| BÉNÉFICE, subst. masc. I.− A.− Usuel 1. Avantage que procure une personne ou une chose. Au bénéfice de; c'est tout bénéfice : 1. Les raisons qui président au développement des villes sont (...) soumises à des changements continuels. Croissance ou décroissance d'une population (...), bénéfices ou méfaits d'une politique choisie ou subie, (...) tout n'est que mouvement.
Le Corbusier, La Charte d'Athènes,1957, p. 8. SYNT. Bénéfice de temps; pour le bénéfice de; il y a, avoir (tout) bénéfice à; recueillir le bénéfice de (sa peine). − P. antiphrase. Désagrément : 2. On le [un procès] risquera volontiers lorsque l'emprisonnement devra être le bénéfice d'un secrétaire de rédaction chargé de famille.
L. Veuillot, Les Odeurs de Paris,1866, p. 28. − Au fig. : 3. ... l'on devrait écrire pour soi, (...) quitte si l'on veut, à offrir, (...) les choses que l'on écrit, à ceux qui peuvent en retirer un bénéfice intellectuel, artistique ou moral...
Du Bos, Journal,1922, p. 115. 2. Gain réalisé par une personne ou une collectivité. Gros bénéfices; marge de bénéfice; être source de bénéfices : 4. Tout élément capitaliste aura disparu; aucun homme ne pourra se servir d'autres hommes pour se créer des dividendes, des bénéfices, des rentes, des loyers, des fermages.
Jaurès, Ét. socialistes,1901, p. 159. SYNT. Bénéfice annuel, fiscal, illicite, usuraire; bénéfice de l'exercice; impôts sur les bénéfices industriels et commerciaux; calculer les bénéfices; être intéressé aux bénéfices; faire, réaliser des bénéfices, un bénéfice de tant. B.− Emplois spéc. 1. COMM. et COMPTAB. Bénéfice brut. Profit égal à la différence entre les recettes et les dépenses, sans en déduire les charges (frais d'administration, d'amortissement, intérêts à payer, impôts, etc.). Bénéfice net. Profit réalisé, toutes charges déduites. Bénéfice réel. Profit calculé de la façon la plus juste possible, parce que soumis à l'impôt (cf. Lar. comm. 1930). Participation aux bénéfices. Action visant à intéresser les ouvriers au rendement d'une entreprise en leur attribuant une part des gains réalisés, en espèces ou sous forme d'épargne (attesté dans Lar. 19eSuppl. 1890, Rob., Quillet 1965). − Spéc., THÉÂTRE. Représentation à bénéfice ou bénéfice. Spectacle dont la recette est attribuée à une personne, en particulier à un comédien, à un auteur, à une œuvre sociale. 2. MÉD., vx. Bénéfice de nature. Évacuation extraordinaire, spontanée, qui soulage le corps. Bénéfice (de ventre). Diarrhée spontanée sans gravité. Rem. Attestés dans la plupart des dict. gén. du xixeet du xxesiècle. 3. PSYCHOL. Bénéfice primaire et secondaire de la maladie (ou de la névrose). Satisfaction d'ordre affectif, émotif ou même matériel qu'un malade trouve dans sa névrose. Rem. Attesté dans Lapl.-Pont. 1967 et March. 1970. II.− HIST. et DR. A.− HIST. du MOY. ÂGE et HIST. MOD. 1. Terre concédée par les chefs francs, puis par les rois à leurs fidèles, en échange d'un service militaire, et qui prit par la suite le nom de fief. Bénéfice militaire. On rencontre à la même époque des bénéfices à temps, à vie, héréditaires (Guizot, Hist. gén. de la civilisation en Europe,1828, p. 13). 2. Titre, revenu accordé à une personne, généralement un ecclésiastique, en échange d'un service spirituel. Bénéfice vacant; collation des bénéfices; conférer, posséder, poursuivre, résigner, tenir un bénéfice; présenter à un bénéfice; pourvoir qqn d'un bénéfice : 5. Un conflit avait déjà éclaté au sujet du Concordat que le Parlement trouvait (...) trop propre à renforcer l'autorité du roi en lui donnant la nomination aux bénéfices ecclésiastiques.
