| ALOUETTE, subst. fém. A.− ORNITH. Genre d'oiseaux passereaux conirostres dont le plumage est gris roussâtre et le chant mélodieux : 1. Les coqs se répondaient de l'une à l'autre rive; et parfois on entendait, dans les profondeurs du ciel, les trilles des alouettes, qui montaient de la terre, trompées par la clarté de la lune.
R. Rolland, Jean-Christophe,Le Matin, 1904, p. 120. 2. Le soir était venu. Un chant hésitant et triste monta du fond des chènevières : une alouette au creux d'un sillon jetait, avant de s'endormir, un petit cri effaré, déconcertant dans la nuit, lui qu'on entend d'habitude dans l'air bleu et la lumière.
É. Moselly, Terres lorraines,1907, p. 80. Rem. 1. Il existe un subst. masc. alouet, qui désigne plus spéc. l'alouette mâle : 3. Le perfide chasseur se glisse derrière un buisson épais : il a vu, il ajuste, il fait tomber le jeune Alouet, qui, d'un chant gai et d'une aile légère, s'élançait vers l'alouette, objet de ses amours.
S. Mercier, Néologie ou Vocabulaire de mots nouveaux, t. 1, 1801, p. 23. Rem. 2. Syntagmes. a) Syntagmes désignant des espèces, p. ex. : 4. Des bandes de tourterelles s'envolaient à mon approche, et les alouettes huppées montaient verticalement dans le ciel comme les fusées d'un feu d'artifice.
E. About, Le Roi des montagnes,1857, p. 45. 5. Alouette lulu (alauda arborea), appelée aussi Alouette percheuse, Petite alouette, Lulu... Elle a des mœurs différentes de l'alouette des champs...
H. Coupin, Animaux de nos pays,dict. pratique, 1909, p. 145. b) Syntagmes verbaux l'alouette chante, grisolle, tirelire, s'élève, descend, plane. Rem. 3. Loc. fig. ou proverbiales : ♦ S'éveiller, se lever au chant de l'alouette. Se lever de très grand matin. ♦ Rare, affecté. Manger comme une alouette. (Plus cour. Manger comme un oiseau). Manger très peu. ♦ Pop. Un crâne d'alouette. Une petite cervelle : 6. Il s'croit encore à la caserne, l'autre crâne d'alouette!
R. Dorgelès, Les Croix de bois,1919, p. 25. ♦ Si le ciel tombait, il y aurait bien des alouettes prises. S'emploie comme réplique à une supposition absurde. ♦ Il attend que les alouettes lui tombent toutes rôties (dans le bec). Se dit d'un paresseux qui voudrait tout obtenir sans effort : 7. Est-ce que vous croyez les gens d'ici plus bêtes que leurs veaux, à venir raconter que les alouettes leur tomberont rôties dans le bec...
É. Zola, La Terre,1887, p. 468. B.− Emplois techn. − AÉRON. Miroir aux alouettes. Nom du miroir d'appontage. (Attesté ds Quillet 1965). − AGRIC. Terres à alouettes. Terres sablonneuses. (Attesté ds la plupart des dict. gén.). − BOT. Pied d'alouette. Nom usuel de la plante appelée delphinium ou dauphinelle : 8. Et plus loin, à mesure qu'ils avançaient, les haies changeaient, alignaient les bâtons fleuris de pieds d'alouettes énormes, perdus dans la frisure des feuilles, laissaient passer les gueules ouvertes des mufliers fauves, haussaient le feuillage grêle des schizanthus, plein d'un papillonage de fleurs aux ailes de soufre tachées de laque tendre.
É. Zola, La Faute de l'Abbé Mouret,1875, p. 1349. − CHASSE, au propre. Miroir aux alouettes ou d'alouette. Engin de chasse constitué de petits miroirs qui scintillent au soleil et dont on se sert pour prendre les alouettes : 9. Un rayon de soleil égaré allumait un miroir d'alouette.
G. Courteline, Messieurs les ronds-de-cuir,1893, p. 143. ♦ Par métaph. : 10. Tu seras riche, mais il faut m'aider sans bruit
À dresser, comme font les oiseleurs la nuit,
Un bon filet caché sous un miroir qui brille,
Un piège d'alouette ou bien de jeune fille.
