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ANATHÈME, subst. masc.
I.− ANTIQ., à l'orig., dans les croyances anc.
A.− Offrande faite à une divinité :
1. ... il faut remarquer que les anciens donnaient le nom d'anathême à toutes les offrandes, mais principalement à celles qu'on suspendait aux piliers ou colonnes et aux voûtes des églises, comme des monumens de quelque grâce ou faveur particulière qu'on avait reçue du ciel. St-Edme, t. 1 1824, p. 328.
B.− Objet détruit ou victime immolée, offerts en expiation à une divinité :
2. On voit ici (...) pourquoi le mot anathème signifiait de même tout à la fois ce qui est offert à Dieu à titre de don, et ce qui est livré à sa vengeance... J. de Maistre, Éclaircissement sur les sacrifices,1821, p. 280.
II.− RELIG. CATH.
A.− Sentence de malédiction à l'encontre d'une doctrine ou d'une personne jugée hérétique; peine ecclésiastique qui consiste à retrancher publiquement quelqu'un pour cause d'hérésie de la communauté des fidèles, à l'excommunier en le maudissant :
3. Les commissaires firent leur rapport le 1erdécembre; ils incriminèrent dans la lettre d'Arnauld les deux points déjà indiqués : 1. celui de la prétendue orthodoxie de Jansénius, comme étant une proposition téméraire et injurieuse au Saint-Siége; 2. celui de la grâce qui aurait manqué à saint Pierre, comme étant une proposition déjà frappée d'anathème et hérétique. Ch.-A. Sainte-Beuve, Port-Royal,t. 2, 1842, p. 532.
4. Pie V avait donné de nombreuses bulles sur la agitatio taurorum, jusqu'à lancer l'anathème contre les toreros. Excommunication retirée par Grégoire XIII, mais rétablie par Sixte-Quint. H. de Montherlant, Les Bestiaires,1926, p. 513.
Rem. Frapper qqn d'anathème, frapper d'anathème une proposition; jeter, lancer l'anathème contre qqc. ou qqn, à qqc. ou qqn; prononcer un anathème, l'anathème contre qqn. Anathème!, anathème à, anathème sur (qqc. ou qqn)!
En partic. Anathème judiciaire, anathème abjuratoire; dire anathème à qqc. ou qqn :
5. On distingua deux sortes d'anathême : les judiciaires et les abjuratoires. Les judiciaires ne pouvaient être prononcés que par un concile, un pape, un évêque, ou quelque autre personne ayant juridiction à cet égard : les solennités qui l'accompagnaient étaient les mêmes que celles de l'excommunication. L'abjuratoire faisait ordinairement partie de l'abjuration d'un hérétique converti; on l'obligeait toujours d'anathématiser l'erreur à laquelle il renonçait. St-Edme, t. 1 1824, p. 327.
P. ext. Condamnation, réprobation énergique, blâme sévère à l'adresse d'une personne, d'un acte, d'une opinion, etc.; malédiction :
6. « Ne pas se faire montrer au doigt », voilà encore une loi terrible. Être montré au doigt, c'est le diminutif de l'anathème. Les petites villes, marais de commères, excellent dans cette malignité isolante, qui est la malédiction vue par le petit bout de la lorgnette. Les plus vaillants redoutent ce raca. On affronte la mitraille, on affronte l'ouragan, on recule devant MmePimbêche. V. Hugo, Les Travailleurs de la mer,1866, p. 120.
7. Fille à Boches! Espionne! Tu t'es vendue! Oui, tu nous as trahis, c'est toi qui as tué ton mari, mes deux frères! Et je te maudis, maudis, maudis! Le visage tiré, marbré, jauni de Fannie s'était décomposé. Elle avait reçu l'anathème en pleine face, comme un crachat. M. Van der Meersch, Invasion 14,1935, p. 259.