Bainville, Histoire de France,t. 1, 1924, p. 149. SYNT. Bénéfice consistorial ou majeur. Grand bénéfice (évêché, abbaye) dont la nomination appartenait au roi, sur proposition du consistoire de Rome. Bénéfice incompatible. Bénéfice qui interdit à son possesseur d'avoir un autre bénéfice. Bénéfice régulier. Bénéfice qui ne pouvait être tenu que par un membre d'un ordre religieux. Bénéfice sécularisé. Bénéfice régulier qui peut être attribué à un membre du clergé séculier, à la suite d'une dispense du pape. Bénéfice à charge d'âmes, avec charge d'âmes, ayant charge d'âmes. Bénéfice dont le titulaire devait s'occuper des fidèles, leur donner une instruction religieuse et administrer les sacrements. Au fig. Avantage qui comporte des responsabilités, des obligations. La célébrité est un bénéfice à charge d'âmes (Chateaubriand, Mémoires d'Outre-Tombe, t. 2, 1848, p. 24). Bénéfice en commande. Bénéfice dont l'administration est confiée temporairement à un prêtre séculier. (Attestés dans la plupart des dict. gén. du xixeet du xxes.). Bénéfice mineur. Bénéfice de moindre importance, tel que cure, canonicat, prieuré, chapellenie (attesté dans Rob.). Bénéfice manuel. Bénéfice dépendant d'une abbaye, dont le titulaire est nommé et révocable par le supérieur (cf. Chateaubriand, Génie du Christianisme, t. 2, 1803, p. 367). Bénéfice séculier. Bénéfice tenu par un prêtre n'appartenant pas à un ordre religieux, ou même parfois par un laïc (cf. Id., ibid.). Bénéfice simple ou à simple tonsure. Bénéfice possédé par un clerc qui devait avoir la tonsure mais qui pouvait ne pas être ordonné, ne pas résider dans son bénéfice et qui n'avait donc pas charge d'âmes (cf. Id., ibid.). Cumul, pluralité des bénéfices. Abus selon lequel une même personne possédait plusieurs bénéfices. ... la pluralité des bénéfices n'est pas inconnue en France (Sieyès, Qu'est-ce que le Tiers-état?, 1789, p. 45). Feuille des bénéfices. Liste indiquant les bénéfices vacants, attribués par le roi. ... son propre neveu tenait la feuille des bénéfices (A. France, Les Opinions de Monsieur Jérôme Coignard, 1893, p. 183). 3. P. méton. Lieu même où se trouve cette terre, où réside le titulaire d'un bénéfice : 6. ... [le vieillard] il est fou de musique, ce bon chanoine, et c'est un grand honneur pour nous que de le voir à notre autel, lui qui ne sort guère de son bénéfice et qui ne se dérange pas pour peu.
G. Sand, Consuelo,t. 3, 1842-43, p. 22. 4. Expr. fig. Ce n'est pas un bénéfice simple; ce n'est pas un bénéfice sans charge. C'est un avantage qui n'exclut pas toute peine, tout désagrément. Il faut prendre le bénéfice avec les charges. Il faut accepter les inconvénients d'une chose qui apporte, par ailleurs, bien des avantages. Il n'a ni office ni bénéfice. Il ne peut vivre que grâce à son travail. Les chevaux courent les bénéfices et les ânes les attrapent. Ce ne sont pas toujours les personnes méritantes qui obtiennent les meilleures places. (Attestés dans la plupart des dict. gén. du xixeet du xxes.). B.− DR. Privilège, faveur accordée par une loi, un souverain. Le bénéfice de l'immunité royale (Grousset, L'Épopée des croisades,1939, p. 244). − En partic. Privilège, faculté accordée par la loi à quelqu'un, d'être soustrait à l'application des règles juridiques normales. Bénéfice de la loi; bénéfice des circonstances atténuantes (DG.). 1. Bénéfice d'âge. Privilège qui soustrait certaines personnes aux clauses d'une loi, en raison de leur âge ou leur permet d'assumer certaines fonctions, malgré leur âge. Rem. Attesté dans Nouv. Lar. ill. et DG. a) En partic., DR. ANC. Sous l'Ancien Régime, droit accordé à un mineur de gérer lui-même ses biens ou de posséder un office. Lettres de bénéfice d'âge. Lettres de chancellerie accordées au mineur pour lui conférer ce droit. Rem. Attesté dans la plupart des dict. gén. du xixeet du xxesiècle. b) Usuel. Être élu au bénéfice de l'âge. Être élu parce qu'on est plus âgé que l'autre candidat ex aequo. Rem. Attesté dans Lar. encyclop., Quillet 1965 et Lar. Lang. fr. 2. Bénéfice de cession (de biens). Faveur accordée au débiteur de bonne foi, par laquelle celui-ci pouvait échapper à la contrainte par corps en faisant abandon de tous ses biens à ses créanciers. Je profite de cet intervalle pour tâcher de me faire admettre au bénéfice de la cession de biens (Lamennais, Lettres inédites ... à la baronne Cottu,1832, p. 233). 3. Bénéfice de discussion. DR. ROMAIN et DR. CIVIL. Droit dont dispose la caution (non solidaire), le cédant d'une créance ou le tiers détenteur d'un immeuble hypothéqué de faire surseoir aux poursuites en exigeant du créancier qu'il discute en premier lieu la vente des biens du débiteur principal (attesté dans la plupart des dict. gén. du xixeet du xxes.). 4. Bénéfice de division. Droit accordé aux cautions non solidaires d'une dette d'exiger que le créancier divise ses poursuites et les limite à la part de chacune dans la dette (cf. Code civil, 1804, p. 216). 5. Bénéfice d'inventaire. DR. ROMAIN, ANC. DR. FR. et DR. CIVIL. Faculté accordée à l'héritier qui a fait dresser inventaire de la succession dans un délai fixé, de n'accepter celle-ci que dans la mesure où le passif est inférieur à l'actif recueilli. ... accepter la succession sous bénéfice d'inventaire (Montherlant, Les Célibataires,1934, p. 746). ♦ Au fig. Restriction, réticence, réserve. Sous le bénéfice de ces observations : 7. ... la révélation est assez neuve pour que je ne l'aie acceptée que sous bénéfice d'inventaire et à charge d'examen.
