| AMALGAME, subst. masc. A.− CHIMIE 1. ,,Alliage de mercure avec un autre métal.`` (Bader-Th. 1962) : 1. Après une certaine longueur de passage sur le mercure, on rejette le stérile, et l'on traite l'amalgame pour retirer l'or.
J.-N. Haton de La Goupillière, Cours d'exploitation des mines,1905, p. 457. 2. Le mercure possède la propriété d'attaquer les métaux ou leurs composés, sauf le fer et le platine, pour former des alliages que l'on appelle amalgames...
A.-M. Villon, Dessinateur et imprimeur lithographe,1932, p. 302 (encyclopédie Roret). 2. Alliage d'autres métaux entre eux : 3. La rude pierre marine, diversement colorée, ici par la décomposition des amalgames métalliques mêlés à la roche, là par la moisissure, étalait par places des pourpres affreuses, des verdissements suspects, des éclaboussures vermeilles, éveillant une idée de meurtre et d'extermination.
V. Hugo, Les Travailleurs de la mer,1866, p. 252. − Spéc., ART DENT. Amalgame d'argent-étain ou amalgame. Employé pour l'obturation des cavités dentaires. Rem. Cf. Chesn. 1857; attesté ds Lar. 19e-Lar. encyclop., Rob. et Rob. Suppl. 1970. B.− P. ext. 1. ART CULIN. Mélange d'ingrédients : 4. La fécule produit plus vite et plus sûrement son effet quand elle est unie au sucre : le sucre et la graisse contiennent l'hydrogène, principe qui leur est commun; l'un et l'autre sont inflammables. Avec cet amalgame, elle est d'autant plus active qu'elle flatte plus le goût...
J.-A. Brillat-Savarin, Physiologie du goût,1825, p. 222. 2. IMPR. Tirer en amalgame. ,,C'est tirer des impressions différentes, présentant les mêmes caractéristiques de commandes (papier, couleurs, etc.) en même temps, sur le même support, avec la même machine, l'imposition de leurs formats étant possible dans celui de la feuille utilisée.`` (Cham. 1969). Synon. « mariage ». − P. anal., MILIT. Réunion dans une même unité combattante de troupes d'origines diverses : 5. Les volontaires qui arrivaient aux armées y portaient au moins autant d'insubordination que d'enthousiasme. Ils y trouvèrent d'anciennes troupes, des cadres, des chefs instruits, une discipline qui reprit peu à peu le dessus. L'« amalgame » finit par donner des régiments solides et par mettre en valeur le tempérament militaire de la nation.
J. Bainville, Histoire de France,t. 2, 1924, p. 73. 6. ... je constatai aussi que l'amalgame des troupes venues d'Afrique et des forces de l'intérieur pourrait être mené à bien. Non point que les préventions réciproques eussent disparu entre éléments d'origines diverses. Les « Français libres » conservaient, vis-à-vis de quiconque une fierté assez exclusive. Les hommes de la clandestinité, longtemps traqués, fiévreux, miséreux, auraient volontiers prétendu au monopole de la résistance.
Ch. de Gaulle, Mémoires de guerre,Le Salut, 1959, p. 34. C.− Au fig. [En parlant d'inanimés abstr.] Mélange, alliance d'éléments hétérogènes et parfois contraires : 7. Nous avons cru reconnaître qu'aucun des éléments de la civilisation européenne n'a exclusivement dominé dans le cours de son histoire, qu'ils ont vécu dans un état constant de voisinage, d'amalgame, de lutte, de transaction...
F. Guizot, Hist. générale de la civilisation en Europe1828, p. 4. 8. ... elle [Lauriane] avait dans l'esprit un tour de franchise et de malice, amalgame tout berrichon, qui fait de l'alliance de deux contraires une manière de voir et de dire assez originale.
G. Sand, Les Beaux Messieurs du Bois-Doré,1858, p. 36. 9. Il y avait [en 1817] amalgame, mélange, tâtonnements; la forme nette n'était pas encore dégagée et sortie de sa gaine.
Ch.-A. Sainte-Beuve, Nouveaux lundis,t. 11, 1863-1869, p. 418. 10. La grande singularité de la langue basque ... c'est l'amalgame qui a lieu dans le verbe auxiliaire, qui combine dans un même mot le verbe, le pronom et le régime...
P. Mérimée, Lettres à Francisque Michel,1870, p. 121. Rem. De là, dérive l'emploi du mot en ling. mod. (cf. Martinet 1961) pour désigner une unité de langue indécomposable, cumulant 2 valeurs, p. ex. lui est un amalgame signifiant à + le. − Spéc. [En parlant de la création artistique] Mélange, combinaison : 11. ... aucun des maîtres anciens n'emploie l'amalgame orgue et orchestre à égalité de forces.
V. d'Indy, César Franck,1908-1921, p. 113. 12. Nous avons beaucoup d'écrivains de grand renom, d'écrivains d'humeur (ce sont les plus précieux de tous), où l'on trouve un amalgame, une combinaison du latin et du grec.
L. Daudet, Études et milieux littéraires,1927, p. 97. 13. Selon nous, le poète ne fera pas d'art d'après l'art. Il usera du véritable réalisme, c'est-à-dire qu'il accumulera en lui des visions, des sentiments (je compte le bagage prénatal) et au lieu de s'en servir à la hâte, au risque d'émouvoir par un chantage comme un brillant journaliste, les laissera tranquilles. Ainsi se formera, peu à peu, un amalgame, un magasin de rapports inattendus.