B.− P. méton. [En fonction d'attribut ou d'apostrophe] Personne frappée d'anathème. Qu'il soit anathème :
8. « Si quelqu'un dit qu'il ne peut y avoir de miracles (...), et que l'origine de la religion chrétienne n'est pas valablement prouvée par eux : qu'il soit anathème! Si quelqu'un dit qu'il peut se faire qu'on doive quelquefois, selon le progrès de la science, attribuer aux dogmes proposés par l'église un autre sens que celui qu'a entendu et qu'entend l'église : qu'il soit anathème! » R. Martin du Gard, Jean Barois,1913, p. 267.
Rem. Dans l'ex. suiv., le mot est employé comme adj., en parlant d'une pers. « qui est retranchée de la communion des fidèles, excommuniée » :
9. Car le moment de l'expulsion est arrivé. (...) Judas a déclaré solennellement qu'il n'en [le Christ] voulait pas et le moment est venu de l'éliminer. Cette bénédiction qui depuis des millénaires lui travaillait les entrailles, le moment est venu enfin pour toujours de s'en débarrasser. Non seulement condamné mais anathème. Il a blasphémé! Il ne peut plus rester avec nous! Qu'il sorte! Educ blasphemun, dit le lévitique XXIV, 14, extra castra. La tradition de Jésus-Christ à l'univers commence par cette extradition. C'est cette expulsion hors de la cité d'une âme, d'un animal expiatoire figurativement chargé de tous les péchés de la collectivité qu'avait pour but de représenter la cérémonie du bouc émissaire décrite dans le lévitique (ch. XVI). P. Claudel, Un Poète regarde la Croix,1938, p. 53.
P. méton. :
10. Du fond de ton cloître anathème, Parlais-tu comme ça, Nonne, à ce Français qui passa En te disant : « Je t'aime »? P.-J. Toulet, Vers inédits,1920, p. 125.
P. ext. Personne qui est objet d'exécration, de malédiction; qui est en marge de la société :
11. − Je ne me reproche rien. Ce que j'ai fait, je le ferais encore. Je me suis fait anathème pour la patrie. Je suis maudit. Je me suis mis hors l'humanité : je n'y rentrerai jamais. Non! la grande tâche n'est pas finie. A. France, Les Dieux ont soif,1912, p. 281.
Prononc. : [anatεm]. Passy 1914 et Barbeau-Rodhe 1930 notent encore une durée longue pour l'[ε] ouvert de la dernière syllabe du mot (cf. aussi Fér. 1768, Fér. Crit. t. 1 1787, Land. 1834, Littré et DG). Le mot est transcrit sans durée ds Dub., Pt Rob., Pt Lar. 1968 et Warn. 1968.
Étymol. ET HIST. − 1. 1174 « malédiction par laquelle l'Église retranche qqn de sa communauté » (G. de Pont-Sainte-Maxence, La Vie de Thomas le Martyr, éd. Hippeau, 2335 ds T.-L. : Les leis idunc escomenga E celui [...] qui ja mes les tendra, E desuz anatheme a toz dis conferma); 2. 1690 (Fur. : Anathème. Se dit aussi de celuy qui est excommunié par un Evêque ou un concile). Empr. au lat. chrét. anathema (empr. au gr. α ̓ ν α ́ θ η μ α) « offrande religieuse, victime expiatoire », puis « objet de malédiction » et, p. méton. « acte par lequel un être est frappé de malédiction »; « excommunication publique » attesté dep. Tertullien, Scorpiace 1 ds TLL s.v., 20, 39 au sens 1; au sens 2 dep. Tertullien, De ieiunio 1, ibid., 20, 48.
STAT. − Fréq. abs. litt. : 309. Fréq. rel. litt. : xixes. : a) 702, b) 404; xxes. : a) 395, b) 259.
BBG. − Archéol. chrét. 1924. − Bach.-Dez. 1882. − Bible 1912. − Bouillet 1859. − Bouyer 1963. − Dheilly 1964. − Foi t. 1 1968. − Laf. Suppl. 1878. − Marcel 1938. − Mat. Louis-Philippe 1951, p. 75. − St-Edme t. 1 1824. − Théol. bibl. 1970.