| ARCADE, subst. fém. A.− ARCHIT. Ouverture en arc. 1. Construction formée d'un arc de voûte soutenu par des piliers ou des colonnes : 1. Remontons-nous jusqu'au genre roman, qui nous voue directement au plein cintre? Préférons-nous le roman secondaire, où les arcades sont demi-circulaires, en fer à cheval, à anse à panier, où les portes, quoique en plein cintre, sont chargées d'ornements en zigzags, en câbles, en torsades, en étoiles?
Reybaud, Jérôme Paturot,1842, p. 241. Rem. Toutes les variétés de l'arc peuvent s'appliquer à l'arcade : arcade aiguë, moresque, surbaissée, etc. (cf. ex. 1 et arc II B 1). SYNT. Arcade aveugle. ,,Arcade dont l'ouverture est bouchée par le parement de la muraille, mais dont le profil d'archivolte forme saillie.`` (J. Adeline, Lex. des termes d'art, 1884); synon. arcade simulée, fausse arcade. Arcade feinte. Arcade simulée destinée à la décoration et établissant généralement la symétrie avec une arcade réelle (cf. arcature; A. Lenoir, Archit. monastique, t. 1, 1852, p. 274). Arcade géminée, arcade ternée. Ensemble de deux ou trois arcades s'inscrivant dans une plus grande. Synon. arcade inscrite (cf. Ch. Blanc, Gramm. des arts du dessin, 1876, p. 265). Clef d'arcades (Viollet-Le-Duc, Entretiens sur l'archit. t. 2, 1872, p. 148). 2. ARCHIT. RELIG. [Dans une église] Galerie en arc se trouvant soit de côté, soit dans l'abside ou la nef : 2. [L'architecture au Moyen Âge. Le Dôme de Vienne]. Les arcades inférieures de la nef sont à plein cintre; mais celles du deuxième étage, ainsi que les fenêtres, sont en arc aigu.
R. Ménard, Hist. des B.-A.,1882, p. 40. 3. Gén. au plur. Galerie ouverte servant de passage et bordant les rues de certaines villes. Synon. arcade continue.Grandes arcades, petites arcades; rues bordées d'arcades; les arcades de la rue de Rivoli : 3. C'est vraiment une ville bizarre et de grand caractère que La Rochelle, avec ses rues mêlées comme un labyrinthe et dont les trottoirs courent sous des galeries sans fin, des galeries à arcades comme celle de la rue de Rivoli, mais basses, ces galeries et ces arcades écrasées, mystérieuses, qui semblent construites et demeurées comme un décor de conspirateurs, le décor antique et saisissant des guerres d'autrefois, des guerres de religion héroïques et sauvages.
Maupassant, Contes et nouvelles,t. 1, L'Épave, 1886, p. 717. 4. Ah! Si Albertine avait vécu, qu'il eût été doux, les soirs où j'aurais dîné en ville, de lui donner rendez-vous dehors, sous les arcades!
Proust, Le Temps retrouvé,1922, p. 735. B.− P. ext. Tout ce qui présente une certaine analogie avec la forme d'une arcade. 1. Arcade de feuillage, de lumière... : 5. Alors je crois boire avec Izéphar le lait du coco sous l'arcade de figuiers; je m'imagine errer avec ma gazelle à travers les forêts de girofliers, d'acajous et de sandals.
Chateaubriand, Les Natchez,1826, p. 399. ♦ Arcade de verdure. Disposition naturelle en arcades des arbres d'une forêt (cf. Gozlan, Le Notaire de Chantilly, 1836, p. 96). − Poétique. Vertes arcades (pour arcades de verdure) (Bouilhet, Dernières chansons, L'Abbaye, 1869, p. 207; T. Gautier, Albertus, 1833, p. 150); aérienne arcade (pour désigner l'arc-en-ciel) (A. Pommier, Océanides et fantaisies, 1839, p. 95). 2. Au fig. Union symbolique de deux concepts, point de jonction : 6. Certains les voient l'une et l'autre [la vie et la matière], et tentent même d'en joindre les flancs par quelque passerelle philosophique. La jonction des deux cimes par une arcade théologique est si vertigineuse, que nul vivant n'a pu la franchir.
