| AMBITION, subst. fém. A.− Gén. péj. Recherche immodérée de la domination et des honneurs. Ambition démesurée, avoir de l'ambition : 1. Il a donc sacrifié à sa gloriole, à son ambition, à sa soif de commander, le salut de la capitale, le salut des provinces, le salut du royaume.
Marat, Les Pamphlets,Dénonciation contre Necker, 1790, p. 83. 2. ... j'aurais besoin, pour être au niveau du commun des hommes, d'être excité par quelque passion sociale, par l'ambition ou le désir constant de m'élever à de grandes places; par l'émulation et le désir de briller dans une assemblée, d'y influer, d'acquérir une réputation etc... Mais mon organisation, mes habitudes, mon caractère mol et efféminé, ma timidité, ma paresse excluent cette sorte de passion.
Maine de Biran, Journal,1815, p. 37. 3. Tu vois comme tu es! Toujours à répondre frivolement. Et pis que frivolement. « Couper à quelque chose » : voilà toute votre ambition, à vous autres garçons de 1940. gillou. − Moi, j'ai de l'ambition!
georges. − Tu me disais l'autre jour : « je n'ai pas d'ambitions ».
gillou. − Ah oui! C'est vrai. − Alors, tu veux que je te parle sérieusement.
H. de Montherlant, Fils de personne,1943, II, 4, p. 306. Rem. Autres syntagmes. 1. Ambition sans bornes, ambition effrénée, ambition exagérée, ambition sans freins, ambition illimitée, ambition insatiable, ambition sans mesure, ambition prométhéenne, ambition titanique. 2. Borner son ambition à, brûler d'ambition, caresser des ambitions, être dévoré d'ambition, être enivré d'ambition, être rongé d'ambition, satisfaire son ambition. − Spécialement ♦ P. méton. Les ambitieux : 4. L'ambition, et généralement toute forme de l'instinct de puissance, est constamment tentée d'abuser de ses moyens pour atteindre plus sûrement ses buts. Mais on ne saurait lui reprocher que cette faiblesse et non, comme l'on blâme la maigre vertu des pusillanimes, la force vitale qui est en elle.
E. Mounier, Traité du caractère,1946, p. 563. ♦ PSYCHIATRIE : 5. L'ambition, considérée sous son aspect morbide, traduit les aspirations du vaniteux et de l'orgueilleux à la réalisation d'un projet flatteur. (...) Elle accompagne la tendance euphorique dans certains états comme la manie aiguë et devient un élément dominant du délire (délire ambitieux) dans les psychoses avec mégalomanie (paralysie générale, paranoïa expansive).
Porot1960. ♦ THÉOL. MORALE. ,,Péché par lequel on recherche l'honneur d'une manière déréglée, soit qu'on ne le mérite pas, soit qu'on ne le rapporte pas à Dieu, mais uniquement à son avantage personnel.`` (Théol. cath. t. 1, 1 1909). B.− Désir d'accomplir, de réaliser une grande chose, en y engageant sa fierté, son honneur. Synon. idéal, aspiration. 1. Emploi abs. : 6. La corruption qui naît de vues ambitieuses est bien moins funeste que celle qui résulte de calculs ignobles. L'ambition est compatible avec mille qualités généreuses, la probité, le courage, le désintéressement, l'indépendance : l'avarice ne saurait exister avec aucune de ces qualités. L'on ne peut écarter des emplois les hommes ambitieux : écartons-en du moins les hommes avides...
B. Constant, Principes de politique,1815, p. 52. 7. Ces heures du soir, il les doit à sa jeune femme, qu'il n'a pas vue de tout le jour. Il sent la médiocrité l'envahir; mais qu'y faire? Il ne lutte plus; se sacrifie, replie au fond de lui ses ambitions, ses rêves, ses espoirs, tout ce qui compromettrait cette félicité ménagère.
