| ARGANEAU, subst. masc. A.− MAR. Gros anneau de fer placé à l'extrémité de la verge d'une ancre pour y étalinguer un câble. − P. anal., TRAV. PUBL. Gros anneau de fer scellé dans le mur d'un quai, et qui sert à amarrer les bateaux : 1. Pour les égouts de Paris, des arganeaux doivent être établis, de 25 en 25 mètres, dans les collecteurs et égouts à rails et disposés par paire, bien en face l'un de l'autre, afin que, en cas d'averse, les ouvriers puissent, en peu de temps, amarrer convenablement leurs wagons et leurs bateaux.
Chabat1881. B.− P. ext. ,,Anneau de fer placé au milieu de la chaîne qui joint entre eux les forçats suspects`` (F. Vidocq, Les Voleurs, 1836, p. 8) : 2. On lui mit à la jambe l'arganaux [sic] du forçat.
J.-J. Clémens, Écrits composés au bagne de Rochefort, t. 1, 1876, p. 445. PRONONC. ET ORTH. − 1. Forme phon. − Dernières transcriptions ds DG : àr-gà-nó, òr-gà-nó. 2. Forme graph. : Ac. 1798-1932, s.v. arganeau renvoie à organeau; cf. aussi Rob. ainsi que Littré, Guérin 1892 et DG. Quillet 1965 comme l'Ac. donne la préférence à organeau : ,,arganeau ou mieux organeau``. Pour Lar. 19e(et aussi Pt Lar. 1906) les 2 mots sont synon. Land. 1834 donne parallèlement arganeau ou organeau. Gattel 1841, Besch. 1845 et Lar. 19eenregistrent uniquement arganeau. Besch. 1845 fait la rem. suiv. : ,,On dit aussi organeau, et c'est même la forme que l'Acad. semble préférer. En 1636, Clairac, dans son ouvrage sur les Fermes et coutumes de la mer disait argan ou arganet (...). Malgré l'autorité de Desvocher et d'Aubin et nous pourrions ajouter, de l'Académie, c'est arganeau qu'il faut dire. Telle est entre autres l'opinion de M. Jal, chef de la section historique de la Marine. Organeau rappelle faussement par le son et par sa forme, les mots orgue et organe, avec lesquels il n'a aucun rapport. L'o initial ne peut qu'induire en erreur, et les marins instruits n'écriront pas autrement que arganeau.`` Cf. aussi Lar. 19e: ,,L'Académie et presque tous les dictionnaires renvoient à organeau, auquel, d'après l'étymologie et l'usage, arganeau paraît cependant préférable.`` À noter dans l'ex. 2 la forme arganaux au sing. ÉTYMOL. ET HIST. − 1382-84 argrenel « anneau de fer auquel est attaché un câble » (Ch. Bréard, Le Compte de Clos de Galées de Rouen au XIVes. [1382-84], Rouen 1893, p. 82 ds Vidos 1939, 209 sqq. : Item chevilles de fer pour tasseaulx de barges IX. Item argrenel); 1678 arganeau « anneau de l'ancre » (Guillet, Les Arts de l'homme d'épée, t. 3, p. 25 : Chaque ancre a son Arganeau, qui, d'ordinaire, est fourré d'une boudinure, pour conserver le câble qui y est talingué); 1740 (Trév. : Arganeau est aussi une petite chaîne que l'on met aux Galériens, seulement pour la forme, & qu'on appelle autrement alganon). [Contrairement aux indications de FEW t. 7 s.v. organum, ce dernier sens n'est pas attesté ds Trév. 1721].
Empr. prob. par l'intermédiaire du prov. arganèu ourganèu « organeau, puis anneau de fer auquel on passe un câble » (seulement ds Mistral) issu d'une forme diminutive (-ĕllu-) d'un b. lat. *arganum, lat. class. organum « instrument, outil », empr. au gr. ο
́
ρ
γ
α
ν
ο
ν « id. » Le changement de voyelle initiale remonte prob. au plur. gr. τ
α
̀
ο
́
ρ
γ
α
ν
α prononcé τ
α
́
ρ
γ
α
ν
α compris comme τ'α
́
ρ
γ
α
ν
α. L'évolution de sens « outil » > « anneau » est vraisemblable. L'explication du passage de org- à *arg- sous l'infl. d'un lat. médiév. argata (attesté au sens de annulus en 1349, Du Cange) qui représenterait le gr. ε
̓
ρ
γ
α
́
τ
η
ς « travailleur » (attesté au sens de « levier de serrage d'une vis », Biton [3es. av. J.-C.] Math., 110eds Bailly) paraît peu solide. L'hyp. de l'empr. d'arganeau au cat. arganell issu d'un croisement entre le cat. anell « anneau » et argolla « anneau de fer » (art; .), Vidos 1939, p. 209 fait difficulté car le cat. arganell ne paraît pas présenter le sens de « anneau » (Alc.-Moll.). L'hyp. d'après laquelle le fr. arganeau serait une forme métathétique pour *orengueau diminutif de *orenc (pour orin xves. « cordage qui attache une bouée à une ancre »), Barb. Misc. 2, 1925-28, p. 123, ne présente aucune base solide. BBG. − Barb.-Cad. 1963. − Barber. 1969. − Barb. Misc. 11 1932-35, pp. 144-145. − Bél. 1957. − Bouillet 1859. − Canada 1930. − Chabat t. 1 1875. − Dauzat Ling. fr. 1946, p. 298. − France 1907. − Gruss 1952. − Jal 1848. − Jossier 1881. − Larch. 1880. − Le Clère 1960. − Michel 1856. − Noël 1968. − Soé-Dup. 1906. − Timm. 1892. − Will. 1831. |