Philos., Relig., 1957, p. 3401. C.− Autres domaines techn.[P. réf. au sens A] 1. ANAT. Structure anatomique (aponévrose, os, artère, nerf...) en forme d'arcade. SYNT. Arcade alvéolaire (inférieure et supérieure). Ensemble des alvéoles dentaires, des bords inférieur et supérieur des maxillaires (cf. G. Gérard, Manuel d'anat. hum., 1912, p. 68). Arcade artérielle. Anastomose en forme d'arc unissant deux artères; arcade artérielle circo-thyroïdienne, exorénale, intermésentérique, sous-isthmique, etc. (G. Gérard, Manuel d'anat. hum., 1912, p. 266). Arcade crurale. Corde de fibres reliant l'épine iliaque inférieure au pubis; synon. arcade fémorale, arcade de Fallope (G. Gérard, Manuel d'anat. hum., 1912, p. 498). Arcade dentaire. Arc formé par l'ensemble des dents composant chaque maxillaire (inférieur et supérieur) (G. Gérard, Manuel d'anat. hum., 1912, p. 60). Arcade fibreuse. Ligament fibreux arqué où s'insèrent parfois les muscles (G. Gérard Manuel d'anat. hum., 1912, p. 166). Arcade orbitaire. Bord saillant supérieur et antérieur de l'orbite (G. Gérard, Manuel d'anat. hum., 1912, p. 33). Arcade palatine. ,,Nous nommons arcades palatines les deux branches osseuses intérieures. Elles sont elles-mêmes formées de deux parties : une antérieure, libre en devant, et articulée par trois points; en arrière, avec une branche osseuse qui se porte vers l'extrémité de la mâchoire inférieure en dedans de son articulation, et qui semble en faire la continuation; en dehors, avec l'os particulier qui l'unit à l'arcade maxillaire, et en dessus sur la base du crâne au-devant des orbites.`` (Cuvier, Leçons d'anat. comp., t. 3, 1805, p. 83). Arcade palmaire (profonde ou superficielle). Anastomose artérielle de la paume de la main entre l'artère radiale et l'artère palmaire profonde (arcade palmaire profonde); anastomose entre l'artère-cubitale et l'artère radio-palmaire (arcade palmaire superficielle) (cf. E. Perrier, Traité de zool., t. 4, 1893, p. 3052). Arcade plantaire. Courbure formée sous la plante des pieds par les veines et la terminaison de l'artère plantaire externe. Arcade pubienne. ,,Arcade osseuse formée par les branches ischio-pubiennes droite et gauche, délimitant un angle à sommet supérieur, au niveau de l'extrémité inférieure de la symphise pubienne.`` (Masson 1970). Arcade sourcilière. Légère saillie de l'os frontal au-dessus de l'arcade orbitaire suivant l'arc des sourcils (cf. R. Martin du Gard, Jean Barois, 1913, p. 303). Arcade temporale (cf. Cuvier, Leçons d'anat. comp., t. 3, 1805, p. 51). Arcade zygomatique. Pont osseux formé par l'apophyse zygomatique du temporal et l'os malaire ou zygoma (Cuvier, Leçons d'anat. comp., t. 2, 1805, p. 60). Rem. Parmi ces syntagmes techn., un seul arcade sourcilière est passé dans la lang. littér. et courante. On trouve parallèlement les expr. suiv. arcade des sourcils, des yeux, du front, ... et une création plais. arcade sourcil... leuse (Verlaine,
Œuvres posthumes, t. 1, Souvenirs, 1896, p. 203). 2. CONSTR. ,,Partie d'un balcon ou d'une rampe d'escalier disposée en fer à cheval`` (Lar. encyclop.). Rem. Attesté sous technol. ds Ac. Compl. 1842, Besch. 1845, Lar. 19e, Littré, Guérin 1892, Nouv. Lar. ill., Rob. 3. HIST. LITTÉR. Académie des Arcades ou des Arcadiens. Société de savants et de poètes fondée à Rome en 1690 par des écrivains qui se réunissaient autour de Christine de Suède (cf. Constant, Journaux intimes, 1805, p. 214). Rem. 1. Cette société a pris le nom, dep. 1925, de Institut d'études littér. et hist. 2. Attesté ds Besch. 1845, Lar. 19e, Guérin 1892, Nouv. Lar. ill., Quillet 1965. 4. HORTIC. Arcade de verdure. ,,Palissade formant une grande ouverture cintrée par le haut, percée jusqu'au sol ou arrêtée sur une charmille.`` (Besch. 1845). ♦ Tailler un arbre, une charmille en arcade : 7. Une grande allée droite, bordée de charmilles régulièrement et agréablement taillées en arcades, aboutissait à un grand escalier de marbre, cet escalier à un palais : Versailles, rien de moins.
