| AMBASSADEUR, DRICE, subst. et adj. A.− DIPLOMATIE 1. Subst. masc. Agent diplomatique, chef d'ambassade (cf. ambassade A 1, 2), représentant officiellement et généralement en permanence un État dans un État étranger souverain : 1. Les ambassadeurs et envoyés des puissances étrangères doivent, en se conformant aux lois, jouir auprès de la nation où ils résident, des honneurs attachés au caractère public dont ils sont revêtus, et auquel la guerre même ne peut porter atteinte.
L.-G.-A. de Bonald, Législation primitive,t. 2, 1802, pp. 101-102. 2. Chateaubriand jeta bientôt un sourire de dédain sur sa gloire littéraire et ne rêva que places, dignités, grandeurs. Il fut pair, conseiller d'état, ambassadeur à Berlin, ambassadeur à Londres; il vient d'être nommé ministre extraordinaire du congrès de Vienne. Le voilà au faîte des grandeurs.
Ch.-J. de Chênedollé, Extraits du journal,1822, p. 110. 3. À pénétrer dans la vie intime de ces ambassades, de ces légations, on perçoit vite le peu de franchise, le peu de loyauté qui existe dans les rapports de ces ambassadeurs, de ces chargés d'affaires avec leurs secrétaires, avec leurs attachés. Il y a toujours, dans les rapports, quelque apparence bon enfant qu'ils aient, un petit fond de dissimulation particulière à la carrière : ils sont toujours un peu diplomates entre eux.
E. et J. de Goncourt, Journal,août 1872, pp. 912-913. 4. La carrière diplomatique m'eût agréé pour la considération dont elle est entourée; l'espoir de devenir ambassadeur et de représenter mon pays dans les cours étrangères m'eût souri. Je caressai ces ambitions, mais uniquement pour me rire de mon pauvre moi; ...
A. France, La Vie en fleur,1922, p. 438. 5. Mais, à Londres, restait, tout de même, installé dans l'immeuble de l'Ambassade de France, un consul qui communiquait avec la Métropole, tandis que M. Dupuis, consul-général du Canada, demeurait auprès du Maréchal et que l'Union Sud-Africaine y laissait son représentant. Surtout, on pouvait voir s'assembler à Vichy, autour de Mgr Valeri Nonce du Pape, de M. Bogomolov Ambassadeur de l'Union Soviétique, bientôt de l'amiral Leahy Ambassadeur des États-Unis, un corps diplomatique imposant.
Ch. de Gaulle, Mémoires de guerre,L'Appel, 1954, p. 73. Rem. Ambassadeur, ministre, chargé d'affaires, consul, légat, nonce, envoyé, député. L'ambassadeur se distingue du ministre accrédité auprès d'un État mineur, du chargé d'affaires qui remplace l'ambassadeur absent ou non encore accrédité, du consul qui défend les intérêts des compatriotes à l'étranger, du légat ou ambassadeur extraordinaire du Vatican, du nonce ou ambassadeur ordinaire du Vatican, de l'envoyé qui accomplit une mission temporaire au nom de quiconque et auprès de quiconque − sans qualité représentative ni pleins pouvoirs, du député qui est envoyé avec un mandat particulier par une corporation, etc. auprès d'une autorité quelconque. − Syntagmes fréq. a) Subst. + adj.ambassadeur ordinaire, ambassadeur permanent fixé dans un État étranger pour régler les affaires ordinaires de l'État dont il a reçu mandat; ambassadeur extraordinaire ou ambassadeur (vieilli), ambassadeur chargé d'une mission temporaire à l'occasion d'une affaire particulière : 6. Quelques jours après, il envoya même une grande ambassade pour témoigner solennellement de ses dispositions pacifiques. Les ambassadeurs furent admis au conseil. On écouta l'évêque d'Arras, qui parla au nom de son maître; mais il ne persuada personne.
P. de Barante, Hist. des ducs de Bourgogne,t. 3, 1821-1824, p. 381. 7. L'usage est, à la mort d'un pape, d'envoyer un ambassadeur extraordinaire, ou d'accréditer l'ambassadeur résidant par de nouvelles lettres auprès du Sacré Collège.