J. Cocteau, Poésie critique 1,1959, p. 45. − Péj. [En parlant de choses ou de pers.] Réunion hétéroclite : 14. Je dis que je ne saurois comprendre comment ces ministres... en sont encore à ce pitoyable système de fusion et d'amalgame...
F.-R. de Chateaubriand, Mélanges politiques,1816-1824, p. 128. 15. Malvina leur faisait les honneurs de quelques thés avec assaisonnement de musique. Quel bel amalgame que cette compagnie! Des bas-bleus, des rapins, des croque-notes mêlés aux rédacteurs ordinaires et extraordinaires du Flambeau.
L. Reybaud, Jérôme Paturot,1842, p. 127. Rem. gén. Employé qqf. au fém., notamment au Canada (cf. Canada 1930); cf. aussi G. Sénac de Meilhan, L'émigré, 1797, p. 1754 : ,,la première amalgame des divers éléments``. Prononc. : [amalgam]. Étymol. ET HIST. − 1. 1431 « mélange (d'éléments hétérogènes) » emploi fig. (Fontaine des amoureux de science, p. 24 ds Gdf. Compl. : Car si ne fais purs corpx et ame Ja ne feras bonne amalgame); fin xvie-début xviie(D'Aubigné, éd. Legouez, VI, ann. 1892, p. 84 : Lignerae qui est l'amalgame des maisons d'Estree et de Lorraine), ces 2 attest. sont isolées; 1744 (Voltaire, Lettre, 5 juin 1744 ds DG : Le plaisant et le tendre sont difficiles à allier : cet amalgame est le grand œuvre); 2. 1549 « alliage de mercure avec un métal » (A. du Moulin, Quinte ess. de toutes choses, 96 ds Gdf. Compl. : Si tu mets l'argent vif sublimé en eaue corrosive faite de vitriol et de salpetre, il est certain que soudain il se convertira en amalgame et eaue).
Empr. au lat. médiév. amalgama, de même sens (ann. 1250, Geberus, alchimista arabo-latinus, Clar., 2, 75 ds Mittellat. W. : accipe uncias V boni auri foliati et fac amalgama cum IV unc [iis] Mercurii ... et super ipsum amalgama pone octavam partem uncie salis alkali); 4 autres ex. du xiiies. ds Devic Suppl. à Littré s.v.; formé sur l'ar. amal al-gamāa
« œuvre de l'union charnelle », l'anal. étant fréquemment établie par les alchimistes entre l'union charnelle et la combinaison entre le mercure et les métaux (cf. De matrimonio et conjunctione, traité imité de l'ar., Bibl. nat., anc. fonds lat., 7147, fo53 vod'apr. Devic, loc. cit., où le mercure étant assimilé au mari, l'argent à la femme, l'amalgame se célèbre ainsi : Natura lætatur quando sponsus cum sponsa copulatur). Le fait que le ǧ
ar. soit rendu par g rom. s'explique par le mode de tradition écrite sav. de ce mot. Les formes algamala, alquamala, Rabelais, III, 26 et 38, algamana, id., V, 17 ds Hug. et almagala, Sainéan, Lang. de Rabelais, II, 25, sont simplement dues à un jeu de mot à partir du lat. médiév. La forme algame, Cotgr. 1611 est prob. issue directement de l'ar. ḡamâa
« réunion », Cor., s.v. amalgama.
L'étymon gr. μ
α
́
λ
α
γ
μ
α « ce qui amollit » [en réalité « cataplasme émollient »], Diez5, I, 14, ne convient pas du point de vue sém. L'hyp. d'un étymon ar. issu de ce même gr. (Lok. 1927, DG) fait difficulté pour la même raison.
L'hyp. de Cor., loc. cit. : amalgame est 1. soit le résultat de l'évolution suivante : de algamala (Rabelais; de l'ar. ǧamâa
« réunion ») sont issues les 2 autres formes rabelaisiennes : almagala, par métathèse et algamana, par dissimilation; du croisement de ces 2 dernières formes : *almagana, devenu *amalgana d'où amalgama p. anal. avec les nombreux mots sav. en -ma, 2. soit issu de *almagama (produit du croisement entre almagala, Rabelais, et algama [fr. algame], devenu amalgama − se heurte à des difficultés chronol. : le lat. médiév. amalgama et le fr. amalgame étant bien antérieurs aux formes attestées par Rabelais et à la forme fr. algame). Du fr. amalgame sont issus les correspondants dans les autres lang. européennes. STAT. − Fréq. abs. litt. : 94. BBG. − Bader-Th. 1962. − Bailly (R.) 1969 [1946]. − Bar 1960. − Bél. 1957. − Bénac 1956. − Bouillet 1859. − Brard 1838. − Canada 1930. − Chabat t. 1 1875. − Cham. 1969. − Chesn. 1857. − Comm. t. 1 1837. − Comte-Pern. 1963. − Dup. 1961. − Duval 1959. − Fromh.-King 1968. − Galiana Déc. sc. 1968. − Goug. Lang. pop. 1929, p. 22. − Grand. 1962. − Hanse 1949. − Littré-Robin 1865. − Noter-Léc. 1912. − Nysten 1814-20. − Prév. 1755. − Privat-Foc. 1870. − Sc. 1962. − Thomas 1956. − Uv.-Chapman 1956. |