| BÂCHE1, subst. fém. A.− Pièce de toile épaisse et imperméable qui sert à protéger objets et marchandises contre les intempéries : 1. Ces forbans-là, Tartarin les connaissait... C'étaient eux, c'est-à-dire ils, ces fameux ils qu'il avait si souvent cherchés la nuit dans les rues de Tarascon. Enfin, ils se décidaient donc à venir. ... D'abord la surprise le cloua sur place. Mais quand il vit les forbans se précipiter sur les bagages, arracher la bâche qui les recouvrait, commencer enfin le pillage du navire, alors le héros se réveilla, ...
A. Daudet, Tartarin de Tarascon,1872, p. 60. 2. ... les bâches du marché, déjà en place [1 heure du matin] sur leurs piquets (...) formaient un dais (...) pour le cheminement anonyme.
A. Simonin, Le Cave se rebiffe,1954, p. 122. − P. métaph. 1. Fam., péj. Mauvais tableau (mauvaise toile), peinture de mauvais goût : 3. Cet Anatole Devosge il avait brossé une bâche inouïe; cela s'appelait « Hercule et Phillo ». La scène représentait une femme enchaînée, étreignant un gosse et s'efforçant de fuir les crocs d'un lion qu'un Hercule en colère étrangle.
Huysmans, L'Oblat,t. 1, 1903, p. 292. 2. Argot a) ,,Drap [grossier] dans le jargon des troupiers, qui ne couchent pas précisément dans la batiste`` (L. Rigaud, Dict. de l'arg. mod., 1881); se coller sous la bâche, ,,se coucher`` (L. Rigaud, Dict. de l'arg. mod., 1881); se mettre dans la bâche. b) P. méton. Casquette [de gros drap]; p. ext. ,,casque de tranchée`` (A. Dauzat, L'Arg. de la guerre, 1918, p. 243). B.− Emploi techn. − HORT. Abri vitré construit en bois ou en maçonnerie, et qui sert à préserver du froid, pendant l'hiver, les plantes délicates, ou à faire produire à certains végétaux des fruits avant la saison naturelle (d'apr. Chabat 1881) : 4. Gaspard le [Jeuselou] prit par les épaules, serra un peu sans le lâcher tout de suite. Il s'assit à côté, sur le bord de la petite bâche où l'on fait les semis.
Pourrat, Gaspard des montagnes,La Tour du Levant, 1931, p. 199. ÉTYMOL. ET HIST. − 1. 1364 lat. médiév. bacha « caleçon de toile pour religieux ou religieuses » (Compt. de l'abb. de Clairvaux, fo6 ro[...] ds Gdf. : Pro 50 ulnis telae pro bachis faciendis, emptis diversis pretiis); xves. bache [graphie pour bachae] (Gloss. lat.-fr. Richel. 1. 4120, ibid.); repris au xixes. (Lar. 19e); mentionné comme terme du Moyen Âge par Leloir; 2. 1741 (Savary des Bruslons, Dict. univ. de comm. : Bâche. Grande couverture faite de grosse toile, que les rouliers et voituriers mettent par dessus leurs charrettes, avec du fouin dessous, pour couvrir les marchandises dont elles sont chargées); d'où a) 1878 arg. « casquette » (L. Rigaud, Dict. du jargon parisien, L'Arg. anc. et mod.); d'où 1918 « casque des tranchées », supra; b) 1881 id. « drap » (L. Rigaud, Dict. de l'arg. mod.).
Peut-être forme abrégée de l'a. fr. baschoe, baschoue « vaisseau de bois ou d'osier, sorte de hotte » 1268-71 (E. Boileau, Métiers, 1rep., I, 55, Lespinasse et Bonnardot ds Gdf.); lui-même du lat. bascauda d'orig. celt. « cuvette où on lave la vaisselle » (Martial, 14, 99 ds TLL s.v., 1760, 4) contamination probable entre les représentants de bascauda et ceux de *baccus, bacca, v. FEW t. 1 s.v. bacca, *baccus, bascauda et *baccia. Mais cette étymol. (FEW) fait difficulté par suite de l'accentuation de baschoe (EWFS2); on peut supposer à côté de baschoe une forme bachot (avec changement de suff.) attestée dialectalement mais non anciennement; de cette forme comprise comme suffixée, la forme simple bâche; reste la difficulté de l'absence de s dans les formes anc. D'où l'hyp. d'un rattachement au lat. tardif baccea, bachia (Isid., Orig., 20, 5, 4 ds TLL, s.v. bachia, 1668, 5) « vase (à vin) »; cf. prov. mod. bacha « auge de pressoir; auge pour les animaux », « mare, bourbier »; cf. aussi bachas, bachat, bachasse « auge » ds Gdf. STAT. − Fréq. abs. littér. : 137. BBG. − Barb.-Cad. 1963. − Chabat 1881. − Chesn. 1857. − Colas-Cab. 1968. − Duch. 1967, § 64. − Esn. 1966. − France 1907. − Laborde 1872 (s.v. cuirie). − Larch. Suppl. 1880. − Lar. mén. 1926. − Le Breton 1960. − Le Clère 1960. − Leloir 1961. − Mots rares 1965. − Prév. 1755. − Sain. Lang. par. 1920, p. 363. − Sandry-Carr. 1963. |