F.-R. de Chateaubriand, Mémoires d'Outre-Tombe, t. 3, 1848, p. 483. b) Subst. + subst.ambassadeur de France (cf. Barr. 1967), titre conféré à certains ministres plénipotentiaires qui sont ou ont été chargés temporairement des fonctions d'ambassadeur; (péj.) pas d'ambassadeur, allure compassée : 8. ... il [l'étranger] semblait habitué à l'allure noble qu'on appelle ironiquement un pas d'ambassadeur ...
H. de Balzac, Gambara,1837, p. 37. 2. Subst. fém. a) Rare. Femme ayant même titre et même fonction qu'un ambassadeur : 9. L'histoire cite une ou deux femmes qui, sans que leurs maris fussent ambassadeurs, ont été personnellement ambassadrices. Ainsi Renée Du Bec, veuve du maréchal de Guébriant, fut chargée, en 1645, avec le titre d'ambassadrice extraordinaire, de conduire au roi Vladislas de Pologne la princesse Marie-Louise de Gonzague, que ce prince avait épousée à Paris par procureur. La mère du duc, depuis maréchal de Richelieu, remplit des fonctions de même nature, mais sans le titre public et formel d'ambassadrice.
Bach.-Dez.1882, s.v. ambassadeur. Rem. Attesté de St-Edme t. 1 1824, Besch. 1845, DG, Lar. encyclop., Quillet 1965. b) Épouse de l'ambassadeur : 10. Les Genevois ne sont pas aimables. Dans un mois nous serons à Genève. Je ne sais pas quelles folies anti-diplomatiques tu crains que je n'y fasse. Tout ce que je puis te dire, c'est qu'ils mettent leur amour-propre à ne pas prononcer une seule fois le nom d'ambassadrice, et que M. de Staël, Mmede Staël sont sans cesse nommés en mangeant presque le de.
G. de Staël, Lettres de jeunesse,1790, p. 375. 11. ... comptons les saluts de l'ambassadeur. Un salut par seconde, c'est-à-dire soixante par minute, trois mille six cents par heure, quatorze mille pour une soirée de quatre heures. Il a deux cent cinquante mille francs par an, je trouve qu'il les gagne. (...). Plongeon à droite, plongeon à gauche, l'ambassadrice et sa fille à l'entrée du second salon font comme lui. Si jamais je deviens ambassadeur, mon secrétaire général et plusieurs de mes attachés devront avoir cinq pieds six pouces, (...). Trois d'entre eux seront toujours autour de moi dans les réceptions, et leurs femmes autour de ma femme; cela fera rempart.
H. Taine, Notes sur Paris,Vie et opinions de Monsieur Frédéric-Thomas Graindorge, 1867, pp. 128-129. B.− Au fig. 1. Subst. (masc., plus rarement fém.) a) Lang. cour. ou littér. − [En parlant d'une pers.] Celui, celle qui est chargé(e) par un particulier d'une mission, d'une démarche quelconque ou qui représente simplement une autre personne, une collectivité, une valeur : 12. Un jeune homme vient de la part d'un bas-bleu qui veut me connaître. Cet ambassadeur me déclare qu'il ne se serait pas chargé d'une démarche aussi ridicule si la lecture toute récente du Désespéré ne lui avait donné à lui-même le désir de me voir.
L. Bloy, Journal,1907, p. 340. 13. Madame de Noailles était tenue, à l'étranger, pour l'écrivain et la maîtresse de maison les plus en évidence. Hugo Von Hofmannsthal, venu quelques années avant la guerre à Paris, comme ambassadeur de la jeunesse artistique avancée d'Outre-Rhin, fit sa première visite à notre amie, qui l'invita à certain dîner où elle lui ferait connaître nos génies ...
J.-E. Blanche, Mes modèles,1928, p. 59. 14. Ce rôle d'ambassadrice de la beauté la harassait [Amère Suzon]. « J'en ai assez de représenter Vénus à tous les bals de l'École de Médecine ... »
J. Cocteau, La Fin du Potomak,1940, p. 174. 15. Ma civilisation a cherché à faire de chaque homme l'ambassadeur d'un même prince. Elle a considéré l'individu comme chemin ou message de plus grand que lui-même, (...). Le savant devait le respect au soutier lui-même, car à travers le soutier il respectait Dieu, dont le soutier était aussi l'ambassadeur. Quelles que fussent la valeur de l'un et la médiocrité de l'autre, aucun homme ne pouvait prétendre en réduire un autre en esclavage. On n'humilie pas un ambassadeur. Mais ce respect de l'homme n'entraînait pas la prosternation dégradante devant la médiocrité de l'individu, devant la bêtise ou l'ignorance, puisque d'abord était honorée cette qualité d'ambassadeur de Dieu. Ainsi l'amour de Dieu fondait-il, entre hommes, des relations nobles, les affaires se traitant d'ambassadeur à ambassadeur, au-dessus de la qualité des individus.
