujet cf. G. Straka, Syst. des voyelles du fr. mod., Strasbourg, Inst. de Phonét., 1950, p. 21). ÉTYMOL. ET HIST. − 1. Ca 1080 brace « les deux bras » (Roland, éd. J. Bédier, 3939) − 1582 brasse (F. Bretin, Trad. de Lucien, la Vie de Lucien, p. 3 dans Hug.); 2. 1409 mes. (Le Livre des faicts du bon messire Jean le Maingre, dit mareschal Boucicaut, I, VI dans Littré); 3. 1835 sp. nager à la brasse (Ac.); 1928 « nage » (Lar. 20e).
Dér. du lat. brachia, plur. neutre de brachium (bras*), empl. comme coll. féminin. STAT. − Fréq. abs. littér. : 265. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 887, b) 317; xxes. : a) 127, b) 119. BBG. − Dauzat Ling. fr. 1946, p. 38. − Goug. Mots t. 2 1966, p. 14. |