Sainte-Beuve, Port-Royal,t. 1, 1840, p. 265. Rem. 1. En arg., bénef, béné, subst. masc. Abrév. de bénéfice* surtout au sens de « bénéfice en espèces ». On a partagé les bénefs (A. Arnoux, Paris-sur-Seine, 1939, p. 197). 2. On rencontre dans la docum. quelques mots de la même famille qui sont des emprunts au lat. a) Bénéficial, ale, aux, adj., hist. [En parlant d'un inanimé] Qui se rapporte aux bénéfices, plus particulièrement aux bénéfices ecclésiastiques. Matière bénéficiale, revenus bénéficiaux. ... cardinal-protecteur (...) agent pour les affaires ecclésiastiques et bénéficiales (Stendhal, Rome, Naples et Florence, 1817, p. 356). 1reattest. 1369, juin (Reg. du Parlem., ms. Ste Gen. p. 78 dans Gdf. Compl.); empr. au lat. médiév. beneficialis, ann. 1170 dans Mittellat. W. s.v., 1429, 52. b) Bénéficiel, elle, adj. [En parlant d'un inanimé] Qui procure des avantages matériels ou moraux. ... je m'y refusai tout à fait [à aller communier] : je n'y croyais pas assez, (...) pour que ce pût m'être bénéficiel (Las Cases, Le Mémorial de Sainte-Hélène, t. 1, 1823, p. 747). 1reattest. 1838 (Ac. Compl. 1842); empr. au b. lat. beneficialis, synon. de beneficus (Cassiodore dans TLL s.v., 1878, 5). c) Bénéfic(i)ence, subst. fém., peu usité. Bonté, générosité, bienfaisance. Ange de Dieu et bien-aimé frère, je me confie en votre bénéficence (Huysmans, Sainte Lydwine de Schiedam, 1901, p. 162). 1reattest. 1541 (Marot, Ps. de David, 3 dans Hug.), rare; Trév 1704 note ,,ce mot (...) n'est pas assez heureux pour plaire à tout le monde; au contraire le nombre de ceux à qui il déplaît, est bien plus grand, que le nombre de ceux à qui il plaît``; empr. au lat. beneficentia, de même sens (dep. Cicéron dans TLL s.v., 1877, 44); la forme beneficience est empr. au synon. beneficientia, attesté en lat. impérial (Valère Maxime, ibid.). PRONONC. ET ORTH. : [benefis]. Enq. : /benefis/. Formes bénef (Lar. 19e, Guérin 1892, Nouv. Lar. ill., Lar. encyclop.) et béné (Lar. encyclop.), par abréviation. ÉTYMOL. ET HIST.
A.− 1198 « service, bienfait » (Evrart, Genese, Bartsch, Lang. et litt. fr. 305, 19 dans Gdf. Compl.); a) 1223 « bénéfice ecclésiastique; toute fonction cléricale à laquelle est attaché un ensemble de biens-fonds » (G. de Coincy, Mir. Vierge, éd. Poquet, 34, 217 dans T.-L.); 1680 dr. « privilège que la loi accorde à qqn » (Rich. : Benefice d'inventaire); b) spéc. dr. médiév. 1remoitié xives. « tenure concédée à un vassal » (G. Li Muisis, éd. Kervyn de Lettenhove, I, 107 dans T.-L.).
B.− P. ext. 1690 (Fur. : Benefice, signifie aussi, gain, profit, avantage); 1842 abrév. pop. par apocope (Dupeuty, Cormon, Les Petits mystères de Paris, II, xii dans Quem. Fichier).
Empr. au lat. beneficium « bienfait » (Plaute, dans TLL s.v., 1880, 67); terme de dr. médiév. A a « bénéfice ecclésiastique », (ann. 1061-1073 dans Nierm.); A b « tenure concédée à un vassal » ann. 843 (ibid.). STAT. − Fréq. abs. littér. : 1 561. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 2 461, b) 2 032; xxes. : a) 1 979, b) 2 259. DÉR. Bénéficieux, euse, adj.,comm. et comptab. [En parlant d'un inanimé] Qui procure ou qui est susceptible de procurer du gain. Aussi songeait-il [Adolphe], (...) à chercher une place stable et bénéficieuse (Balzac, Les Paysans,1844, p. 127).− 1reattest. 1837 (Id., Les Employés, 19, 49 dans Quem.); dér. de bénéfice, p. anal. avec délicieux, pernicieux (issus d'étymons en -iciosus). BBG. − Goug. Lang. pop. 1929, p. 9. − Quem. 2es. t. 2, 1971, p. 7 (s.v. benef). |