A. Gide, Journal,1927, p. 850. 8. Dans ma cellule il m'avait interrogé sur mes origines, mes aspirations, mes ambitions. Cette fois, il m'entretint de lui-même, et avec une liberté, une spontanéité dont je suis encore abasourdi quand j'y repense.
A. Billy, Introïbo,1939, p. 64. 2. Avec un adj. mélioratif. Ambition généreuse, grande ambition, ambition héroïque, ambition légitime, ambition louable : 9. « Du reste, cette même femme, à laquelle on eût si difficilement arraché un écu, disait l'empereur, eût tout donné pour préparer mon retour de l'île d'Elbe; et après Waterloo elle m'eût remis entre les mains tout ce qu'elle possédait pour aider à rétablir mes affaires : elle me l'a offert; elle se fût condamnée au pain noir sans murmure.
C'est que chez elle le grand l'emportait encore sur le petit : la fierté, la noble ambition marchait chez elle avant l'avarice.»
E.-D. de Las Cases, Le Mémorial de Sainte-Hélène, t. 1,1823, pp. 633-634. 3. Ambition de + inf.Désir vif de : 10. ... mais aussi l'action humaine a pour inévitable ambition d'atteindre et d'employer, de définir et de réaliser en elle cette idée de la perfection.
M. Blondel, L'action,1893, p. 354. 11. L'enfant a cette ambition d'être un homme; il ne faut point le tromper; encore moins lui donner à choisir dans ce qu'il ignore.
Alain, Propos,1925, p. 658. C.− Spéc. Ardeur dans l'action. 1. Région. (Canada). Ardeur, ténacité. ,,Un cheval qui a de l'ambition (= cheval ardent).`` (Canada 1930). − ,,Être à l'ambition, travailler d'ambition : (rivaliser, travailler avec ardeur, avec ténacité).`` (Canada1930). 2. ESCR. Tirer d'ambition. Tirer avec ardeur et volonté de toucher l'adversaire : 12. [Dans un assaut de fleuret] il ne s'agit pas de nier la botte, on vous accuserait de tirer d'ambition ce qui ne doit pas avoir lieu dans un amusement.
L. Vidal, J. Delmart, La Caserne, mœurs militaires,1833, p. 119. Prononc. : [ɑ
̃bisjɔ
̃]. Même notation que pour ambitieux ds Passy 1914. Étymol. ET HIST. − 1279 « désir passionné des honneurs, des dignités » (Laur., Somme, ms. Troyes, fo8 vods Gdf. Compl. : La quarte brance d'orguil est fole baierie, que on appelle en clergie ambicion). Ordinairement plutôt en mauvaise part. Ac. 1694 note ,,se prend quelquefois en bonne part, et on s'en sert pour exprimer un juste désir de faire de grandes actions qui soient dignes d'honneur``.
Empr. du lat. ambitio attesté dep. Plaute, Trin., 1033 ds TLL s.v., 1852, 25 au sens de « démarche des candidats pour solliciter les suffrages » d'où « désir des honneurs », également ds Plaute, Amph., 76, ibid., 1852, 84. STAT. − Fréq. abs. litt. : 3 492. Fréq. rel. litt. : xixes. : a) 6 478, b) 4 644; xxes. : a) 3 908, b) 4 484. BBG. − Bach.-Dez. 1882. − Bailly (R.) 1969 [1946]. − Bar 1960. − Bél. 1957. − Bénac 1956. − Canada 1930. − Daire 1759. − Divin. 1964. − Dup. 1961. − Fér. 1768. − Georgin (R.). Le Français au Canada. Déf. Lang. fr. 1969, no47, p. 44. − Lacr. 1963. − Lav. Diffic. 1846. − Marcel 1938. − Mat. Louis-Philippe. 1951, p. 105. − Noter-Léc. 1912. − Pol. 1868. − Porot 1960. − Sill. 1965. − Théol cath. t. 1, 1 1909. |