| ASTUCE, subst. fém. A.− Dans un sens défavorable. 1. Vieilli. Finesse d'esprit, habileté... Synon. fourberie, machiavélisme, mauvaise foi, perfidie, rouerie. Anton. naïveté : 1. Tant d'hypocrisie, d'astuce, d'impostures, de trahisons, me remplissaient de mépris pour un tribunal qui avait de pareils hommes à sa tête; je formai le dessein d'éclairer de près sa conduite, de dévoiler ses iniquités, de le couvrir d'opprobre, de faire sentir la nécessité urgente de le supprimer; et je n'attendis plus qu'une occasion favorable.
Marat, Les Pamphlets,Appel à la Nation, 1790, p. 137. 2. Je crois naturellement, sans effort, à l'honneur, à la franchise, au dévouement, à la loyauté, à tous les grands et beaux instincts de l'âme. Eh bien, quoique à cette heure encore mon cœur indigné s'efforce de douter que la ruse, l'astuce et la duplicité puissent être poussées si loin, je ne crois pas, Madame, à votre sincérité.
Sandeau, Mllede la Seiglière,1848, p. 131. SYNT. Astuce criminelle, diabolique; basse, fantastique, incroyable astuce; l'- d'un trafiquant marron; être un monstre d'-; déjouer l'- de qqn; redoubler d'astuce. Rem. Ce sens est le seul enregistré ds les dict. du xixes. et ds Ac. 1932. 2. Ruse, tour adroit qui tend à tromper. Les astuces des tours de cartes, des tours de main : 3. Il faut renoncer à décrire ici toutes les variétés du jeu de dés, toutes les ruses, les astuces, les tricheries auxquelles elles prêtaient.
Faral, La Vie quotidienne au temps de st Louis,1942, p. 207. B.− Dans un sens favorable ou neutre. Adresse déployée pour échapper à des circonstances difficiles. Synon. finesse, subtilité : 4. ... sa physionomie, malgré cette extrême jeunesse, semblait révéler une haute énergie, une astuce merveilleuse, une audace à toute épreuve et une de ces intelligences d'élite qui se révèlent à de certaines heures par des traits de génie.
Ponson du Terrail, Rocambole,t. 2, Le Club des valets de cœur, 1859, p. 31. ♦ [En parlant d'animaux] :
5. ... la difficulté de la battue de perdreaux gris, dès qu'elle est renouvelée sur un même terroir au cours d'une même saison, réside dans l'astuce des oiseaux, qui, avertis par les hécatombes précédentes, n'hésiteront pas à changer leurs habitudes pour se mettre à l'abri du danger; ...
F. Vidron, La Chasse en plaine et au bois,1945, p. 26. − P. ext., fam. : 6. On dit : avec astuce pour « avec ingéniosité », et aussi : dire une astuce, faire une astuce, où astuce désigne « quelque chose d'ingénieux. »
M. Cohen, Le Lang. de l'École polytechnique,1908, p. 187. Rem. On rencontre ds la docum. le dér. astucier, verbe intrans. (1801, S. Mercier, Néologie, t. 1, p. 56; dés. -er, avec anal. d'apr. les verbes en -ier). User d'astuce. PRONONC. : [astys]. − Astucier. Seule transcr. ds Land. 1834 : ace-tu-cié. ÉTYMOL. ET HIST. − 1. a) 1267-68 « finesse, nature judicieuse (en bonne part) » (Brunet Latin, Trésor, éd. Chabaille 298 ds T.-L. : Par intellect nos vient solerte et astuce ... astuce est touzjors ... proposement, et quant li proposemens est bons, proprement lors est li apelés astuce, mais quant il est malvais, lors est il apelez malice); b) « id. (neutre) » (Id., Ibid., II, I, XXXIX ds Gdf. Compl. : astuce est diverse de prudence, a ce que prudence est solement entor les bones euvres; mais astuce est entor les bones et les mauvaises) − xvies. ds Hug.; 2. 1370 « adresse malfaisante » (Oresme, Ethique, 188 ds Littré : Et doncques se l'entention est malvese, tele puissance est appellée astuce ou malicieuseté); 3. xvies. « moyen qu'on ourdit pour tromper » (Brantôme, Grands capit. estrang., L. I, C. XXXII ds Gdf. Compl. : Les stratagemes et astuces militaires).
Empr. au lat. astutia au sens 3 (Plaute, Epid., 363 ds TLL s.v., 985, 30); 1 b « savoir-faire, finesse (à bien ou mal faire) » (Térence, Haut., 710, ibid., 61); 2 (Id., Andr., 723, ibid., 985, 62); 1 a (S. Augustin, Gen. ad. litt., 11, 2, 4, ibid., 986, 44). STAT. − Astuce. Fréq. abs. littér. : 200. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 284, b) 150; xxes. : a) 325, b) 331. Astucier. Fréq. abs. littér. : 1. BBG. − Bruant 1901. − Esn. 1966. − Feugère (F.). Après sept cents ans. Le grand s. de Saint Louis et son vocab. Déf. Lang. fr. 1970, no53, p. 11. − Le Roux 1752. − Lévy-Pinet 1894. − Noter-Léc. 1912. − Rigaud (A.). Le Galimatias technocratique. Vie Lang. 1967, pp. 598-599. − Timm. 1892. − Yam.-Kell. 1970. |