| ANANAS, subst. masc. A.− BOTANIQUE 1. Plante monocotylédone de la famille des Broméliacées, croissant dans les contrées chaudes de l'Asie, de l'Afrique, de l'Amérique, à feuilles radicales et pointues, bordées d'épines, ressemblant à celles de l'aloès : 1. Lui [ce genre épineux de végétaux] seul pourrait suffire aux principaux besoins de l'homme; car il lui donne des espèces de figues dans les pommes de raquettes, un fruit délicieux dans l'ananas, qui semble être une espèce d'aloès, et des fils de pite très forts dans les feuilles de l'aloès de la grande espèce. Ce genre est très répandu dans l'Amérique.
J.-H. Bernardin de Saint-Pierre, Harmonies de la nature,1814, p. 71. 2. L'Ananas est très-commun; cette plante croît avec une rapidité extraordinaire; elle n'est pas indigène, elle a été apportée de Java; les ananas de la côte de Bornéo sont d'un goût bien plus agréable que ceux de Java.
J.-S.-C. Dumont d'Urville, Voyage au Pôle Sud, t. 7, 1844, p. 124. 3. Les plantes grasses les plus invraisemblables fleurissaient en pleine terre. Les ananas et les goyaves mûrissaient auprès des oranges. Les colibris et les oiseaux de paradis étalaient en plein air les richesses de leur plumage. Enfin, la température même était aussi tropicale que la végétation.
J. Verne, Les Cinq cents millions de la Bégum,1879, p. 109. 4. La Broméliacée la plus importante est l'Ananas sativa, très cultivé aux Antilles et dans les îles Hawaï. Sa tige, haute de 50 cm, porte de longues feuilles raides, piquantes, et se termine par un épi de fleurs, placées chacune à l'aisselle d'une bractée violacée. L'ovaire y est infère et devient une baie. Toutes les baies de l'épi se soudent entre elles et aux bractées voisines en une masse charnue, succulente, sucrée, savoureuse, que surmonte un bouquet de petites feuilles. Cette masse pulpeuse est consommée sous le nom d'ananas.
Botanique,1960, p. 1189 (encyclopédie de la Pléiade). 2. P. ext. et plus fréq. Nom du fruit de cette plante, appelé encore pomme d'ananas ou pain de sucre, de forme conique, de couleur jaune orangé, très estimé pour sa chair utilisée en gastronomie (fraîche ou conservée, dans des salades, en confitures ou dans des pâtisseries) et pour son suc acidulé qui sert de boisson rafraîchissante : 5. ... des serviteurs attentifs arrivent chargés de ces vases consacrés à Bacchus, où un froid artificiel fait glacer à la fois le madère, le suc de la fraise et de l'ananas, liqueurs délicieuses, préparations divines, qui font couler dans les veines une fraîcheur ravissante, et portent dans tous les sens un bien-être inconnu aux profanes.
J.-A. Brillat-Savarin, Physiologie du goût,1825, p. 184. 6. − Vois un peu ces poissons, reprit Marcel (...). − Et là-bas, ces gros fruits dorés à cône, dont le feuillage ressemble à une panoplie de sabres sauvages, on appelle ça des ananas, c'est la pomme de reinette des tropiques.
H. Murger, Scènes de la vie de Bohème,1851, pp. 283-284. 7. Ma mère comptait beaucoup sur la salade d'ananas et de truffes. Mais l'ambassadeur, après avoir exercé un instant sur le mets la pénétration de son regard d'observateur, la mangea en restant entouré de discrétion diplomatique et ne nous livra pas sa pensée.
M. Proust, À la recherche du temps perdu,À l'ombre des jeunes filles en fleurs, 1918, p. 459. 8. C'est un goût délicieux d'ananas frais, un jeune goût un peu gai, enfantin, il mâche l'ananas, il broie sa douce élasticité fibreuse, quand est-ce que j'en ai mangé pour la dernière fois? J'ai aimé l'ananas, c'était comme du bois sans défense, écorcé; il mâche. Le jeune goût jaune de bois tendre remonte doucement du fond de sa gorge comme le lever hésitant du soleil, il s'épanouit sur la langue, il veut dire quelque chose, qu'est-ce qu'il veut dire, ce sirop de soleil?
J.-P. Sartre, La Mort dans l'âme,1949, p. 233. B.− Au fig. 1. [Dans des expr.] a) BOT. Ananas des bois. Nom vulgaire de la tillandsia (famille des Broméliacées) aux Antilles. Rem. Attesté ds Besch. 1845, Bouillet 1859, Lar. 19e, Gde Encyclop., Guérin 1892, Nouv. Lar. ill. b) HORTIC. Fraise ananas ou absol. ananas. Variété de fraise cultivée, caractérisée par sa grosse taille et son parfum prononcé rappelant celui de l'ananas. Rem. Attesté ds Besch. 1845, Bouillet 1859, Lar. 19e, Guérin 1892, Nouv. Lar. ill., DG, Lar. encyclop., Quillet 1965. c) PALÉONT. Ananas fossile. Fossile ayant quelque ressemblance avec l'ananas et considéré comme provenant d'une tête d'encrine. Rem. Attesté ds Besch. 1845, Lar. 19e, Guérin 1892. d) ZOOL. Ananas de mer. Nom vulgaire d'une espèce d'astrée. Rem. Attesté ds Besch. 1845, Bouillet 1859, Lar. 19e, 2. [Dans des emplois où des inanimés ou des pers. présentent une anal. avec l'ananas fruit (exostisme, fraîcheur, saveur, etc.) et plus rarement plante (ex. 10)] :
9. L'indienne versoit, en prononçant ces mots, des larmes religieuses, semblable à un délicieux ananas qui a perdu sa couronne, et dont le cœur exposé aux pluies se fond et s'écoule en eau.