V. Hugo, Ruy Blas,1838, I, 2, p. 347. ♦ Au fig. Miroir aux alouettes. Se laisser prendre au miroir aux alouettes. Se laisser duper par de belles promesses : 11. Je suis le miroir aux alouettes : ma petite alouette, je te tiens!
J.-P. Sartre, Huis clos,1944, 5, p. 138. − GASTR. Alouettes sans tête. Paupiettes de viande (cf. Ac. Gastr. 1962). − HIST. Légion de l'Alouette. Légion gauloise créée par Jules César, et dont les soldats portaient sur le casque une alouette de bronze : 12. Les Français n'ont jamais renié l'alouette gauloise.
J. Bainville, Histoire de France,t. 1, 1924, p. 14. − MAR. Nœud d'alouette. Sorte de nœud servant à terminer un filin et appelé aussi (nœud) tête de mort. Rem. Attesté ds la plupart des dict. gén. du xixes. et ds Quillet 1965. C.− Arg. ,,Compagnon qui n'est pas fils de maître (relieurs, av. 1782).`` (Esn. 1966). Prononc. ET ORTH. − 1. Forme phon. : [alwεt]. 2. Dér. et composés : aloue (cf. Lar. 19e), alouettine (cf. Nouv. Lar. ill.), aloyau. − Rem. Les dict. de prononc. du xixes. notent la diérèse. Fér. Crit. t. 1 1787 propose la graph. alouète avec un seul t. Étymol. ET HIST. − 1. Fin xiies. ornith. aloe(e)te « petit oiseau de l'ordre des passereaux » (Loh., ms. Montp., fo99b ds Gdf. Compl. : Et l'aloeete chante quant li jors vint); 1611 proverbe (Cotgr. : Il pense que les alouettes luy tomberont en la bouche toutes rosties. He vainely thinkes, that good fortune will come a wooing to him); 1611 bot. pied d'alouette (ibid. : Pied d'alouette. The hearbe, larks spurre, larks claw, larks heele, larks toes, Monks hood); 1694 agric. (Ac. : On dit proverb. Des terres à alouettes, pour dire Des terres sablonneuses pleines de gravier), passé dans la lang. commune (Ac. 1718).
Dér. de l'a. fr. aloe, de même sens (xiie-xves. ds Gdf.), du lat. alauda « id. », d'orig. gauloise (cf. Pline, Nat., 11, 121 ds TLL s.v., 1482, 51 : parvae avi quae, ab illo [galero « d'après sa huppe »] galerita appellata quondam, postea gallico vocabulo etiam legioni nomen dederat alaudae). Le lat. a surtout connu et empr. le mot lorsque César recruta en 50 av. J.-C. chez les Gaulois transalpins une légion à laquelle il donna le nom d'Alauda (Cicéron, Att., 16, 8, 2). Cf. J. André, Les Noms d'oiseaux en latin, Paris, Klincksieck, 1967, p. 24.
− Alouet, 1801, supra (p. 608) rem. 1. STAT. − Fréq. abs. litt. : 461. Fréq. rel. litt. : xixes. : a) 602, b) 1 055; xxes. : a) 756, b) 425. BBG. − Ac. Gastr. 1962. − Alex. 1768. − Bailly (R.) 1969 [1946]. − Baudr. Chasses 1834. − Bél. 1957. − Bénac 1956. − Boiss.8. − Bouillet 1859. − Brard 1838. − Cuisin 1969. − Curiosités étymologiques : noms d'animaux. Vie Lang. 1969, no206, p. 275. − Daire 1759. − Dauzat (A.). L'Attraction paronymique dans le français populaire contemporain. Archivum romanicum. 1937, t. 21, pp. 201-209. − Dauzat Ling. fr. 1946, p. 257. − Dumas 1965 [1873]. − Esn. 1966. − Fér. 1768. − Galiana Astronaut. 1963. − Lacr. 1963. − Lar. mén. 1926. − Lasnet 1970. − Le Clère 1960. − Le Roux 1752 (s.v. alouëtte). − Mont. 1967. − Prév. 1755. − Rolland (E.). Faune populaire de la France. Noms vulgaires, dictons, proverbes, légendes, contes et superstitions. Paris, 1967, t. 2, p. 205, 216; t. 10, p. 96. − Spr. 1967. |