| AUDACIEUX, EUSE, adj. I.− [En bonne part] Qui fait preuve de détermination, de hardiesse, qui va plus loin que les autres. A.− [Dans une action difficile ou dangereuse] :
1. « César, observait-il, conquiert les Gaules et les lois de sa patrie; mais, est-ce au hasard et à la simple fortune qu'il doit ses grands actes de guerre? » Et il analysait encore les hauts faits de César comme il avait fait de ceux d'Alexandre. « Et cet Annibal, disait-il, le plus audacieux de tous, le plus étonnant peut-être, si hardi, si sûr, si large en toutes choses; qui, à vingt-six ans, conçoit ce qui est à peine concevable, exécute ce qu'on devait tenir pour impossible; qui, renonçant à toute communication avec son pays, traverse des peuples ennemis ou inconnus qu'il faut attaquer et vaincre, escalade les Pyrénées et les Alpes, qu'on croyait insurmontables, ... »
Las Cases, Le Mémorial de Sainte-Hélène,t. 2, 1823, p. 338. SYNT. L'audacieux Bonaparte; un audacieux cavalier, navigateur; un chef, un explorateur, un soldat, un voyageur audacieux; être, ne pas être audacieux; un cœur, un sang audacieux; une race audacieuse. B.− [Dans le domaine des réalisations] Un architecte, un chirurgien audacieux : 2. Un industriel audacieux fait baisser les prix.
L'Est Républicain,5 novembre 1971, p. 2. − P. méton. [En parlant des réalisations elles-mêmes] Qui est fait avec audace. SYNT. Un pipe-line, un viaduc audacieux; une route audacieuse. − P. anal. Des pics, des pins audacieux. C.− [Dans le domaine de la pensée, du caractère] :
3. M. de Girardin, plus accusé, plus insulté, plus haï encore par toutes les nuances des partis, est seul resté debout. Il est aujourd'hui, en France, le champion des théories les plus audacieuses et les plus généreuses sur la liberté. Ainsi le voulait la destinée en le douant d'une force supérieure à celle de ses adversaires.
G. Sand, Histoire de ma vie,t. 4, 1855, p. 427. 4. ... l'homme sans loi, n'ose aucun mouvement, tout occupé qu'il est à se chercher, à se connaître, à se comprendre, à morceler sa conscience, à poser des problèmes sans solution. Acculé dans l'inexplicable et dans sa solitude, il n'y a pas d'être plus entravé, moins audacieux : et sous prétexte de risquer, c'est échapper à tous les risques qu'il s'efforce; ...
Massis, Jugements,t. 2, 1924, p. 59. 5. Le chien ne devait mourir que plusieurs semaines après l'expérience, d'une broncho-pneumonie. Bakhmetieff, qui était un esprit audacieux, songeait à tirer parti du fait que l'animal supérieur tolère des températures aussi basses.
J. Rostand, La Vie et ses problèmes,1939, p. 106. SYNT. a) Un philosophe audacieux; une âme audacieuse. b) Une analyse, une hypothèse, une intuition, une méthode, une théorie audacieuse; un plaidoyer, un plan audacieux. − Emploi subst. : 6. Dans lequel Passepartout prouve une fois de plus que la fortune sourit aux audacieux. Le dessein était hardi, hérissé de difficultés, impraticable peut-être. Mr Fogg allait risquer sa vie, ou tout au moins sa liberté, et par conséquent la réussite de ses projets, mais il n'hésita pas.
Verne, Le Tour du monde en 80 jours,1873, p. 62. II.− [En mauvaise part] Qui fait preuve d'une hardiesse excessive, prêtant à critique. A.− [Dans le comportement] − P. méton. [Vocabulaire amoureux ou érotique] Regard audacieux; bouche, main audacieuse. B.− [Dans l'action] SYNT. Bandit, criminel, usurpateur, voleur audacieux; un audacieux aventurier; coup de main, enlèvement, pillage audacieux. − P. anal. Un langage audacieux; une comparaison, une expression audacieuse. Rem. Les dict. du xixefont apparaître une prédominance du sens péj. Le terme se prend d'abord « en mauvaise part ». ,,Il a communément un sens de blâme`` dit l'Ac. 1798. − Emploi subst. : 7. Il y a déjà cette préoccupation dans Les Fleurs du mal; il ouvre un domaine jusqu'alors fermé. Hugo a bien vu que c'est là le compliment à lui faire : « vous créez, vous peignez, vous nous fournissez un frisson nouveau. » Il est l'audacieux qui ose tout scandale, prend toute licence, nous fournit des spectacles immoraux, dégoûtants, mais vrais. Il accueille les pensées que l'âme n'avoue pas d'ordinaire; les pensées que l'on chasse, il les formule.
Barrès, Mes cahiers,t. 12, 1919-20, p. 2. PRONONC. ET ORTH. : [odasjø], fém. [-ø:z]. Durée mi-longue pour la 1resyll. ds Passy 1914. Fér. Crit. t. 1 1787 écrit le fém. audacieûse (à ce sujet cf. audacieusement). ÉTYMOL. ET HIST. − [1495, J. de Vignay, Miroir historial, 20, 86, Delboulle (1531) d'apr. Quem.]
A.− Adj. fin xve-début xvie, péj. « d'une hardiesse excessive, impudente » (A. de La Vigne, Compl. et epit. du roy de la Basoche ds Gdf. Compl. : Anagliphere, acerbe, audacieuse); 1611 en bonne part « fier, courageux, hardi, entreprenant » (Cotgr.).
B.− Subst. av. 1577 « celui qui a de l'audace (en bonne part) » (Montluc, Commentaires, IV ds Dict. hist. Ac. fr. t. 4, p. 416b : Je croy que la fortune nous eust ry : car on dict qu'elle aime les audacieux); 1636 « id. (en mauvaise part) » (Corn., Cid, II, 8 ds Rob.).
Dér. de audace*; suff. -eux*; lat. audax au sens A (Q. Ennius, Praetext. 3 ds TLL s.v., 1246, 14). STAT. − Fréq. abs. littér. : 930. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 1 475, b) 1 293; xxes. : a) 1 463, b) 1 123. BBG. − Bruant 1901. − Le Breton Suppl. 1960. − Le Roux 1752. |