| BOUDIN, subst. masc. I.− ART CULIN. (charcut.). A.− Préparation faite d'un boyau rempli de sang et de graisse de porc (ou d'autres animaux) et de divers aromates. Boudin noir; manger du boudin; une aune de boudin : 1. Messager de bonnes nouvelles,
Quand Noël au gai carillon
Fait pétiller les étincelles
De la bûche du réveillon;
Célébrant la vieille coutume,
Entre le soir et le matin,
Sur la braise qui se consume
Nous ferons griller du boudin.
Murger, Les Nuits d'hiver,1861, p. 43. 2. ... dans une pièce à côté, silencieusement, les femmes hachent les premiers morceaux dépecés. Puis, elles les cuiront. Ce sont le foie, les pièces du cou chargées de lard qui, mêlés au sang, dans les tripes lavées, donneront l'onctueux boudin.
Pesquidoux, Chez nous,1921, p. 81. B.− Charcuterie à base de chair de volaille (ou de poisson) et de lait. Boudin blanc (cf. E. et J. de Goncourt, Journal, 1895, p. 758); boudin « à la Richelieu ». II.− P. anal. Chose ou personne rappelant la forme d'un boudin. A.− Dans la lang. cour. ou arg. 1. [S'appliquant à une chose] Boudin de toile (cf. P. Vialar, La Rose de la mer, 1939, p. 68). − Arg. Verrou. Tirer le boudin de la taule. Tirer le verrou de la maison. 2. [S'appliquant à une partie du corps et princ. aux doigts, aux bras ou aux jambes] [Les] gros boudins qui lui servent de doigts (H. Bazin, Lève-toi et marche,1952, p. 163);doigts, bras en boudin. − Arg. Estomac. Se remplir le boudin. 3. Péj. Personne grasse. Arg. Prostituée, femme facile. Boudin cavaleur, planche à boudin; boudin à ressorts : 3. En argot, il y a cent mots et, ce qu'il y a de plus chic, c'est que tous ces mots d'argot ne sont pas synonymes. Fichtre non! Margot-la-piquée, par exemple, était exactement ce que j'appelle un choléra. (...) La même personne qui serait grasse, on l'appellerait un boudin. Si, par hasard, elle est plus grande, pas très grasse et mal peignée, c'est un raquin qu'il faut dire.
G. Duhamel, Chronique des Pasquier,Le Désert de Bièvres, 1937, p. 218. 4. Loc. et expr. très fam. a) Faire du boudin − Saigner du nez. − Bouder (on dit aussi ,,Faire son boudin`` cf. J.-P. Sartre, Le Mur, 1939, p. 144). b) Tourner (s'en aller, finir) en eau (os) de boudin. [En parlant d'une affaire, d'un projet, etc.] Tourner court, échouer. ... toute cette affaire va s'en aller en eau de boudin (Gide, Les Faux-monnayeurs,1925, p. 1119). Rem. Ces deux formes : en eau/os de boudin (par ailleurs bien attestées dans la docum.) ont, semble-t-il, une orig. obsc. et pourraient être la déformation d'une troisième : en aune de boudin (explication donnée par qq. dictionnaires). B.− Emplois techn. [P. anal. de forme] 1. AGRIC. ,,Corde de foin sec ou presque sec que l'on fait sur le pré`` (Lar. 19e). Fourrage ramassé sous forme de boudins (G. Passelègue, Les Machines agricoles,1930, p. 187). Rem. Attesté en outre dans Nouv. Lar. ill., Pierreh. Suppl. 1926 et Quillet 1965. 2. ARCHIT. Moulure demi-cylindrique entourant la base d'une colonne, d'une archivolte, d'un arc-doubleau. Voûte divisée par quatre boudins de granit bleuâtre (T. Gautier, Le Capitaine Fracasse,1863, p. 3). 3. CÉRAM. ,,Cylindre de pâte`` (Lar. 20e). Synon. colombin(cf. A. Brongniart, Traité des arts céramiques, 1844, p. 124; R.-H. Lowie, Manuel d'anthropol. culturelle, 1936, p. 152). 4. CH. DE FER. Partie saillante interne de la jante ou du bandage d'une roue de locomotive dont le rôle est d'empêcher le déplacement latéral de la roue sur le rail. Synon. mentonnet(cf. A. Albitreccia, Ce qu'il faut connaître des grands moy. de transp., 1931, p. 32 et M. Bailleul, Notions de matériel roulant des ch. de fer, 1951, p. 11). 5. COIFFURE, vieilli. [Sans doute p. anal. avec la forme du ressort à boudin] Boucle de cheveux roulée en spirale. Perruque à boudins; la tête était (...) ensevelie sous un triple rang de boucles, de boudins et de marteaux (Jouy, L'Hermite de la Chaussée d'Antin,t. 4, 1813, p. 273). 6. MAR. Sorte de bourrelet entourant un bâtiment à la hauteur du second pont. Rem. Attesté dans la plupart des dict. gén. et les dict. de mar. (Will. 1831, Gruss 1952). 7. MINES. Fusée cylindrique servant à mettre le feu à la mine. Synon. saucisson. 8. TECHNOLOGIE a) Ressort à boudin. Spirale de fil métallique, généralement en acier. b) Vx. Boyau de caoutchouc, chambre à air faisant autrefois office de roue sur les automobiles, les vélos, les voitures d'enfants (cf. H. de Graffigny, Les Industries du Caoutchouc, 1928, p. 153).Boudin d'air (cf. L. Périsse, Traité gén. des automob. à pétrole, 1907, p. 6). Rem. Survit actuell. en arg. (cf. Musette, Cagayous partout : ... C... C..., 1905, p. 52 et Cagayous chauffeur, 1909, p. 6; A. Simonin, Touchez pas au grisbi, 1953, p. 59). PRONONC. : [budε
̃]. ÉTYMOL. ET HIST. − 1. 1268-71 charcut. (E. Boileau, Métiers, 1rep., LXIX, 13 dans Gdf. Compl.); 1680 boudin blanc (Rich.); 2. p. anal. 1690 archéol. (Fur.); id. ressort a boudin (Ibid.); id. fam. s'en aller en eau de boudin (Ibid.); 1798 « boucle de cheveux » (Ac.); 1835 mar. « bourrelet qui protège contre les chocs » (Ac.).
Mot d'orig. obsc., peut-être onomatopéique, formé sur une racine bod- exprimant qqc. d'enflé. L'hyp. émise par Salvioni dans Romania, t. 43, p. 375, faisant remonter le fr. à l'ital. est impossible en raison de la date d'apparition très post. du mot ital. (Aretino, ✝ 1556 dans Batt.). L'hyp. d'un étymon *botellinus, dér. du lat. botellus, class. botulus « boyau » (EWFS2) est contestée par Brüch dans Z. fr. Spr. Lit., t. 49, p. 308, à cause de la difficulté du passage phonét. de *bodelin à *boledin, étant donnée l'existence d'un *bodel bien attesté par l'a. fr. boel (boyau*). STAT. − Fréq. abs. littér. : 173. BBG. − Brüch (J.). Bemerkungen zum französischen etymologischen Wörterbuch E. Gamillschegs. Z. fr. Spr. Lit. 1927, t. 49, p. 308. − Darm. Vie 1932, p. 164 − Sain. Arg. 1972 [1907], p. 84. − Sain. Lang. par. 1920, p. 418. − Sain. Sources t. 1 1972 [1925], p. 77. |