| BOURRE, subst. fém. A.− Amas de poils provenant de la peau d'animaux à poils ras (bovins, chevaux) grattée avant tannage, utilisé en bourrellerie et pour la fabrication du feutre. La bourre sert à garnir des selles, des bâts, des tabourets, etc. (Ac.1835-1932).Un collier dont la bourre avait disparu (T. Gautier, Le Capitaine Fracasse,1863, p. 140).Le bat-à-bourre. Outil du bourrelier. − TECHNOL. (fourrure). ,,Poil plus court, plus laineux et plus épais que le poil proprement dit, et qui, caché extérieurement par celui-ci, protège la peau`` (Remig. 1963 qui donne cette déf. en parlant du chien; dans l'emploi technol., on sous-entend que ce poil donne sa valeur à la fourrure). ♦ Blanc en bourre. Enduit fabriqué avec du poil mélangé à de la chaux et de l'argile remplaçant le plâtre (cf. Chabat 1881). B.− P. ext. 1. Usuel. Tout amas de laine, déchets textiles, matières souples et compressibles, souvent sous forme de poils ou de brins, qui peut servir à remplir une enveloppe de tissu, une cavité. La bourre d'un coussin, d'un matelas : 1. Mais si son visage [de Lucie] était outrageusement maquillé et ses cheveux toujours oxygénés, les boucles avaient perdu leur éclat, on les eût dit en kapok, en bourre à coussin, ...
Cendrars, La Main coupée,1946, p. 100. SYNT. Une petite bourre de coton-poudre [dans un tube] (J. Rostand, La Genèse de la vie, 1943, p. 108); une bourre de liège ou de coton, des bourres de pipe. − Spécialement a) ARM. Matière (étoupe, papier, etc.) bourrée dans les armes à feu au-dessus de la charge pour la retenir et la presser. Bourre d'un fusil, d'un canon (Ac. 1835-78); bourre de canon en foin, en terre (DG); enfoncer la bourre avec la baguette. Un morceau de papier presque brûlé, noir de poudre, ayant servi de bourre (Maupassant, Contes et nouvelles,t. 1, Un Drame vrai, 1882, p. 821): 2. Tout le reste avait été oublié, (...) sauf cette baguette qu'il tenait, ayant mis dans le canon une forte charge de poudre, puis de la bourre, puis la grenaille; et le voilà qui bourrait encore son arme avec des gestes précipités...
Ramuz, La Grande peur dans la montagne,1926, p. 149. b) TEXT. Partie la plus grossière de textiles avec laquelle on fabrique des fils ou étoffes d'aspect bourru. Bonnet en bourre de laine. Bourre lanice. Déchets de laine provenant du peignage. Matelas de bourre lanice (Ac.1798-1932).Bourre tontisse. Déchets de laine provenant d'une étoffe de drap tondue. Bourre de soie. Déchet de soie grège provenant du dévidage des bobines (synon. bourrette). Natte épaisse de bourre de soie (Bourges, Le Crépuscule des dieux,1884, p. 120).(Absol.) De la bourre et du calicot (Balzac, Correspondance,1822, p. 137).Bourre de Marseille (vx). Étoffe moirée, dont la chaîne était de soie, et la trame de bourre de soie (cf. Ac. Compl. 1842, Littré). c) MINES. Matière de bourrage pour les trous de mine. 2. Au fig. Remplissage dans une œuvre littéraire. Il y a bien de la bourre dans cet ouvrage (Ac.1798-1932) : 3. Mais ce qu'il [Malherbe] écrit contre les chevilles ou bourres nous paraît tenir à une conception du vers trop mesquine et trop fausse pour ne pas exiger réfutation.
