| AUGE, subst. fém. A.− Grand récipient creux, de pierre, de bois ou d'autre matériau servant à donner à boire ou à manger à certains animaux domestiques, notamment aux porcs. ♦ Engraissement à l'auge. Mode d'élevage sédentaire. − P. métaph., péj. : 1. ... si, pour faveur dernière,
L'Autriche leur permet d'emporter sa bannière,
S'ils rentrent dans nos monts avec cet étendard
Dont l'ombre fait d'un homme et d'un pâtre un soudard,
Oh! quelle auge de porcs, quelle cuve de fange,
Quelle étable inouïe, épouvantable, étrange, ...
Hugo, La Légende des Siècles,Le Régiment du baron Madruce, t. 2, 1859, p. 708. 2. ... l'évidence, c'est barboter dans l'auge du matérialisme, dans le bac stupide des libres-penseurs!
Huysmans, Là-bas,t. 2, 1891, p. 222. − P. ext. Mangeoire des oiseaux, abreuvoir naturel ou artificiel : 3. Ils [les oiseaux] sont mis « en galère », petite boîte individuelle, carrée, percée d'un côté de deux trous. L'un s'ouvre sur un baquet d'eau, l'autre sur une auge de mil.
Pesquidoux, Chez nous,1923, p. 105. − Pop. ou arg. Assiette : 4. « − Allons, avance ton auge, hurla la vieille, que je te donne ta soupe. »
A. Bruant, Dict. fr.-arg.,1905, p. 34. ♦ Au fig. Un dort dans l'auge. ,,Paresseux, homme qui s'endort sur la besogne`` (A. Delvau, Dict. de la lang. verte, 1866). Manger à l'auge. ,,Vivre aux frais de quelqu'un`` (Lar. 19e, Nouv. Lar. ill.). − ANTIQ. (Perse). Supplice des auges. ,,Supplice en usage chez les anciens Perses et qui consistait à placer le criminel à la renverse dans une auge, à le couvrir d'une autre auge, sauf la tête, les pieds et les mains, qui sortaient par des trous faits exprès, à lui frotter le visage avec du miel et à l'exposer en cet état aux rayons de soleil et aux piqûres des mouches`` (Bach.-Dez. 1882) : 5. N'y a-t-il pas des crimes pour lesquels le pal des turcs, les auges des persans, les nerfs roulés des iroquois seraient des supplices trop doux, et que cependant la société indifférente laisse sans châtiment? ... Répondez, n'y a-t-il pas de ces crimes?
A. Dumas Père, Le Comte de Monte-Cristo,t. 1, 1846, p. 495. Rem. Attesté ds Ac. Compl. 1842, Lar. 19e, Nouv. Lar. ill., Lar. encyclop. B.− TECHNOL. HYDROL., au plur. ,,Rigoles de bois ou de pierre au moyen desquelles on dirige et l'on fait tomber sur la roue d'un moulin l'eau nécessaire pour la mettre en mouvement`` (Jossier 1881). MAÇONN. Petite caisse de bois oblique et évasée dans laquelle les maçons, les cimentiers, délaient le plâtre, le mortier ou le ciment. PAPET. Auges à trempis. ,,Caisses de bois qu'on place dans le pourrissoir pour y faire tremper les rognures de papier`` (Chesn. 1857). PLOMB. ,,Vase de plomb placé au bout du moule où l'on coule les tables de ce métal avant de les laminer`` (Chesn. 1857). VERRERIE. Récipient de bois creux et plein d'eau dans lequel le verrier fait rafraîchir les ferrements (d'apr. Chesn. 1857). ÉLECTR. Pile à auges. Pile de volta établie dans une boîte rectangulaire de bois enduite à l'intérieur d'un mastic isolant. GRAV. Ustensile qui sert à recevoir l'eau forte que le graveur jette sur la planche. JEUX. ,,Dans le jeu de paume, espèce de saillie qui est auprès des filets pour recevoir les balles`` (Littré). C.− ZOOL. ,,En parlant du cheval, cavité, extérieure de la tête circonscrite par les ganaches, et ayant pour fond la base de la langue`` (Littré). − En partic., chez le cheval. ,,Vide plus ou moins large et plus ou moins profond compris entre les deux branches du maxillaire du cheval`` (Nouv. Lar. ill.) : 6. Toute inflammation de l'arbre respiratoire s'accompagne de réactions des ganglions lymphatiques. Les seuls perceptibles au toucher sont ceux situés dans l'auge, entre les branches recourbées du maxillaire inférieur. On dit que l'animal est glandé. On trouve ces ganglions dans l'angine, la collection des sinus, la gourme où ils peuvent s'abcéder.
