| ANOMALIE, subst. fém. A.− Caractère anormal de quelque chose. 1. En partic. d'un comportement : 1. Aussi, par un de ces jeux effrayants auxquels se plaît parfois la nature, et qui prouvait l'anomalie de son existence, pouvait-il dès l'âge de quatorze ans émettre facilement des idées dont la profondeur ne m'a été révélée que long-temps après?
Balzac, Louis Lambert,1832, p. 14. − P. méton. Chose anomale ou anormale, exception à la règle : 2. L'hérédité de la pairie, monstrueuse anomalie dans l'ordre social actuel, ne sauroit avoir pour but ou que de flatter quelques vanités individuelles, et sous ce rapport elle seroit une insulte au reste de la nation; ...
Lamennais, L'Avenir,1830-1831, p. 314. 3. Prince venait de publier un roman, qui avait eu quelque succès; c'était une sorte de confession, où le jeune homme analysait un amour homosexuel, et faisait de l'anomalie de son héros une des grandes marques de l'époque.
Arland, L'Ordre,1929, p. 322. 2. P. ext. Bizarrerie, curiosité : 4. Dans ce prodigieux, cet inépuisable catalogue-raisonné-des-données-expérimentales, qui, mené à bien, devait aboutir à la certitude des certitudes, toutes les bizarreries, toutes les anomalies avaient leur place marquée, puisqu'elles étaient révélatrices à l'égal des phénomènes « normaux ».
Béguin, L'Âme romantique et le rêve,1939, p. 4. 3. LING., GRAMM. Irrégularité par rapport au système phonétique, morphologique, syntaxique, etc. de la langue (cf. Mar. Lex. 1951) : 5. Le français, qui nous semble si simple, est une langue très difficile, pleine de menus traquenards. Je connais des étrangers qui le parlent à merveille mais qui trébuchent encore devant l'emploi du si avec l'indicatif. Je suis prêt à les comprendre; c'est une anomalie de notre langue; l'étranger sent qu'il faudrait que suivît le subjonctif ou tout au moins le conditionnel.
Gide, Ainsi soit-il,1951, p. 1190. B.− Emploi sc. Écart par rapport à une norme ou un repère; mesure de cet écart. 1. ASTRON. Angle qui mesure un écart. Anomalie excentrique. ,,Angle formé au centre de l'ellipse par le grand axe et le rayon du cercle construit sur le grand axe et aboutissant à la perpendiculaire abaissée du lieu vrai sur cet axe.`` (Littré). Anomalie moyenne. ,,Distance à l'aphélie d'une planète fictive qui décrirait d'un mouvement uniforme le cercle circonscrit à l'ellipse.`` (Littré). Anomalie vraie. ,,Angle formé au centre du soleil par le rayon vecteur et le grand centre de l'ellipse : la différence entre l'anomalie vraie et l'anomalie moyenne donne l'équation du centre ou l'équation de l'orbite.`` (Bouillet 1859). 2. PHYS. ,,Différence entre une grandeur observée et la valeur qu'en donne une théorie.`` (Uv.-Chapman 1956). ,,Écart présenté par une substance à une loi, à une règle, notamment à l'additivité de la réfraction moléculaire.`` (Duval 1959). Rem. 1. Sur la vitalité de ce mot, qui sert de subst. à la fois à anomal et à anormal, cf. anormal rem. 2. On trouve chez un philosophe mod. l'adj. dér. anomalique « qui concerne les anomalies » (rad. de anomalie*; suff. -ique*; cf. psychologie/psychologique, typologie/typologique, etc.) : ,,... les travaux de Koehler, Wertheimer et Koffka permettent d'expliquer certaines constantes anomaliques de la perception.`` (Sartre, L'Imaginaire, 1940, p. 156). PRONONC. : [anɔmali]. Enq. : /anomali/. ÉTYMOL. ET HIST. − 1570 gramm. « caractère irrégulier » (Gentian Hervet, Cité de Dieu, 13, 11 ds Quem. : livre que Chrysippe a laissé de l'anomalie ou inequalite); 1690 astron. (Fur. : Anomalie ... signifie une irregularité apparente dans le mouvement des Planetes); 1751 (Encyclop. : ... Ce mot [anomalie], qui est purement grec, signifie proprement irrégularité; aussi sert-il à désigner le mouvement des planetes, qui comme l'on sait, n'est pas uniforme. L'anomalie est, pour ainsi dire, la loi des irrégularités de ce mouvement ... Dans l'Astronomie nouvelle, c'est le tems employé par une planete pour passer de son aphélie A, au point ou lieu I de son orbite); le mot ne possède que ces deux accept. jusqu'au xixes. où il s'étend à d'autres domaines techn. 1814 méd. (Nysten). L'ext. du mot à la lang. cour. est plus importante que celle de anomal*, parce qu'il sert de subst. à anormal*.
Empr. au lat. anomalia, terme de gramm. « id. » (Varron, Ling., 8, 23 ds TLL s.v., 121, 63), lui-même empr. au gr. α
̓
ν
ω
μ
α
λ
ι
́
α « inégalité, irrégularité ». STAT. − Fréq. abs. littér. : 234. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 249, b) 238; xxes. : a) 240, b) 510. BBG. − Bach.-Dez. 1882. − Baulig. 1956. − Bertr.-Lapie 1970. − Chesn. 1857. − Delc. t. 1 1926. − Duval 1959. − Foulq.-St-Jean 1962. − George 1970. − Goblot 1920. − Gramm. t. 1 1789. − Guyot 1953. − Lafon 1969. − Lal. 1968. − Littré-Robin 1865. − Mar. Lex. 1933. − Mar. Lex. 1961 [1951]. − Méd. Biol. t. 1 1970. − Muller 1966. − Noter-Léc. 1912. − Nysten 1824. − Pétrol. 1964. − Springh. 1962. − Uv.-Chapman 1956. |