| AMOLLIR, verbe trans. I.− Emploi trans. A.− [Le compl. d'obj. désigne une chose concr.] Rendre moins dur, plus malléable : 1. ... Ainsi une tendre colombe amollit d'abord dans son bec le froment qu'elle présente à ses petits.
F.-R. de Chateaubriand, Génie du christianisme,t. 2, 1803, p. 319. 2. − C'est ici notre grande averse de septembre qui balaye la moisson et qui amollit la terre pour le labourage.
P. Claudel, L'Otage,1911, I, 2, p. 239. B.− Au fig. [Le compl. d'obj. désigne une pers. ou une faculté humaine] 1. Rendre moins ferme, plus vulnérable : 3. Voulez-vous gouverner aisément les hommes, amollissez-les par la volupté. La vertu ne vous vaut rien, elle nourrit la force : épuisons-la plutôt par la corruption.
F.-R. de Lamennais, Les Paroles d'un croyant,1834, p. 140. − Emploi abs. : 4. « Soyons durs », proclamait Nietzsche. La femme amollit, la faiblesse est une tare. « Non, elle est une vertu. La force m'émeut quand elle se laisse vaincre par l'amour et la grâce ... »
M. Barrès, Mes Cahiers,t. 14, févr.-juill. 1922, p. 62. 2. Vieilli. Affaiblir, faire fléchir : 5. « Les français nous ont fait bien du tort par leur air engageant, par toutes leurs recherches en tout ce qui peut flatter les sens, et par l'art qu'ils ont naturellement d'amolir notre courage pour mieux exercer leur tyrannie ... »
L.-N. Baudry des Lozières, Voyage à la Louisiane,1802, p. 40. 6. Sois confiante en lui, il t'a donné son amour, il t'est resté fidèle, sur Dieu et sa parole, il est à toi pour la vie. Ne sois ni soupçonneuse, ni jalouse, et c'est à tes pieds qu'il viendra déposer cet or ... Pleure, pleure, n'espère pas m'amollir. Adieu! ...
P. Borel, Champavert,Three Fingered Jack, l'obi, 1833, p. 92. II.− Emploi pronom. A.− [Le suj. désigne une chose concr.] Devenir mou, moins ferme : 7. Et bientôt, machinalement, accablé par la morne journée et la perspective d'un triste lendemain, je portai à mes lèvres une cuillerée du thé où j'avais laissé s'amollir un morceau de madeleine.
M. Proust, À la recherche du temps perdu,Du côté de chez Swann, 1913, p. 45. − En partic. 1. MÉTÉOR. [En parlant du temps, du vent...] Vieilli (resté vivant au Canada : cf. Canada 1930). Devenir moins dur, s'adoucir, se calmer : 8. Enfin, au déclin du soleil, le vent s'amollit...
A. de Lamartine, Voyage en Orient,t. 1, 1835, p. 124. 9. Voilà enfin le temps qui semble s'amollir; je voudrais bien, cher ami, qu'il s'adoucît tout à fait, un peu pour moi, beaucoup pour vous.
J.-J. Ampère, Correspondance,Lettre de J.-J. A. à A. de T., 1855, p. 257. 2. PEINT. ou GRAV. [En parlant des contours d'une figure] Devenir moins net, s'estomper : 10. Passée la feuille du premier plan et la brique du mur, les tons commencent à s'embrumer, les contours à s'amollir...
A. Lhote, La Peinture, le cœur et l'esprit,1950, p. 223. B.− Au fig. Devenir moins ferme, s'affaiblir : 11. Quand son pied toucha le sol, sa démarche s'amollit tout à coup et se fit si lente qu'elle mit trois minutes à descendre en scène, à pas menus d'une indolence scandée, avec des moues de tout le corps.
J. Péladan, Le Vice suprême,1884, p. 212. 12. Tout est paradoxal chez l'homme, on le sait bien. On assure le pain de celui-là pour lui permettre de créer et il s'endort, le conquérant victorieux s'amollit, le généreux, si on l'enrichit, devient ladre. Que nous importent les doctrines politiques qui prétendent épanouir les hommes, si nous ne connaissons d'abord quel type d'homme elles épanouiront.
A. de Saint-Exupéry, Terre des hommes,1939, p. 244. − P. ext. Fléchir, s'attendrir : 13. L'aînée de ces tantes s'appelait Mllede Lamartine. C'était une nature angélique plus que féminine, elle avait été la favorite de sa mère, la reine de la maison sous ma grand'mère, qui ne s'amollissait que pour elle, la tutrice de ses sœurs plus jeunes, la médiatrice de ses frères; tout le monde l'adorait.
A. de Lamartine, Nouvelles Confidences,1851, p. 67. Prononc. ET ORTH. : [amɔli:ʀ], j'amollis [ʒamɔli]. On trouve anciennement la graph. amolir avec un seul l (cf. ex. 5). Étymol. ET HIST. − 1. Ca 1170 trans. fig. « rendre moins ferme, affaiblir, efféminer » (Job ds Rois, p. 452 ds DG : Ke la chars ... ne l'amolisset a luxure); 2. fin xiiies. intrans. au propre « devenir mou, moins résistant (notamment en parlant de l'action de l'eau sur la pierre) » (Sone de Nansay, éd. M. Goldschmidt, 4616 ds T.-L. : li dure piere amoli).
Dér. de l'a.fr. mol (mou*); préf. a1*, dés. -ir. STAT. − Fréq. abs. litt. : 258. Fréq. rel. litt. : xixes. : a) 368, b) 516; xxes. : a) 402, b) 263. BBG. − Bailly (R.) 1969 [1946]. − Bar 1960. − Bél. 1957. − Bénac 1956. − Boiss.8. − Canada 1930. − Dup. 1961. − Fér. 1768. − Guizot 1864. − Hanse 1949. − Laf. 1878. − Laf. Suppl. 1878. − Lav. Diffic. 1846. − Noter-Léc. 1912. − Sardou 1877. − Sommer 1882. |