Sainte-Beuve, Tabl. hist. et crit. de la poésie fr. et du théâtre fr. au XVIes.,1828, p. 157. C.− P. anal. 1. BOT. Duvet végétal qui se trouve sur les bourgeons, plus rarement sur les fleurs, feuilles, fruits ou troncs de certaines plantes. Bourre du cotonnier, du palmier, du pissenlit. Une semence volante, portée par ses bourres ébouriffées et ses aigrettes (A. Arnoux, Suite variée,1925, p. 83). 2. P. ext. a) AGRIC. Gousse des légumineuses; épi du trèfle. Du trèfle en bourre dont la graine est restée dans son enveloppe (DG).... les gousses ou capitules auxquelles on donne le nom de bourres (T. Ballu, Machines agricoles,1933, p. 491). b) HORTIC. Calice de certaines fleurs (cf. Bernardin de Saint-Pierre, Harmonies de la nature, 1814, p. 324). c) VITIC. ,,Sorte de duvet laineux mélangé parmi les écailles qui constituent les yeux de certaines plantes, particulièrement ceux de la vigne. De là le terme débourrer dont on se sert pour désigner le développement des yeux, c'est-à-dire leur transformation en bourgeons`` (É.-A. Carrière, Encyclop. horticole, 1862, p. 65). P. ext. Bourgeon de la vigne. La vigne a gelé en bourre (Ac. 1835-1932; cf. bourrillon). 3. Au fig., rare. L'âge de la bourre. La grande jeunesse (cf. Mauriac, Le Mystère Frontenac, 1933, p. 185).J'étais de la bourre. Un débutant (cf. Céline, Mort à crédit, 1936, p. 361). Rem. gén. Les dict. d'arg. signalent plusieurs emplois qui semblent se rattacher plutôt au verbe bourrer, dont bourre pourrait être dans ces cas une forme déverbale. 1. Subst. fém. a) [De bourrer, au sens de « remplir complètement »] À pleine bourre. En plein, tout à fait. Déconner à pleine bourre (Id., ibid., p. 180). P. ext. Qualité d'une chose qui remplit toutes les conditions requises. De première bourre. De premier ordre, excellent. Costar de première bourre (A. Le Breton, Du Rififi chez les hommes, 1953, p. 137). b) [De bourrer, terme de chasse, p. réf. au chien qui arrache des poils au lièvre] Se tirer la bourre. Rivaliser à fond pour la victoire finale. En fin d'une course de six jours, il y a toujours deux ou trois « maisons » qui, ayant à leur tête les plus costauds de l'épreuve, se tirent la bourre pour amener à la victoire leur leader respectif (Pédale, 9 nov. 1927, p. 12, col. 1). c) [De bourrer, au sens de « bloquer, arrêter »] Être à la bourre. Être en retard (cf. A. Le Breton, Du Rififi chez les hommes, 1953, p. 194). 2. Subst. masc. [De bourrer, au sens de « rouer de coups »] Gendarme, policier. Pour te distraire, je vais encore te raconter une histoire. Ça sera mes derniers ennuis avec les bourres (Malraux, L'Espoir, 1937, p. 479). On a aussi proposé comme étymon bourrique, au sens de « (méchant) policier ». Prononc. ET ORTH. : [bu:ʀ]. Gattel 1841 : ,,r forte``. Fér. Crit. t. 1 1787 propose la graph. boure avec un seul r. Étymol. ET HIST. − 1. 1174-78 borre « partie la plus grossière de la laine » (Étienne de Fougères, Livre des manières, 920 dans T.-L.); 1280 boure de soie (Ph. de Remi,
Œuvres poétiques, 3992, ibid.); 2. 1268-71 « amas de poils, détachés avant le tannage de la peau de certains animaux, à poils ras, et servant à garnir les harnais » (E. Boileau, Métiers, 221, ibid.); 3. 1618 « corps inerte qui maintient en place la charge d'une arme à feu » (Aubigné, Hist. Univ., V, 11 dans Hug.); 4. 1690 (Fur. : Bourre signifie le commencement d'un Bourgeon de vigne); 5. 1690 (Ibid. : Bourre. Se dit figurément en Morale, de tout ce qui est grossier, inutile dans quelque ouvrage de prose, ou de vers).
Du b. lat. burra « étoffe grossière » (ve-vies. Eucheria, Carm. 5 dans Forc.) attesté dès le ives. au sens fig. synon. de nugae (Ausone, 471, 5, ibid., 2251, 43) à rapprocher du sens 5; au sens 4, v. aussi bourgeon, peut-être fém. substantivé (burra sc. lana) de l'adj. burrus « roux » (Ern.-Meillet). STAT. − Fréq. abs. littér. : 130. DÉR. Bourrure, subst. fém.,région. Rembourrage ou bourre. Cette mode daterait de 1815 : c'est aux poitrines rembourrées des officiers russes de l'armée alliée que nous aurions emprunté nos bourrures (Balzac,
Œuvres diverses,t. 2, 1850, p. 51).P. ext. Coussin. Bourrure de collier. Coussin d'un collier d'attelage (cf. Canada 1930, Bél. 1957). Terme absent des dict. gén.− 1reattest. 1850 id.; dér. de bourre, suff. -ure*. − Fréq. abs. littér. : 1. BBG. − Rigaud (A.). Être à la bourre. Vie Lang. 1969, p. 654. |