F.-R. de Chateaubriand, Les Natchez,1826, p. 394. 10. Taine soutient que tous les hommes de talent sont des produits de leur milieu. Gautier et nous, soutenons le contraire, qu'ils sont des exceptions : « Où trouvez-vous la racine de l'exotique de Chateaubriand? C'est un ananas poussé dans une caserne! »
E. et J. de Goncourt, Journal,janv. 1866, pp. 237-238. 11. Quelle que soit l'affectivité qui colore un espace, qu'elle soit triste ou lourde, dès qu'elle est exprimée, poétiquement exprimée, la tristesse se tempère, la lourdeur s'allège. (...) Une preuve en passant : quand le poète me dit : « Je sais une tristesse à l'odeur d'ananas » je suis moins triste, je suis plus doucement triste.
G. Bachelard, La Poétique de l'espace,1957, p. 183. − Spéc., emploi adj. Qui présente une couleur semblable à celle de l'ananas, c'est-à-dire un jaune orangé ou doré : 12. ... nous avons à citer l'écharpe en tricot ananas, celle en barrège cachemire à raies turques encadrées d'un filet d'or (...) et celle bleu-ciel uni, brodée d'or et terminée par des pointes chinoises.
L'Observateur des modes,31 janv. 1823, p. 48. Prononc. − 1. Forme phon. : [anana] ou [-nas]. Passy 1914 accepte, pour la dernière syllabe de ce mot, la possibilité d'une prononc. avec [a] ant. et avec [ɑ] post. : [-na] et [-nɑ]; Barbeau-Rodhe 1930 : [-nɑ]; Warn. 1968 : [-na] (cf. aussi Fouché Prononc. 1959, p. 60, pour cette dernière transcription). Harrap's 1963 signale la possibilité d'une prononc. : [-nɑ] et [-nɑ:s]; Dub., Pt Rob. et Pt Lar. 1968 : [-na] ou [-nas]. 2. − Hist. − L'ensemble des dict. du xixes. transcrivent la syllabe finale de ce mot sans [s] et avec [ɑ] (cf. Gattel 1841, Fél. 1851, Littré et DG.) Étymol. ET HIST. − 1. 1544 amanat « fruit d'une plante de la famille des broméliacées » (Fonteneau, Cosmographie, éd. G. Musset, Paris, 1904, p. 413 ds Arv. 1963, p. 51 : Aussi y a eu icelle coste [du Brésil] ... une maniere d'aultres fruictz qui semblent a artichaulx, ung peu plus grandz, et s'appellent amanatz, et sentent si bon quant ilz sont murs, que la maison en sent toute); 2. 1555 nana (N. Barré, Copie de quelques lettres sur la navigation du chevalier de Villegagnon es terres de l'Amérique..., éd. Ternaux-Compans, Paris, 1840-41, pp. 109-110 ibid. : Oultre il y a deux sortes de fruicts merveilleusement bons : l'un qu'ils appellent Nana [au Brésil]...); 3. 1578 ananas (J. de Lery, Hist. d'un Voy. fait en la terre du Brésil ..., p. 120 ibid.. Semblablement la figure du fruict qu'ils nomment Ananas); 4. 1586 ananas (R. de Laudonnière, L'Hist. notable de la Floride, éd. P. Jannet, Paris, 1853, p. 63 ibid., p. 52 : ... quelques autres plus indiscrets s'estoient amusez a cueillir des ananas, par les iardinages des Indiens [à l'Ile Dominique]...).
1, 2 et 3 sont empr. au tupi-guarani naná, ananá, mais 1 a dû l'être par l'intermédiaire du port., Fonteneau ayant empr. d'autres mots au port. (voir almadie) et n'étant pas lui-même un colon. En raison de la localisation géogr., 4 est empr. au caraïbe anana. Voir Fried. 1960 p. 51; FEW t. 20, p. 56, s.v. anânâ; König 1939, pp. 14-15; Arv. 1963, pp. 50-54. STAT. − Fréq. abs. litt. : 80. BBG. − Ac. Gastr. 1962. − Arv. 1963, pp. 50-54. − Bél. 1957. − Boiss.8. − Bouillet 1859. − Boulan 1934, p. 116. − Brard 1838. − Colin 1971. − Comm. t. 1 1837. − Dumas 1965 [1873]. − Duval 1959. − Fromh.-King 1968. − Goug. Mots t. 1 1962, p. 101. − Hanse 1949. − Jourdain (É.). Le Vocabulaire du parler créole de la Martinique. Paris, 1956, p. 298. − Lar. comm. 1930. − Lar. mén. 1926. − Lasnet 1970. − Littré-Robin 1865. − Mont. 1967. − Nysten 1824. − Prév. 1755. − Privat-Foc. 1870. − Thomas 1956. |