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BASTILLE, subst. fém.
A.− FORTIF. Ouvrage d'importance variable, en bois ou en pierre, provisoire ou permanent, construit pour défendre une place, prenant alors souvent l'aspect d'un véritable château-fort protégeant l'entrée d'une ville. Synon. bastide :
1. Et la longue et grise maison montait, grandissait dans l'esprit de la mère comme une bastille, une forteresse, une de ces immenses bâtisses féodales ombrant de leurs tourelles et minant de leurs fondations, de leurs fossés de défense, tout le pays d'alentour. A. Daudet, L'Évangéliste,1883, p. 190.
Rare. Ouvrage servant à assiéger une place :
2. Le duc commença d'immenses préparatifs pour assiéger Calais par terre et par mer; il fit tailler, dans les forêts de Saint-Omer, des bastilles en charpente, ... Barante, Hist. des ducs de Bourgogne,t. 2, 1821-24, p. 411.
P. ext., rare. Ville neuve fortifiée, dans le midi de la France (cf. bastide) :
3. Les hameaux près de Paris, les bastilles près de Marseille, au dire des voyageurs, avec plus d'affluence, surtout en gens de ville, avaient moins d'agrément, de rustique gaieté. Courier, Pamphlets pol.,Pétition pour des villageois que l'on empêche de danser, 1822, p. 141.
B.− [P. allus. à la Bastille, ancienne forteresse et prison de Paris]
1. Tout objet qui rappelle la Bastille par sa forme, ses dimensions, son emploi :
4. Le banquier acheta des vêtements chauds, fit calfeutrer les fenêtres de sa chambre; (...) puis il vécut dans une bastille de dossiers. Morand, Les Extravagants,1936, p. 232.
Spéc. Prison :
5. Consternée à la vue de cette bastille, Céluta demeura d'abord immobile, puis frappa doucement à une porte; le soldat de garde contraignit l'Indienne à se retirer. Elle fit le tour de la prison par des rues de plus en plus désertes : ... Chateaubriand, Les Natchez,1826, p. 362.
HÉRALD. Pièce possédant des créneaux renversés vers la pointe de l'écu; écu garni de tours (cf. Bach.-Dez. 1882).
2. P. métaph.
a) Tout ce qui constitue une prison, une limite morale, intellectuelle pour l'homme :
6. Oui, c'est vrai, ce sont là quelques-uns de mes crimes. J'ai pris et démoli la bastille des rimes. Hugo, Les Contemplations,t. 1, Réponse à accusation, 1856, p. 57.
b) Loc. [Le suj. désigne une pers.] Il ne branle non plus que la bastille, qu'une bastille. Il ne bouge pas, bien qu'on le demande, il reste inébranlable.
Rem. Attesté dans la plupart des dict. gén. du xixesiècle.
Prononc. : [bastij]. Passy 1914 attribue à la voyelle de syll. finale une demi-longueur, Barbeau-Rodhe 1930 une longueur. Les dict. indiquent des l mouillés jusqu'à Littré inclus, à l'exception toutefois de Land. 1834.
Étymol. ET HIST. − 1370 archit. milit. bassetille « ouvrage de fortification » (A.N.K 49, pièce 49 dans Gdf. Compl. : En la fortification et gallandeiz d'une bassetille devant le fort de Thury); ca 1400 bastille (Chr. de Pisan, Mutacion de fortune, 9137 : Fist palis premier et bastilles Et maintes deffences soubtilles Contre l'assault des ennemis); spéc. 1476 « château fort, commencé à Paris sous Charles V et qui servit de prison d'État » (Lettres de Louis XI, L. VI, 81 cité par Bartzsch, p. 88 : les faictes mettre dedans la bastille); 1606 (Nicot : Bastille [...] Ainsi est dit le chasteau qui est ioignant la porte S. Antoine à Paris, la Bastille S. Antoine par Nic. Gilles en la vie de Charles VII). Dér. de l'a. prov. bastida (bastide*) avec substitution de suffixe.
STAT. − Fréq. abs. littér. : 434. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 1 016, b) 944; xxes. : a) 319, b) 273.
DÉR.
Bastillé, ée, adj. hérald.[En parlant d'une pièce de l'écu, bande, barre, chef ou fasce] Qui possède des créneaux tournés vers la pointe de l'écu. Attesté dans tous les dict. gén. du xixeet du xxes.D'argent au chef bastillé d'or (Ac.1798-1932). [bastije]. 1reattest. 1671 (Pomey); dér. de bastille*, suff. *.
BBG. − Dub. Pol. 1962, p. 106. − Gottsch. Redens. 1930, p. 419.