| BÉLÎTRE, subst. masc. Vx. Mendiant. On disait autrefois les quatre ordres de bélîtres pour dire les quatre ordres des mendiants (Besch.1845).Rem. Attesté dans la plupart des dict. généraux. − P. ext. Homme de rien, sot, importun : 1. J'étais donc tête à tête avec le grand Erwin, (...), lorsqu'un bélître est venu me déranger. C'était le Suisse de l'église, qui, pour gagner trente sous, m'offrait de m'expliquer sa cathédrale.
Hugo, Le Rhin,1842, p. 356. 2. ... j'emporterai plutôt tout avec moi dans la fosse que de laisser la valeur d'un double rouge à ce bélître qui me fit tant souffrir.
Camus, Les Esprits,1955, p. 463. Rem. 1. Vieilli selon Rob. 2. On rencontre dans la docum. le dér. bélîtraille, subst. fém. Réunion de bélîtres (attesté dans Ac. Compl. 1842, Besch. 1845, Lar. 19e, Guérin 1892) : ,,Ingouvernable bélîtraille, / Qu'il faut qu'on sabre et qu'on mitraille / Pour la contraindre à vivre en paix`` (A. Pommier, Paris, poème humoristique, 1866, p. 115). PRONONC. ET ORTH. − 1. Forme phon. : [belitʀ
̥]. 2. Forme graph. − Ac. 1798-1932 écrit belître sans accent aigu sur e; cf. aussi Fér. 1768 et Fér. Crit. t. 1 1787. Le reste des dict. (la majorité) note bélître. Noter d'autre part que Fér. 1768 écrit belitre sans accent circonflexe sur i alors que tous les autres dict. donnent l'accent. À ce sujet, cf. Ortho-vert 1966, p. 109 : ,,La finale -itre ne prend l'accent circonflexe que dans les trois mots ci-contre : bélître, épître, huître.`` ÉTYMOL. ET HIST.
I.− 1408 [1403 dans Du Cange, s.v. balens] belleudre « gueux, coquin, mendiant » (A.N. JJ 158, pièce 208 dans Gdf. Compl. : Ces belleudres veulent ils faire les maistres!), forme isolée.
II.− 1460 belistre (Cité dans A. Thierry, Monum. de l'hist. du Tiers État, 1esérie, ii, 225 d'apr. Barb. Misc. I, p. 49 : [...] ils estoient gens vagabonds qui aloient de feste en feste, tenoient brelans a serees, menoient fillettes par le pays, faisoient la vie de belistre, se pourchassoient, et alloient de pays a autre, sans mestier faire ne ouvrer); mil. xves. bélitre (Mistère du Vieil testament, 31, 28 131, IV, 46 dans IGLF Litt.); 1493 bellitre (Serment d'un cuisinier, in Biblioth. du XVeS., xxvi., 106 dans Barb. Misc. I, p. 20), forme attestée jusqu'à Trév. 1771; répertorié dep. Ac. Compl. 1842 comme ancien; 1506 blitre (Ordonnance de Philippe le Bel [père de Charles Quint], du 22 Sept. dans Placcarts de Flandre, t. 1, p. 2 dans Littré), forme isolée; 1550 belitre (Trad. de l'hist. des plant. de L. Fousch, C. LXII. dans Gdf. Compl.), ,,vieilli`` d'apr. Rob.
I est empr., avec métathèse des consonnes, au m.néerl. bedelare (Verdam) ou au m.b.all. bedeler (Lübben, Mittelniederdeutsches Wörterbuch) « mendiant, gueux », subst. corresp. à l'all. Bettler (Valkh., p. 58; Barb., loc. cit.). II est d'orig. obsc.; un empr., avec métathèse des consonnes, au m.h.all. betelaere « id. » (Lexer; v. Valkh., p. 58) ne rend pas compte de la finale fr. en -i(s)tre (-s- étant prob. graph.); un empr. au m.néerl. bedelster « mendiante » (Verdam), fém. corresp. au masc. bedelare, dont le suff. -ster aurait été senti en fr. comme péj. (v. Günther dans FEW t. 15, 1repart., p. 100a), n'explique pas l'accentuation du mot fr. sur la 2esyll. Un étymon gr. β
λ
ι
́
τ
υ
ρ
ι onomat. « son, mot dépourvu de sens » (L. Spitzer, v. bbg., puis Cor., s.v. belitre; déjà dans Mén. 1750) par l'intermédiaire d'un lat. médiév. blityri, blictri, au même sens, attesté de Boèce à Albert le Grand (TLL et Mittellat. W.) supposerait un empr. en mil. d'école ce qui n'est pas reflété par les 1resattest. fr.; de plus cette hyp. obligerait à dissocier la forme belleudre. STAT. − Fréq. abs. littér. : 28. BBG. − Spitzer (L.). Estudios etimologicos. Annales del Instituto de lingüistica. Cuyo. 1945, t. 3, pp. 4-6. |