| BENÊT, subst. et adj. masc. [(Jeune) homme] Niais par excès de simplicité ou de bonté. A.− Emploi subst. : 1. ... ne crois pas si peu utiles les notes, cela accroche les sots, les benêts, les gens qui ne comprennent pas le texte.
Stendhal, Correspondance,t. 2, 1842, p. 13. 2. Il [Jules] jouait avec sa figure, ses yeux et ses épaules, non pas le personnage d'un matois caché sous un benêt, mais celui de Jean-le-Simple tentant de s'approcher de l'intelligence.
Malègue, Augustin,t. 1, 1933, p. 229. SYNT. Grand, pauvre benêt; agir, se conduire comme un benêt; passer pour un benêt, rester comme un benêt; prendre, tenir pour un benêt. Un benêt contemplatif (Dupuis, Abr. de l'orig. de tous les cultes, 1796, p. 528); mes extases de benêt (Milosz, L'Amoureuse initiation, 1910, p. 86); un benêt extasié (Montherlant, Le Songe, 1922, p. 212). − [En constr. expr. d'appos., suivi de la prép. de et précédé ou non d'un adj.] :
3. L'amusant, c'est que le gros benêt d'aveugle blaguait les Frères sur leur cécité, tandis que les Frères, riant dans l'oreille d'amis sur les fonctions du secrétaire, disaient : « Et il nous reproche, ce M. Sarcey, d'avoir l'esprit étroit! »
E. et J. de Goncourt, Journal,1885,p. 446. 4. − Nous verrons bien qui dit vrai, conclut-il, bourru. Si ton benêt de père s'est moqué de moi, je lui casse les reins!
Bernanos, Sous le soleil de Satan,1926,p. 87. ♦ [Appliqué except., p. anal., à une partie du corps hum. du genre masc.] :
5. Écoutez-moi, je vous connais, nous nous connaissons, je suis votre cœur, votre pauvre vieux benêt de cœur.
Milosz, L'Amoureuse initiation,1910,p. 98. B.− Emploi adj. :
6. À femme émancipée, mari benêt.
P.-J. Proudhon, La Pornocratie,1865,p. 86. − P. ext. Air benêt :
7. À ma dernière réplique émise du ton le plus angéliquement benêt, le Patron réagit vivement.
A. Arnoux, Zulma l'infidèle,1960,p. 143. PRONONC. : [bənε]. Kamm. 1964, p. 739, confirme expressément la prononc. de e dans ce mot, qui n'est pas couverte par sa règle : ,,À l'intérieur des mots, la lettre e précédée de deux consonnes différentes se prononce.`` ÉTYMOL. ET HIST. − 1530 adj. (Mar., III, 164 dans Littré : Mais quand j'ai veu ce qui en est, Je trouve que tu es benest); 1611 subst. (Cotgr.).
Prononc. pop. d'orig. norm. de benoît* (a. fr. benëeit, benëoit) attesté en a. norm. sous les formes : benest, ca 1350 Gloss. Abavus, éd. M. Roques t. 1, p. 264; beneet 1362, Inv. de l'abb. de Fécamp, ibid., la diphtongue ei, issue de ẹ
+ yod (benedĭctus) ayant abouti à ę
en norm. (Pope, p. 502 § VI). À l'appui de cet étymon, le m. fr. benoist au sens de « benêt » (ca 1550 Vasquin Philieul dans Hug.); la transposition de sens est peut-être due à l'opinion vulgaire que les simples d'esprit sont favorisés de Dieu, fondée sur une interprétation courante du passage biblique « Beati pauperes spiritu » (Matthieu, V, 3). STAT. − Fréq. abs. littér. : 57. BBG. − Alonso (D.). El saúco entre Galicia y Asturias. Revista de dialectologia y tradiciones populares. 1946, t. 2, pp. 3-32 [Cr. Steffen (M.). Vox rom. 1954/55, t. 14, p. 212]. − Migliorini (B.). Dal nome proprio al nome comune. Florence, 1968, p. 220. − Ritter (E.). Les Quatre dict. fr. Rem. lexicogr. B. de l'Inst. nat. gen. 1905, t. 36, p. 360. |