| AMADOU, subst. masc. A.− Substance spongieuse et inflammable, virant sur le brun sombre ou le noir, fournie par plusieurs espèces de champignons, principalement le polypore amadouvier*. B.− Cette substance traitée en vue d'usages particuliers. 1. Espèce de mèche noire faite avec de l'amadou traité et qui, s'enflammant facilement au contact d'une étincelle, est utilisable pour allumer le feu : 1. Le petit marquis alla chercher dans le salon ce qu'il lui fallait. Il rapporta une toute mignonne théière de Chine famille rose qu'il emplit de poudre à canon, et, par le bec, il introduisit délicatement un long morceau d'amadou, l'alluma, et courut reporter cette machine infernale dans l'appartement voisin.
G. de Maupassant, Contes et nouvelles,t. 2, Mademoiselle Fifi, 1881, p. 158. 2. Pour se rendre compte de la température (du surchauffeur), les ouvriers déposent un morceau de bois ou d'amadou sur la dernière ligne de tuyaux et constatent le temps qu'il met à s'allumer.
L. Ser.Traité de physique industrielle,t. 2, 1890, p. 2. − P. ext., vieilli, région. Toute espèce de matière inflammable utilisée pour allumer le feu : 3. On fait aussi de l'amadou avec des feuilles de papier à sucre, et même avec du linge qu'on laisse brûler jusqu'à ce que la flamme s'éteigne, et qu'on étouffe à l'instant.
Besch.1845. 4. François apprit d'Alain beaucoup de choses. Il ignorait tout de la vie sauvage. Alain lui enseigna à posséder le feu, à se faire un briquet d'une cartouche vide, de l'amadou avec un linge brûlé, à mendier de l'essence aux pilotes des tracteurs qui faisaient goutter pour vous leur carburateur.
M. Van der Meersch, Invasion 14,1935, p. 375. Rem. ,,L'amadou est maintenant d'un emploi plus restreint depuis l'invention des briquets phosphoriques.`` (Besch. 1845). − Au fig. et fam. Être d'amadou. S'enflammer vite : 5. L'imagination provençale est ainsi faite; elle est d'amadou, s'enflamme vite, même à sept heures du matin, et Mistral avait eu raison de compter sur mon enthousiasme.
A. Daudet, Trente ans de Paris,1888, p. 118. ♦ Cœur d'amadou. Qui s'enflamme à la première occasion. Prendre feu comme de l'amadou. S'enflammer, s'emporter promptement. Rem. Attestés ds la plupart des dict. généraux. 2. PHARM., CHIR., vx. Amadou traité pour arrêter les hémorragies notamment sur les champs de bataille. Tampon d'amadou : 6. ... un soldat français privé des deux jambes se frayait un passage dans des cimetières qui semblaient avoir rejeté leurs entrailles au dehors. Le corps d'un cheval effondré par un obus avait servi de guérite à ce soldat : il y vécut en rongeant sa loge de chair; les viandes putréfiées des morts à la portée de sa main lui tenaient lieu de charpie pour panser ses plaies et d'amadou pour emmailloter ses os.
F.-R. de Chateaubriand, Mémoires d'Outre-Tombe, t. 2, 1848, p. 448. 7. Le major plaça sur l'orifice de la blessure, qu'il lava préalablement à l'eau fraîche, un épais tampon d'amadou, puis des gâteaux de charpie maintenus avec un bandage. Il parvint à suspendre l'hémorragie.
J. Verne, Les Enfants du capitaine Grant,t. 2, 1868, p. 238. 3. Arg. anc. : 8. Amadou. Onguent jaune avec lequel les « truands » se frottaient pour paraître malades.
F. Vidocq, Les Voleurs,1836, p. 7. Rem. 1. Donné au fém. amadoue pour cette acception par Esn. 1966. 2. Dér. Amadouerie, subst. fém. Lieu où l'on fabrique l'amadou (attesté ds Ac. Compl. 1842, Besch. 1845, Lar. 19e, Guérin 1892, Nouv. Lar. ill., Quillet 1965). Prononc. − 1. Forme phon. : [amadu]. 2. Homon. : (il) amadoue. Étymol. ET HIST. − 1546 indirectement attesté par son dér. amadouer* « frotter avec de l'amadou » (Rabelais, Prol., III ds Hug.); 1628 amadoue « onguent dont se frottaient les gueux pour paraître jaunes et malades » (Jargon de l'argot, 10 ds Sain. Sources t. 1 1925, p. 346 : De l'amadoue, c'est de quoy les argotiers − c'est à dire les gueux − se frottent pour faire devenir jaunes et paroistre malades); 1723 amadou « substance spongieuse et très inflammable, extraite de l'amadouvier » (Savary des Bruslons, Dict. universel de comm. : Amadou. Espèce de mèche noire qui vient d'Allemagne. Elle se fait avec cette sorte de grands champignons, ou d'excroissances fongueuses, qui viennent ordinairement sur les vieux arbres, particulièrement sur les chesnes, les fresnes et les sapins).
Gén. considéré comme une transposition du prov. amadou (Mistral t. 1 1879), de l'a. prov. amador « celui qui aime », lat. amator. Outre la difficulté de forme (amadoue est antérieur à la forme sans e), la relation sém. indiquée par les dict. (l'amadou est inflammable comme le cœur d'un amoureux) est peu convaincante, l'anal. de sens s'opérant d'ordinaire en sens inverse.
− Amadouerie, 1838 (Ac. Compl. 1842). STAT. − Fréq. abs. litt. : 66. BBG. − Bél. 1957. − Boiss.8. − Bouillet 1859. − Brard 1838. − Bruant 1901. − Comm. t. 1 1837. − Dauzat Ling. fr. 1946, p. 44, 290. − Duval 1959. − Esn. 1966 (s.v. amadoue). − Esn. Poilu 1919. − Fér. 1768. − France 1907. − Gottsch. Redens. 1920, p. 226. − Goug. Lang. pop. 1929, p. 89. − Hanse 1949. − Lar. méd. 1970. − Lar. mén. 1926. − Littré-Robin 1865. − Nysten 1814-20. − Prév. 1755. − Privat-Foc. 1870. − Rigaud (A.). La Vraie cour des miracles. Vie Lang. 1969, no206, p. 271. − Thomas 1956. |