A. de Saint-Exupéry, Pilote de guerre,1942, pp. 373-375. − Plus rarement. [En parlant d'un animal, d'une chose concr. ou abstr.] Ce qui porte un message de la part d'une chose personnifiée, ce qui en annonce la venue : 16. Dans une de ses débauches d'imagination, Rivarol disait que l'on pouvait croire que plusieurs dieux placés à des distances immenses dans l'espace trouvaient des plaisirs dignes d'eux à conduire, à agiter, à rouler les mondes et que les comètes étaient les ambassadeurs au moyen desquels ils communiquaient à travers les immensités de l'espace.
Ch.-J. de Chênedollé, Extraits du journal,1833, p. 178. 17. Cris joyeux et battements d'ailes
Qui mettent le ciel en gaîté,
C'est le retour des hirondelles,
Et c'est le retour de l'été.
...
Pourvu que les propriétaires
N'augmentent pas en même temps
Que tous leurs autres locataires
L'ambassadrice du printemps.
H. Murger, Les Nuits d'hiver,Printanière, 1861, p. 89. 18. 8 décembre. − Ce jour qui devait être comme tous les jours que Dieu fait, avec un soleil triomphant au sommet d'un ciel bleu, ce jour est en réalité un jour vêtu de noir (...) un messager de deuil, un des ambassadeurs voilés et masqués que le destin nous envoie avec je ne sais quelles terribles lettres de créance dans les mains.
J. Green, Journal,1941, pp. 176-177. b) Lang. fam., arg. Commis-voyageur (cf. G. Delesalle, Dict. argot-français et français-argot, 1896, p. 10; Bruant 1901, p. 117). Proxénète (cf. A. Delvau, Dict. de la langue verte, 1866, p. 8; L. Rigaud, Dict. du jargon parisien, L'Argot ancien et moderne, 1878, p. 9; Larch. Suppl. 1880; Bruant 1901, p. 200; Esn. 1966 et Ch.-L. Carabelli, [Langue populaire]). Cordonnier (cf. A. Pierre, Argot et jargon, 1848, col. 1; A. Delvau, Dict. de la langue verte, 1866, p. 8; Larch. Suppl. 1880; Bruant 1901, p. 126; Esn. 1966 et Ch.-L. Carabelli, [Langue populaire]). 2. Except., adj. Qui transmet un message, annonce un événement : 19. Et la mort! Pavoisez les balcons de draps pâles,
Les cloches! Car voici que des rideaux s'exhale
La procession du beau cygne ambassadeur
Qui mène Lohengrin au pays des candeurs!
J. Laforgue, L'Initiation de Notre-Dame la lune, Les Linges, le cygne, 1886, p. 265. 20. Depuis le jour où tu sortis des entrailles ambassadrices d'une vierge, tu as failli à tes engagements, menti à tes promesses; des siècles ont sangloté, en t'attendant, Dieu fuyard, Dieu muet!
J.-K. Huysmans, Là-bas,t. 2, 1891, p. 164. Prononc. : [ɑ
̃basadœ:ʀ], fém. [-dʀis]. Passy 1914 note une durée mi-longue pour la 1reet la 3esyllabe du mot. Étymol. ET HIST.
I.− Début xives. 1. Embassator « envoyé en mission auprès d'un gouvernement étranger » (Aimé du Mont Cassin, Ystoire de li Normant, Champollion ds Quem. t. 1 1959 : embassator por lo pape); 1366 ambassadeur « id. » (Récit d'un Bourgeois de Valenciennes, 253, Kervyn, ibid. : Et l'escusa le roy aux ambassadeurs); 2. 1584 « porteur d'un message » ambassadeur d'amour « proxénète » (Fr. d'Ambroise, Les Néapolitaines ds Anc. Th. fr., VIII, 259 ds Ch.-L. Livet, Lexique de la lang. de Molière, Paris, Imprimerie Nationale, t. 1, 1895, p. 101 : ... Et m'appellent d'un nom qu'ils estiment vif et deshonneste : c'est un faiseur de messaiges, un ambassadeur d'amour, un poisson d'avril : et par là ils me mesprisent).