E. Garcin, Guide Vétér.,1944, p. 88. PRONONC. : [o:ʒ]. ÉTYMOL. ET HIST. − 1080 [date indiquée par Géraud] (xiiies.?) « sorte de récipient servant à la toilette » (Texte intitulé : Dictionnaire de Jean de Garlande, éd. par Géraud en appendice ds Paris sous Philippe-le-Bel, Collection de doc. inédits sur l'histoire de France, Paris, 1837, p. 602 [ce texte serait plutôt du xiiies. s'il s'agit bien du Dictionnaire de Jean de Garlande, cf. Scheler, Trois traités de lexicographie latine ds Jahrbuch für romanische und englische Literatur, Leipzig, 1865, pp. 43-59] : Scaphas dicuntur gallice auges, ubi puer balneatur, vel pedes lavantur), attest. isolée dans ce sens; ca 1268 « pierre creusée ou vaisseau de bois dans lequel boivent les animaux » (E. Boileau, Métiers, éd. G.-B. Depping, 113 ds T.-L. : doivent chascuns chascun an au roy sept auges pour son celier, c'est a savoir auges de deus piez de lonc); 1446 subst. masc. « pétrin de boulanger » (Jouen, Comptes Manoir Rouen, 246 : a Colin Lefrançois, boulenguier, pour ung auge a pestrir pour le four de l'ostel) masc. jusqu'au xvies. (Hug.); 1567 technol. « vaisseau rempli d'eau » (J. Martin, Archit., trad. de Vitruve, Paris, J. Gazeau, p. 141 : Un Auge de charpenterie, ayant une couloëre joincte à soi, par ou l'eau va enroser les jardins, ou attremper les aires des Salines); 1606 maçonn. (Nicot).
Empr. au lat. alveus « vase, récipient » depuis Pacuvius, Trag., 250 ds TLL s.v., 1789, 33; « récipient, sorte de corbeille » (Caton, Agr., 11, 5, ibid., 1789, 30). STAT. − Fréq. abs. littér. : 172. BBG. − Bach.-Dez. 1882. − Barb.-Cad. 1963. − Baulig 1956. − Canada 1930. − Chabat 1881. − Chesn. 1857. − Delamaire (J.). Môniers et moulins à eau. Vie Lang. 1971, p. 12. − Encyclop. méthod. Mécan. t. 1 1782. − Esn. 1966. − Esn. Poilu 1919. − Fén. 1970. − Forest. 1946. − Géogr. t. 3 1968. − George 1970. − Gossen (C. T.). Zur lexikalen Gliederung des pikardischen Dialektraumes. In : [Mél. Wartburg (W. von)]. Tübingen, 1968, t. 2, p. 138. − Jossier 1881. − Laborde 1872. − Le Roux 1752. − Littré-Robin 1865. − Noël 1968. − Pierreh. 1926. − Pierreh. Suppl. 1926. − Plais.-Caill. 1958. − Poignon 1967. − Sandry-Carr. 1963. − St-Edme t. 2 1825. − Vincent (A.). Les N. d'objets creux comme n. de lieux. In : [Mél. Dauzat (A.)]. Paris, 1951, pp. 385-386. − Will. 1831. |