| BLUETTE, subst. fém. I.− Rare. Petite étincelle. Une bluette de feu; diamant qui lance des bluettes; des bijoux (...) lançaient de folles bluettes (T. Gautier, Le Capitaine Fracasse,1863, p. 194): 1. Oh! qu'il est doux, lorsque la pluie à petit bruit tombe des cieux, d'être au coin de son feu, à tenir des pincettes, à faire des bluettes! C'était mon passe-temps tout à l'heure; je l'aime fort : les bluettes sont si jolies! Ce sont les fleurs de cheminée.
E. de Guérin, Journal,1834, p. 17. − Au fig. [Dans le domaine de l'esprit et des sentiments] Ce qui présente un caractère ardent, vif et léger, mais passager ou superficiel. Il y a quelques bluettes d'esprit dans un ouvrage (Ac.1798-1878);voir quelque bluette d'espérance (Sainte-Beuve, Port-Royal,t. 1, 1840, p. 459).Synon. partiel vétille : 2. Crois-moi, mon enfant, ne te laisse pas séduire par les grands mots : la diplomatie, le droit, tout ce que tu voudras, ne sont que des bluettes qui ne méritent pas l'attention d'un galant homme.
Leclercq, Proverbes dramatiques,L'Esprit de désordre ou Il ne faut pas enfermer le loup, 1835, p. 255. 3. Eh bien! Moi je sens que ces petites bluettes passagères, inoffensives d'aspect, manquent (me font manquer) mon avenir à leur profit; (...). Ces amourettes, qu'on aime tant à rencontrer dans un livre, et dont je dis : est-ce joli! gâchent tous les grands espoirs avec leur parfum fadasse, ...
Bernanos, Lettres inédites,1905, p. 1732. − LITT. [En parlant de pièces en vers, d'ouvrages dramatiques proches du vaudeville] Petit ouvrage très spirituel et sans prétention; badinage. Cette petite comédie n'est qu'une bluette (Ac.1835-1932) : 4. − Lu la revue des deux mondes. − Il y a une charmante bluette d'Alfred De Musset : Un caprice. C'est léger et joli comme la chose, −
Barbey d'Aurevilly, 1erMemorandum,1837, p. 132. 5. Dans ce grand monde-là, celui des Guermantes, d'où la curiosité se détournait un peu, les modes intellectuelles nouvelles ne s'incarnaient pas en divertissements à leur image, comme en ces bluettes de Bergotte écrites pour MmeSwann, ...
Proust, Sodome et Gomorrhe,1922, p. 747. II.− Emplois techn. COMM. Bleuette ou bluette du Rhin. ,,Sorte de laine de basse qualité, qu'on tire d'Allemagne`` (Chesn. 1857). ORNITH. ,,Nom que l'on a donné quelquefois à la pintade`` (Baudr. Chasses 1834). Oiseau dont le plumage est bleu émaillé de points blancs. Rem. Sens attestés dans Ac. Compl. 1842, Besch. 1845, Lar. 19e, Lar. 20e, Guérin 1892. Lar. encyclop. ne mentionne que le sens ornithologique. Prononc. ET ORTH. : [blyεt]. La majorité des dict. dont l'Ac. (1798, 1835, Compl. 1842 et Ac. 1932) enregistrent uniquement la forme bluette. Ac. 1878 (cf. aussi Besch. 1845, Guérin 1892 et DG) consacre à la forme bleuette une vedette de renvoi à bluette. Lar. 19eécrit s.v. bleuette : ,,syn. peu usité de bluette`` (cf. aussi Nouv. Lar. ill., Lar. 20e, Lar. encyclop. et Quillet 1965). Étymol. ET HIST. − Ca 1530 bluette « petite étincelle » (Marot, IV, 68 dans Gdf. Compl.); 1550 belluette (B. de La Grise dans Hug.), sens conservé dans les dial. de l'Ouest, FEW t. 9, p. 146b; 1797, 27 août, fig. bluettes littéraires (Beaumarchais à M. T*** [Moland p. 710] dans Proschwitz Beaumarchais 1956, p. 68).
Prob. dimin. de l'a.fr. *belue « étincelle » (dont l'existence est assurée par l'a.prov. beluga de même sens xiies., Marcabru, Dirai vos dans Rayn.), d'un lat. vulg. *biluca, issu par substitution de bi-, forme du préf. lat. bis-, à la partie initiale du b.lat. famfaluca, v. berlue. STAT. − Fréq. abs. littér. : 33. DÉR. Bluetter, verbe intrans.,vx. Jeter de petites étincelles. Le petit jour commençait à bluetter sur les barreaux des fenêtres (E. de Goncourt, La Fille Élisa,1877, p. 193).Absent de Ac. sauf Ac. Compl. 1842.− Seule transcr. dans Littré : blu-è-té. − 1reattest. 1801 (S. Mercier, Néologie, t. 1, p. 79); dér. de bluette, dés. -er. |