| AVALER1, verbe trans. A.− Vx et techn. 1. Descendre, abaisser. Avaler une pièce de vin dans une cave (cf. avalé II A). − MODES. Avaler la ficelle. ,,Chez les chapeliers, avaler la ficelle, la faire descendre du haut de la forme jusqu'en bas`` (Nouv. Lar. ill.). − Emploi pronom. : 1. Louis tire à la fois avec les deux pistolets. Les deux coups ratent. Turelure reste un moment immobile et les yeux révulsés. Puis la mâchoire s'avale et il s'affaisse sur un bras du fauteuil.
Claudel, Le Pain dur,1918, II, 3, p. 455. − Emploi intrans., absol. Suivre le courant de la rivière. Le bateau avale, ce bateau va en avalant (Ac. 1932) : 2. Comme le poisson dans l'eau vive qui avale et remonte à contre-courant,
Celui qui est attaché à Vous remonte au rebours du temps.
Claudel, La Messe là-bas,1919, p. 487. 2. Divers domaines techn.Enlever en faisant tomber, ôter. HORTIC. Avaler une branche. La faire tomber en la coupant près du tronc. SP. (alpinisme). Avaler la corde. L'enlever, ,,la tirer à soi pour ne pas la laisser traîner`` (Gautrat 1970). VÉN. Avaler la botte au limier. Lui enlever son collier pour qu'il chasse en liberté. B.− Usuel. Faire descendre par le gosier : 3. On disait à Louis XV qu'un de ses gardes, qu'on lui nommait, allait mourir sur-le-champ, pour avoir fait la mauvaise plaisanterie d'avaler un écu de six livres.
Chamfort, Caractères et anecdotes,1794, p. 132. 4. À peine avait-il commencé à faire le mouvement de tête et d'épaules de quelqu'un qui s'esclaffe qu'aussitôt il se mettait à tousser comme si, en riant trop fort, il avait avalé la fumée de sa pipe.
Proust, Du côté de chez Swann,1913, p. 262. 5. D'un mouvement d'épaules, Pierre-Côme Provençal ramassa son corps énorme comme pour mieux se retirer en soi. Mortellement offensé, d'une puissante déglutition il avala sa salive, refoulant en même temps les paroles irrévocables, capables de tuer leur amitié ancienne et aussi de ruiner sa carrière de maire.
G. Guèvremont, Le Survenant,1945, p. 272. SYNT. Avaler d'un trait, de travers; avaler une bouchée, une gorgée, une lampée; avaler à la hâte, à contre-cœur; avaler avec application, avidité, difficulté. − Absolument : 6. Les bouches s'ouvraient et se fermaient sans cesse, avalaient, mastiquaient, engloutissaient férocement.
Maupassant, Contes et nouvelles,t. 2, Boule de suif, 1880, p. 126. ♦ Fam. Ne faire que tordre et avaler. Manger très vite, à la hâte. ♦ P. métaph. : 7. La cathédrale avalait toujours, la nef s'emplissait lentement...
Zola, Le Rêve,1888, p. 124. − Emploi pronom. (passif) : 8. Ils [les canetons] mangent des herbes mélangées de farine, puis des grains; cela dans leur jeune âge. Grands, ils dévorent tout ce qui peut s'avaler. Les loches d'eau sont leur régal.
Pesquidoux, Chez nous,1921, p. 252. C.− P. métaph. ou au fig., gén. fam. 1. [Le suj. désigne une pers.; effets de sens variés suiv. le sens de l'obj.] Prendre ou faire quelque chose avec une avidité excessive. Avaler la mer et ses poissons. Être assoiffé. Avaler un livre. Le lire très vite. Avaler ses mots. Mal prononcer. Avaler des yeux. Regarder intensément. Avaler le monde. Vouloir tout connaître. Avaler son parapluie. Être guindé. Avaler sa langue. Se taire. Avaler sa colère, ses réflexions. Les garder pour soi. 2. [Le suj. désigne une chose] Faire disparaître comme en engloutissant : 9. Mais vous excuserez de pauvres vignerons qui n'ont jamais le sou. Les impôts nous avalent tout.
Balzac, Eugénie Grandet,1834, p. 67. ♦ Avaler la route. Rouler à vive allure, très vite : 10. Il n'y a pas plus de sécurité dans ces entreprises que dans une auto qui avale la route.
Alain, Propos,1931, p. 1034. − Emploi pronom., fam. [Le suj. désigne une pers.] S'avaler le nez (l'un à l'autre). Se menacer, se disputer. 3. Accepter, endurer avec résignation : 11. Avalant les affronts, gobant les camouflets et collectionnant les avanies, il [Meyer] se venge comme il peut...
L. Daudet, Salons et journaux,1917, p. 149. 12. C'était un peu dur à avaler, n'est-ce pas, pour un homme de gauche, toute cette politique militaire de Poincaré...
