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BÉNITIER, subst. masc.
A.− Petit bassin, petit vase portatif ou non, contenant l'eau bénite. Bénitier d'argent, de marbre, de porcelaine; crucifix à bénitier :
1. ... tout gémissait avec elle [Éveline] dans sa chambre virginale, le bénitier et le rameau de buis au-dessus du lit blanc, ... A. France, L'Île des pingouins,1908, p. 350.
− P. ext., rare. Fonts baptismaux (cf. Lar. 19e, Guérin 1892) :
2. Ma chère, s'écria solennellement dame Aloïse, vos parents ne vous ont pas pêché ce nom-là [La Esmeralda] dans le bénitier du baptême Hugo, Notre-Dame de Paris,1832, p. 289.
− P. métaph.
♦ [Désigne un inanimé concr.] :
3. ... ne sommes-nous pas sur l'eau? Sur l'eau plate, monotone, interminable, qui confond ses limites à celles de la terre? Comment croire que nous allons arriver à Amsterdam? Nous ne sortirons jamais de ce bénitier immense. Camus, La Chute,1956, p. 1529.
Rem. Cf. Mes yeux, deux bénitiers ardents (T. Corbière, Les Amours jaunes, 1873, p. 175); [le] bénitier rugueux de l'huître (Proust, Le Côté de Guermantes 1, 1920, p. 118).
♦ [Plus rarement un inanimé abstr.] L'Église, la religion. Ne pas être un farouche du bénitier (cf. amitié I B 2 a, ex. 114).[Ou une pers.] [Les dames qui firent la première éducation du prince de Navarre] appelaient (...) le lâche « un bénitier de pleurs » (G. d'Esparbès, Le Roi,1901, p. 29).
− Loc. fig., fam. ou pop.
1. Se démener, s'agiter (...) comme un diable au fond d'un/dans un bénitier. S'agiter beaucoup, être mal à son aise, s'efforcer de sortir d'une situation désagréable (p. allus. à l'attitude du diable en présence de l'eau bénite). C'est un diable dans un bénitier (Dub.):
4. ... on croit entendre un génie captif [dans le violon] qui se débat au fond de la docte boîte, ensorcelée et frémissante, comme un diable dans un bénitier; ... Proust, Du côté de chez Swann,1913, p. 347.
Rem. Cf. E. Augier, Un Homme de bien, 1845, p. 95 : ,,Me marier, c'est proprement plonger le diable au bénitier.``
2. Grenouille de bénitier. Personne faisant preuve d'une dévotion excessive :
5. ... Un ministre, Polignac, plus crapaud de bénitier qu'homme d'État, qui a des visions et pas de vues... A. Arnoux, Roi d'un jour,1956, p. 136.
− Arg. ,,Gratification d'un client`` (Ch.-L. Carabelli, [Lang. des agents de renseignements commerciaux]). Toucher un bénitier. ,,Recevoir d'un client une gratification`` (Ch.-L. Carabelli, [Lang. des agents de renseignements commerciaux]).
B.− [P. anal. de forme]
1. [P. anal. avec la forme arrondie d'un bénitier d'église]
a) ZOOL. ,,Nom vulgaire des coquilles des genres peigne et tridacne`` (Lar. 19e) :
6. ... elles [les falaises de la Normandie] sont remplies de coquillages marins; mais ce qu'il y a de fort singulier, c'est qu'on y trouve les plus grandes coquilles des Indes, telles que la tuilée ou le bénitier. Bernardin de Saint-Pierre, Harmonies de la nature,1814, p. 232.
♦ Grand bénitier. ,,Nom vulgaire du tridacne géant, coquille bivalve qui acquiert un très gros volume, et qui sert quelquefois de bénitier dans les églises`` (Lar. 19e) :
7. La force du grand bénitier va de pair avec la grandeur et la masse de ses murailles. Il faut, dit un auteur, atteler deux chevaux à chaque valve pour obliger le grand bénitier « à bâiller malgré lui ». Bachelard, La Poétique de l'espace,1957, p. 119.
♦ Petit bénitier. ,,Coquille du genre peigne`` (Besch. 1845).
b) Arg. ,,Sexe de la femme`` (A. Bruant, Dict. fr.-arg., 1901, p. 406; cf. aussi Béranger, Chansons, Le Carillonneur, t. 1, 1829, p. 185);partie inférieure de la poitrine d'une femme :
8. ... sa femme [d'un homme] en robe longue à plusieurs volants, en chapeau à grandes plumes, les bras couverts, mais décolletée si bas qu'on voit ce que l'italien populaire nomme « la rainure du bénitier ». V. Larbaud, Jaune, bleu, blanc,1927, p. 135.
2. [P. anal. avec la forme d'un bénitier mural domestique, p. ex. crucifix à bénitier] SP. ,,Large marche taillée dans le glacier pour permettre au pied de s'y poser confortablement... Le taillage d'une marche en bénitier ne doit pas se faire horizontalement... Un bénitier doit (...) être taillé en pente inclinée vers la montagne`` (Gautrat 1970).
PRONONC. : [benitje].
ÉTYMOL. ET HIST. − 1. 1281 eubenoitier « vase contenant de l'eau bénite » (ds Delb. Rec. d'apr. DG); 1352 eaubenoitier (Compt. de La Font., ap. Douët d'Arcq. Compt. de l'argent., p. 126 dans Gdf.); 2. 1288 benoitier (Renart le Nouvel, éd. Méon, 6089 dans T.-L.); 1307 benestier (Mobil. des Templ. du baill. de Caen, A.N. J 413, pièce 29 dans Gdf. Compl.); 1680 bénitier (Rich.). A. fr. benoitier puis benestier issu de eaubenoitier lui-même dér. de l'a. fr. ewe benëeite, benëoite (ca 1190 Marie de France, Purgatoire St Patrice dans T.-L., s.v. benëir); suff. -ier*; bénitier est une réfection d'apr. (eau)bénite.
STAT. − Fréq. abs. littér. : 169.