| BANQUIER1, IÈRE, subst. I.− A.− Anc. Négociant qui se livrait au change des monnaies : 1. Quant au change, qui consiste essentiellement dans la conversion de la monnaie d'un pays en celle d'un autre, il ne s'agit pour le particulier que de savoir si la quantité de monnaie qu'il demande, contient exactement autant d'argent pur que celle qu'il donne, et de payer le droit de commission à celui qui lui rend ce service; et, pour le changeur ou banquier, il ne s'agit que d'embrouiller ou d'obscurcir cette équation, afin d'y introduire quelque inégalité à son profit, pour augmenter son salaire connu.
Destutt de Tracy, Commentaire sur l'Esprit des lois de Montesquieu,1807, p. 372. − HIST. RELIG. Banquier ecclésiastique, banquier expéditionnaire en cour de Rome. ,,Officier dont la fonction était de faire venir des expéditions de la cour de Rome, comme provisions de bénéfices, dispenses, etc.`` (Ac. 1798-1932). B.− Personne se livrant professionnellement aux activités propres à une banque; en partic., propriétaire ou dirigeant d'une banque. P. méton. personnification d'un établissement bancaire. Traite sur un banquier : 2. ... l'usurier, qui prête sur hypothèque à 10, 12 et 15 p. 100, encourt une amende énorme, quand il est atteint : le banquier, qui perçoit le même intérêt, non, il est vrai, à titre de prêt, mais à titre de change ou d'escompte, c'est-à-dire de vente, est protégé par privilège royal.
Proudhon, Qu'est-ce que la propriété?1840, p. 330. 3. ... j'ai eu dans ma vie des ballerines impubères, ... des banquières juives...
J. Lorrain, Monsieur de Phocas,1901, p. 27. 4. MmeJeannin dont le mari, banquier de province, s'est tué après avoir fait faillite, se réfugie à Paris où elle a une sœur richement mariée à un magistrat important.
Mauriac, Journal 3,1940, p. 248. SYNT. Banquier cambiste. ,,Qui se livre aux opérations de change`` (Rob.). Banquier en valeur ou coulissier (Romeuf t. 1 1956), banquier-remisier (Banque 1963). Rem. 1. Il existe de ce mot un emploi adj. (rare) : 5. ... Serait-il vrai qu'une conspiration existe dans notre pays, pour nous vendre à l'aristocratie banquière de l'Europe.
Proudhon(Lar. 19e). Rem. 2. Fém. Banquière, femme de banquier, légitime ou non (cf. Stendhal, Le Rouge et le Noir, 1830, p. 101; Hugo, Les Misérables, t. 2, 1862, p. 318). Rem. 3. Banquier se trouve parfois dans un cont., soit dépréc. (banquier véreux, malhonnête), soit évoquant la richesse : fils de banquier; riche banquier (S. de Beauvoir, Mémoires d'une jeune fille rangée, 1958, p. 234) : 6. Dans l'appartement étriqué du bourgeois, ainsi que dans le fastueux hôtel du banquier, vous retrouvez des saletés pareilles, et vous vous heurtez à de l'inexorable.
Mirbeau, Le Journal d'une femme de chambre,1900, p. 260. Rem. 4. En ce sens, dans la lang. de l'arg., on peut trouver banquetier : ,,[L'épicière :] le traiteur va faire banqueroute parce que son banquetier (...) ne veut plus lui donner l'argent`` (F. Vidocq, Les Vrais mystères de Paris, t. 7, 1844, p. 228). II.− P. ext. Personne qui fournit de l'argent. A.− Souvent p. plaisant. Être le banquier de qqn (DG), prendre qqn pour son banquier : 7. Mais Korzakow était devenu mon banquier. Il me donnait tout l'argent que je lui demandais, 100 sous, 1 000 balles.
Cendrars, Bourlinguer,1948, p. 85. B.− Argot 1. ,,Amant payant`` (G. Delesalle, Dict. arg.-fr. et fr.-arg., 1896, p. 313; Ch.-L. Carabelli, [Lang. pop.]). 2. ,,Escroc porteur d'une forte somme, à qui un compère présente la dupe`` (Esn. 1966). III.− JEUX. Personne qui tient la banque : 8. − Il y a six louis, dit tout haut le banquier qui tenait les cartes.
− J'en fais deux! s'écria Madame Sidonie.
− Je ne suis pas fier, je pars pour deux, répondit le banquier, qui avait déjà passé plusieurs fois.
Murger, Scènes de la vie de bohème,1851, p. 237. PRONONC. ET ORTH. : [bɑ
̃kje], fém. [-ε:ʀ]. Durée mi-longue pour la 1resyll. dans Passy 1914 et Barbeau-Rodhe 1930. (Pour l'indication d'une durée longue, cf. Fér. 1768 et Fér. Crit. t. 1 1787). Pour Littré ,,l'r ne se lie jamais; au pluriel, l's se lie``. ÉTYMOL. ET HIST.
I.− Banquier subst. 1. fin. [av. 1244 (Recueil des Jeux Partis, p. XXXII, S.A.T. dans Fr. mod., t. 4, p. 339 : Audefroy Louchart ... banquier); il s'agit en fait du commentaire de l'éditeur]; xives. (Oresme, Thèse de Meunier, 66 dans R. Hist. litt. Fr., t. 4, p. 134 : Les changeurs et banquiers qui sçavent ou l'or a cours a plus hault pris); 2. 1680 jeux (Rich. : Banquier. Terme de Hoca. Celui qui est au bout de la table qui garde l'argent du Jeu).
II.− Banquière subst. 1. ca 1570 « entremetteuse » (Carl., II, 11 dans Gdf. Compl. : Sous prétexte de ce mariage, elles s'entrescrivoient de belles lettres; et estoient comme banquieres des menees de ces deux princes), attest. isolée; 2. av. 1692 « femme d'un banquier » (Tallemant des Réaux dans Lar. 19e: En lui parlant de la reine, elle l'appelait quelquefois notre grosse banquière).
III.− Banquière adj. 1784 (D'Argenson, Consid. sur le gouvernem. de la France, Amsterdam, p. 50 dans Littré Suppl. : La république de Gênes est commerçante et banquière).
I 1 en raison de la date d'entrée du mot dans la lang., plutôt empr. à l'ital. banchiero de même sens (xiiies. Guittone d'Arezzo dans Batt.) que dér. de banque1* étymol. 1; suff. -ier*; I 2 dér. de I 1; II 2 forme fém. de I, III dér. de banque1* étymol. 1. STAT. − Fréq. abs. littér. : 1 362. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 3 054, b) 1 984; xxes. : a) 1 759, b) 1 063. BBG. − Dub. Pol. 1962, p. 88. − Kuhn 1931, p. 110, 218, 219, 231. |