Aragon, Les Beaux quartiers,1936, p. 199. − Loc. usuelles. Avaler des couleuvres ou un crapaud. Subir un mauvais sort sans se plaindre. Avaler le calice, le morceau, la pilule. Se soumettre à une épreuve désagréable. Avaler un bouillon. Subir un échec. − Emploi factitif. [Avec un obj. second, désignant une pers.] Faire avaler qqc. à qqn. Le lui faire croire. 4. Arg. Avaler le disque, le luron ou le sapeur. Communier. Avaler son poussin. Être renvoyé, congédié. Avaler son absinthe. Endurer une épreuve très désagréable. Avaler son extrait, son bulletin ou son acte de naissance, avaler sa fourchette ou sa cuillère, avaler sa langue, sa chique, sa gaffe, le goujon. Mourir. [En parlant d'une femme] Avaler le pépin. Être enceinte. PRONONC. − 1. Forme phon. : [avale], j'avale [ʒaval]. 2. Homon. : aval2et avale (j', il), avales (tu), avalent (ils). Enq. : /aval/ (il) avale. ÉTYMOL. ET HIST.
A.− 1. Ca 1100 « descendre » (Roland, 1037, Müller ds Gdf. : Cum il ainz pout del pui est avalez) − xvies. ds Hug.; spéc. navigation fluviale 1172-75 pronom. « descendre selon le cours de l'eau » (Chr. de Troyes, Chevalier Charrette, éd. W. Fœrster, 848 ds T.-L.), ,,vieilli`` ds Ac. 1835; 1415 adj. avalens « qui descend la rivière » (Ordonn. de Charles VI, art. 550-5 ds Jal1); 1672 subst. masc. avalant « qui suit le cours de l'eau » (Savary des Bruslons d'apr. FEW s.v. vallis); av. 1701 subst. masc. avalant « bateau qui suit le cours de l'eau » (Fur.); 2. a) 1172-75 trans. « faire descendre, abaisser » (Chr. de Troyes, Chevalier Lion, éd. W. Fœrster, 3787 ds T.-L. : Et vaslet saillent jusqu'a set Qui li ont le pont avalé), qualifié de ,,bas et pop.`` dep. 1694, Ac., ,,vieilli`` ds Lar. 19e; b) spéc. 1723 technol. (chapellerie) avaler la ficelle (Savary des Bruslons, Dict. universel de commerce); 1778 vén. avaler la botte au limier « la lui enlever pour le laisser chasser librement » (Le Verrier de La Conterie, Vénerie normande d'apr. FEW s.v. vallis); 1838 (Ac. Compl. 1842); d'où 3. a) xiies. « abattre, faire tomber par un coup » (Moniage Guillaume, éd. W. Cloetta, S.A.T., Paris, 1906, d'apr. FEW s.v. vallis); av. 1520 (Seyssel, trad. d'Appien, Guerres civiles, II, 9 ds Hug. : Lors vindrent à luy deux des ennemys... desquelz il en tua un, et à l'autre avala une espaule); qualifié de ,,bas`` 1718, Ac., ,,ancien`` 1845, Besch.; b) 1690 spéc. hortic. (Fur.); 4. xives. part. passé adjectivé « tombant, pendant » (Modus, foXIV, rods Littré : Le cerf doit avoir le ventre bien avalé); 1680 pronom. (Rich.); 5. 1783 trans. spéc. mines « creuser » (J. Blavier, Mém. s. l'admin. des mines d'Anzin ds Quem. : Jamais on n'avale de fosse sans consulter auparavant en quel endroit elle pourra mieux produire ce double effet [d'extraction et d'aérage]).
B.− 1. Fin xiies. « faire descendre par le gosier » (Renaut de Montauban, éd. H. Michelant, 378, 16 ds T.-L. : Soupes fist de noir pain que a dolor avale); 2. xves. « accepter, supporter, se soumettre à » (Les erreurs du jugement, 760, éd. A. Piaget, La belle dame sans mercy et ses imitations, ds Romania, t. 33, p. 195 : Helas! l'en eust bien tost deffait L'ouvraige que dame Nature Avoit en celle la parfait ... Et tout pour ung meschant ordure Qui ne valloit pas le parler, Dont par ce moien la blessure Estoit plus dure a avaller), d'où de nombreuses expr. souvent familières; 1835 fam. « faire croire » (Ac.); v. aussi Besch. 1845, Lar. 19e.
Dér. de aval1*, dés. -er. STAT. − Fréq. abs. littér. : 1 307. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 1 156, b) 2 183; xxes. : a) 2 565, b) 1 859. BBG. − Ac. Gastr. 1962. − Baudr. Chasses 1834. − Bruant 1901. − Canada 1930. − Darm. Vie 1932, p. 132, 158. − Duch. 1967, § 45, 50. − Dupin-Lab. 1846. − Éd. 1967. − Esnault (G.). Avaler sa gaffe. Vie Lang. 1955, pp. 307-310. − Foulet (L.). Avaler et descendre. In : [Mél. Ford (J.D.M.)] Cambridge (Mass.), 1948, pp. 25-52. − France 1907. − France Suppl. 1907. − Gautrat 1970. − Gottsch. Redens. 1930, passim. − Goug. Mots t. 1 1962, p. 59. − Jal 1848. − Larch. 1880. − Larch. Suppl. 1880. − Lar. méd. 1970. − La Rue 1954. − Le Breton 1960. − Le Roux 1752. − Littré-Robin 1865. − Macr. 1883. − Marcel 1938. − Michel 1856. − Marshall (F. W.). Les Poésies de Blondel de Nesle. Une ét. du lex. d'après l'examen des mss, p. 38 (Thèse Univ. Paris, 1958.). − Plais.-Caill. 1958. − Sandry-Carr. 1963. |