| BABIL, subst. masc. A.− En bonne part 1. [En parlant d'une pers.] Agréable facilité de parole, bavardage amusant : 1. Ce n'est pas qu'à de certains moments il ne soit près de s'emporter encore en la voyant si obstinée dans ses raisons; mais bientôt elle le ramène, elle l'apaise, et il se remet à l'écouter, suspendu à ce babil théologique qu'il est étonné de rencontrer si facile et si aiguisé dans un si jeune âge.
Sainte-Beuve, Port-Royal,t. 4, 1859, p. 90. 2. Il était tout simple que Marius, l'adorant, l'admirât. Mais la vérité est que cette petite pensionnaire, fraîche émoulue du couvent, causait avec une pénétration exquise et disait par moments toutes sortes de paroles vraies et délicates. Son babil était de la conversation. Elle ne se trompait sur rien, et voyait juste.
Hugo, Les Misérables,t. 2, 1862, p. 219. 3. Comme tout cela est doux, élégant, gracieux, facile, versé d'un cœur aimant [d'Eugénie de Guérin], et coulant à petits flots harmonieux! ... n'oublions pas que nous sommes, à ce début [de ses lettres], dans un babil de jeune fille, un babil de colombe.
Sainte-Beuve, Nouveaux lundis,t. 9, 1863-69, p. 248. SYNT. Un babil charmant, enfantin, joyeux, puéril; adorable, gentil babil; le babil d'un enfant, d'une femme, des moissonneurs; aimer écouter le babil de qqn; ravir qqn par son babil; être bercé, égayé par le babil de qqn. − P. métaph. : 4. Est-ce le babil de la fontaine, est-ce le murmure d'une faible brise...?
F. Carco, À voix basse,1938, p. 175. − P. ext. : 5. On peut même compter parmi eux Condillac, quoiqu'il ait cherché à se faire un système particulier sur une matière qu'il n'entendait pas. Il y a quelques bonnes idées à recueillir parmi le babil ingénieux de son livre; ...
Say, Traité d'écon. pol.,1832, p. 26. Rem. L'emploi de babil est moins fréq. au xxes. qu'au xixesiècle. Il tend à se spécialiser dans le sens de : ,,Bavardage de très jeunes enfants`` (Dub.). 6. S'il n'est pas certain que ces vues malicieuses puissent s'appliquer à l'adulte, elles rendent assez bien compte de la glossomanie infantile, de l'intarissable babil des tout petits, d'où découlera la verbosité de l'âge suivant.
Arts et litt. dans la société contemp.,1935, p. 5009. 2. P. anal. [En parlant d'animaux, en partic. de certains oiseaux] Babil de la colombe, de la perruche; un babil d'oiseau bavard. 3. Au fig., rare. Babil de qqc.Balbutiement, manifestation élémentaire : 7. Il apparaît d'ailleurs au début de cette nouvelle naissance qu'est la puberté et ressemble à un premier babil de la connaissance scientifique. Cette imitation de soi se poursuit en variant ses formes : ...
Mounier, Traité du caractère,1946, p. 409. B.− En mauvaise part. Caquet, abondance excessive de paroles vaines, de propos futiles. Étourdir qqn par son babil : 8. La réunion ordinaire a eu lieu chez moi. Il ne s'y est rien dit de remarquable. Beyle, par son babil et ses paradoxes, étourdit et ennuie tous mes jeunes gens.
Delécluze, Journal,1825, p. 151. ♦ N'avoir que du babil. Ne dire que des choses inutiles, futiles, dénuées de sens. PRONONC. − 1. Forme phon. : [babil] ou [-bi]. Passy 1914 note uniquement la forme sans [l] final; Dub. et Pt Lar. 1968 transcrivent [l] (cf. aussi Lar. encyclop. et Quillet 1965). Pt Rob. et Warn. 1968 (cf. aussi Lar. 20e) donnent les 2 possibilités de prononc. Barbeau-Rodhe 1930 admet : babi, − bil, -bi:j, avec yod (à ce sujet cf. infra). Fouché Prononc. 1959, p. 379, écrit : ,,Pour babil, baril, fenil, goupil, grésil, gril, il y a flottement entre [i] et [il]. Mais c'est [il] qui est le plus fréquent.`` Cf. aussi Nyrop Phonét. 1951, p. 168, § 223, Kamm. 1964, p. 217, et Grammont Prononc. 1958, p. 94. 2. Hist. − Fér. 1768, Fér. Crit. t. 1 1787, Land. 1834, Gattel 1841, Fél. 1851 et DG transcrivent [l] pour la finale. Ces dict. insistent tous sur le fait que le l n'est pas mouillé. Besch. 1845 transcrit yod. Nod. 1844, Littré, Lar. 19enotent [λ]. Cf. aussi Ac. 1798 et 1835. À comparer avec Ac. 1878 : ,,On prononce l'l dans les mots avril, babil, cil et on la mouille dans leurs dérivés`` (cf. également Guérin 1892, Nouv. Lar. ill. et Pt Lar. 1906). Lab. 1881, p. 32, est partisan de la prononc. avec [λ] dans le mot et ses dérivés : ,,L'l est mouillée (...) en vertu de l'usage général et surtout en vertu d'une règle que nous pourrions formuler ainsi : l'l final a, dans les mots primitifs, le même son que dans leurs dérivés. Ainsi, les deux l étant mouillées dans les mots dérivés avrillé, avrillet, babillage, babiller, cillement, ciller, l'l finale devra l'être également dans les mots avril, babil, cil, qui ont contribué à leur formation.`` Pour Martinon Comment prononce 1913, p. 261, il y a hésitation dans le cas de babil, grésil, gril et mil (avec grémil) : ,,Non qu'on puisse y conserver le son mouillé, ou plutôt le yod, car il s'y entend de moins en moins, et ne saurait tarder à disparaître, malgré le voisinage de formes mouillées comme babiller, grésiller, griller : la seule question est de savoir s'ils se prononceront définitivement avec ou sans l, car les deux coexistent. Il est probable que le son il l'emportera dans mil et babil, comme dans péril et avril. Mais grési(l) et surtout gri(l), sans l, paraissent avoir des chances sérieuses.`` Pour l'hésitation dans le mot entre i, il et yod, cf. aussi Rouss.-Lacl. 1927, p. 167, et Buben 1935, p. 180, § 205. ÉTYMOL. ET HIST. − Ca 1450 « bavardage futile, enfantin » (Myst. du Viel Testam., 6451 ds Gdf. Compl. : Qu'i a il, Mes enfans? D'ou vient ce babil? I a il debat entre vous?); xvies. en partic. « cri de certains oiseaux » (Belon, Nat. des oys., 4, XXVI, ibid. : [La rousserole] c'est l'oyseau du plus grand babil qu'on puisse cognoistre); 1680 péj. (Rich. : Le babil est une marque d'un petit esprit).
Déverbal de babiller*. STAT. − Fréq. abs. littér. : 97. BBG. − Baudr. Chasses 1834. − Bruant 1901. − Goug. Mots t. 1 1962, p. 272. − Le Roux 1752. |