Vigny, Mémoires inédits,1863, p. 163. 5. TECHNOLOGIE a) ,,Partie de la châsse d'une lunette qui embrasse le nez`` (Ac. Compl. 1842). Rem. Attesté également ds Besch. 1845, Lar. 19e, Littré, Guérin 1892, Nouv. Lar. ill., Rob., Lar. encyclop. b) TISS., PASSEMENTERIE − [Dans les métiers à tisser] ,,Corde à laquelle sont rattachées les lisses portant des fils qui ont même fonction.`` (DG; attesté aussi ds Besch. 1845). − Plus spéc. [Dans le métier Jacquard] ,,Ficelles fines et très solides, terminées par une boucle, qui servent à relier les fils de la chaîne aux crochets du métier Jacquard, de manière qu'ils soient alternativement soulevés ou baissés.`` (Quillet 1965); (cf. aussi P. Araud, Ch. Thomas, La Fabrication du drap, 1921, p. 20). c) Arcade de la selle. Partie en arc se trouvant en avant et en arrière de l'arçon. Rem. Attesté ds Lar. 19e, Guérin 1892, Nouv. Lar. ill. ♦ Arcade de l'arçon. Partie de l'arçon comprenant le pommeau et le troussequin. ♦ Arcade du troussequin (Vercel, Capitaine Conan,1934, p. 185). d) Pont d'une faucheuse. ,,Le pont [de la faucheuse] ou arcade est une pièce en fonte (...) dont les deux côtés formant arche sont percés à leur partie inférieure pour recevoir un axe (...) faisant corps avec le sabot intérieur.`` (T. Ballu, Machines agricoles,1933, p. 301). 6. TRAV. PUBL. Arche soutenant un viaduc ou une galerie : 8. Par moment, du rebord de l'arcade géante [arche d'un pont],
Un cavalier blessé perdant son point d'appui,
Un cheval effaré, tombait dans l'eau béante.
...
T. Gautier, Poésies,1872, p. 224. Rem. Attesté ds Lar. 19e-Lar. encyclop. D.− En arcade, loc. En forme d'arcade, voûté, courbé. (L'expression peut s'appliquer à tous les domaines étudiés plus haut). 1. ARCHIT. Cloître, cour, fenêtre, galerie, porte, portique en arcade(s) : 9. − Le château d'Amboise dominant toute la ville qui semble jetée à ses pieds comme un tas de petits cailloux au bas d'un rocher, a une noble et imposante figure de château-fort, avec ses grandes et grosses tours percées de longues fenêtres étroites, à plein cintre; sa galerie en arcade qui va de l'une à l'autre, et la couleur fauve de ses murs rendue plus sombre par les fleurs qui pendent d'en haut, comme un panache joyeux sur le front bronzé d'un vieux soudard.
Flaubert, Par les champs et par les grèves,1848, p. 175. − P. ext. Courbé en arcade : 10. Sous les myrtes courbés en arcades superbes,
Les jets d'eau frémissants montent comme des gerbes;
Bouilhet, Meleanis,Chant 2e, 1857, p. 51. 2. ANAT. Sourcils, vaisseaux en arcade (cf. Maupassant, Contes et nouvelles, t. 1, Une soirée, 1887, p. 583). PRONONC. : [aʀkad]. ÉTYMOL. ET HIST. − 1562 archit. « construction en forme d'arc reposant sur des piliers ou des colonnes » (Du Pinet, Pline, 31, 3 ds Quem. : On a fait des cornices et arcades pour conduire ceste eau jusques a Rome); 1572 « disposition en forme d'arc » cont. hortic. (R. Belleau, De la bergerie, La première journée, La Chasteté, éd. A. Gouverneur, t. 2, p. 69 : Là s'entendoit le celeste ramage Des oisillons volans, par le fueillage Des lauriers verds, en arcades plantes Et des peupliers aux cheveux argentez).
Soit empr. à l'ital. arcata (Wind, p. 20, Brunot t. 6, p. 1192; Kohl. p. 29; Sar p. 19) attesté dep. le milieu du xives. au sens « espace, distance à tir d'arc » (M. Villani [début xive-1363] 10-101; 1348 ds Batt.) et seulement dep. la 1remoitié du xviiies. comme terme d'architecture (S. Maffei 5 − 5 − 94 ds Batt.); ital. arcata, dér. de arco du lat. arcus (arc*) (en faveur de cette hyp. la date de l'empr. par le fr.; à son encontre la date tardive de l'attest. de arcata, archit.). Soit empr. à l'a. prov. arcada « arche » (FEW t. 1, p. 130b), 1372 ds Pansier, t. III; cf. lat. médiév. arcata « arche d'un pont » 1291, Avignon ds Du Cange t. 1, p. 359a. STAT. − Fréq. abs. littér. : 914. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 2 337, b) 1 246; xxes. : a) 742, b) 778. BBG. − Bach.-Dez. 1882. − Barb.-Cad. 1963. − Bél. 1957. − Bouillet 1859. − Canada 1930. − Chabat 1881. − Chesn. 1857. − Colas-Cab. 1968. − Jossier 1881. − Körting (G.) Neugriechisch und Romanisch. Berlin, 1896 [Cr. Risop (A.). Z. rom. Philol. 1897, t. 21, p. 552]. − Laborde 1872. − Lacr. 1963. − Littré-Robin 1865. − Marcel 1938. − Masson 1970. − Méd. Biol. t. 1 1970. − Noël 1968. − Noter-Léc. 1912. − Nysten 1824. − Privat-Foc. 1870. − Sar. 1920, p. 19. − Viollet 1875. − Wexler (P.-J.). La Formation du vocab. des ch. de fer en France (1778-1842). Genève-Lille, 1955, p. 77, 80, 127. |