II.− Fin xvies. 1. Embasciatrice « épouse d'un ambassadeur » (Mémoires de La Huguerye I, p. 7, SHF ds Fr. mod., t. 4, 1936, p. 336 : Je party de Rome... et m'embarquay... en la galère de l'embasciatrice d'Espagne); 2. 1694 (Ac., s.v. ambassadrice : « dame envoyée en ambassade » cf. Voltaire, Siècle de Louis XIV en 1751 ds Dict. hist. Ac. fr., s.v. ambassadrice : La maréchale de Guebriant, la seule femme qui ait jamais eu le titre et fait les fonctions d'ambassadrice plénipotentiaire); 3. 1651 « femme chargée de quelque message » (Scarron, Roman comique II, 19, ibid., s.v. ambassadrice : Il embrassa avec emportement la bienheureuse ambassadrice).
I empr. à l'ital. ambasciatore attesté au sens 1 dep. le xiiies. (G. Fava, V, 63.-2 ds Batt. t. 1 1961) lui-même empr. à l'a. prov. ambayssador (attest. seulement début xives. V. de S. Honorat ds Rayn. t. 1. 2, p. 70 : Ar mandan Viennes per tot ambayssadors Que queran lo cors sanct) de même orig. que l'a. prov. ambayssada (ambassade*); les formes ambasseor 1262-1268 Brunetto Latini, ambasaor, 1299 Marco Polo, ambasseurs, xives. ds Gdf. sont des adaptations plus francisées de l'ital.; cf. lat. médiév. ambasciator très bien attesté dans le domaine ital. du nord au sens de « envoyé d'une cité » dep. la fin du xiies., cf. Constitutiones imperatorum et regum, II, 179 ds Mittellat. W. s.v., 541, 35 : per rectores et ambassatores quarundam ex civitatibus Lombardie. II, étant donné la forme de la 1reattest., plutôt empr. à l'ital. embasciatrice, cf. la forme embasciata qui renvoie à imbasciata (Batt. t. 1 1961) que dér. par suff. -trice de ambassadeur. L'ital. imbasciatrice est attesté dep. 1552 (Burchiello 1-70 ds Tomm.-Bell. 1929), et la forme ambasciatrice dep. le début xviies. (G. Bentivoglio, Lettere diplomatiche, ibid.). STAT. − Fréq. abs. litt. : 1 594. Fréq. rel. litt. : xixes. : a) 3 672, b) 1 309; xxes. : a) 1 180, b) 2 232. BBG. − Ac. Gastr. 1962. − Aquist. 1966. − Bach.-Dez. 1882. − Bailly (R.) 1969 [1946]. − Bar 1960. − Barr. 1967. − Bél. 1957. − Bénac 1956. − Bible 1912. − Blanche 1857. − Bonnaire 1835. − Bouillet 1859. − Cap. 1936. − Daire 1759. − Dup. 1961. − Esn. 1966. − Gall. 1955, p. 90. − Goug. Mots t. 1 1962, p. 298. − Gramm. t. 1 1789. − Guizot 1864. − Hanse 1949. − Haschke (F.). Die Sprache Richelieus nach seinem Briefwechsel. Leipzig, 1934, 171 p. [Cr. Barbier (P.). Proceedings of the Leeds philosophical and literary society. 1932-35, t. 3, p. 255]. − Kold. 1902 (s.v. ambassade). − Lacr. 1963. − Laf. 1878. − Larch. Suppl. 1880. − Lasnet 1970. − Lav. Diffic. 1846. − Le Roux 1752. − Marcel 1938. − Mét. 1955. − Noter-léc. 1912. − Pissot 1803. − Prév. 1755. − Rigaud (A.). Les Esclaves affranchis. Déf. Lang. fr. 1966, no31, p. 13. − Sardou 1877. − Sitzungen der Berliner Gesellschaft für das Studium der neueren Sprachen. Arch. St. n. Spr. 1876, t. 56, p. 422. − Sommer 1882. − Spr. 1967. − St-Edme t. 1 1824. − Synon. 1818. |