| ALOI, subst. masc. A.− Alliage dans des proportions fixées. 1. Vx, rare. [En parlant de métaux autres que l'or et l'argent, mais considérés comme précieux] :
1. Les matériaux employés le plus souvent [dans la fabrication des tuyaux d'orgue] sont : les bois de chêne, de sapin rouge, de noyer, érable, poivrier; l'étain pur, l'alliage d'étain avec une faible quantité de plomb qu'on appelle étoffe, et un mélange d'étain et de cuivre à 1/100, auquel on donne le nom d'aloi.
A. Lavignac, La Musique et les musiciens,1895, p. 91. 2. MONNAIE. Titre légal de la monnaie d'or et d'argent. Monnaie de bon, de mauvais aloi : 2. Par les cornes et la queue de Lucifer! Nous jouons de malheur! J'avais espéré monnaie de bon aloi et ce ne sont que jetons de cuivre et de plomb doré.
T. Gautier, Le Capitaine Fracasse,1863, p. 173. Rem. En dehors de ces syntagmes, aloi, dont le synon. usuel est titre, est vieilli : cette pièce n'est pas d'aloi (Lar. 19e, Nouv. Lar. ill.). B.− Au fig. Bonne qualité intrinsèque. 1. [En parlant d'un inanimé concr. ou abstr.] :
3. Le style familier est ennemi du nombre, et il faut rompre celui-ci pour que celui-là paraisse naturel. C'est par les mots familiers que le style mord et pénètre dans le lecteur. C'est par eux que les grandes pensées ont cours et sont présumées de bon aloi, comme l'or et l'argent marqués d'une empreinte connue.
J. Joubert, Pensées,t. 2, 1824, p. 74. 4. « Ce qui existe en France n'est point une monarchie, c'est une république, à la vérité du plus mauvais aloi. Cette république est plastronnée d'une royauté qui reçoit les coups et les empêche de porter sur le gouvernement même. »
F.-R. de Chateaubriand, Mémoires d'Outre-Tombe, t. 4, 1848, p. 51. Rem. Syntagmes mauvais, bon aloi sont très fréq., bon étant parfois aux degrés compar. et superl. Marchandises de mauvais aloi (Ac. 1835); parfum romantique de bon aloi (Ch. Baudelaire, Salon de 1846, 1846, p. 182); résultat effectif et de bon aloi (J.-A. de Gobineau, Nouvelles asiatiques, introd., 1876, p. 5); luxe de mauvais aloi (M. Proust, À la recherche du temps perdu, Le Temps retrouvé, 1922, p. 725); science de meilleur aloi (E. Renan, L'Avenir de la science, 1890, p. 41); except. sans épithète conserver l'aloi de son ancien renom (J.-K. Huysmans, L'Oblat, t. 1, 1903, p. 86). − Spéc. [En parlant des qualités d'une œuvre littér.] Vers de mauvais aloi, de bas aloi (Ac. 1835) : 5. Classique par le naturel de sa prose, par le bon aloi de son vocabulaire et par la simplicité du rythme de ses phrases, M. de Maupassant l'est encore par la qualité de son comique.
J. Lemaitre, Les Contemporains,1885, p. 305. 6. Le naturel de Maurois est de si authentique aloi français que peu de circonstances autant que de penser à lui ou d'écrire à son sujet ne me font redevenir momentanément français, accomplir un périple intérieur dans la culture française, bref rejoindre en ce qui la concerne ce point d'équité dont volontiers je reconnais que trop souvent je le quitte.
Ch. Du Bos, Journal,janv. 1925, p. 235. 2. [En parlant d'une pers. ou, plus fréquemment, d'un aspect de son comportement, de son expression, etc.] :
7. Il est homme du monde, sans grande ambition d'être dans la conversation, mais étant; il a une parole correcte, châtiée, de bon aloi, et une physionomie fine, piquante et un peu lasse.
J. Barbey d'Aurevilly, Premier Memorandum,1836, p. 22. 8. ... et cet air, toujours le même, répété deux lieues durant, est un très vieil air de France, si ancien et si jeune, d'une gaieté si fraîche et de si bon aloi, qu'au bout d'un moment, nous aussi, nous le chantons avec eux.
P. Loti, Mon frère Yves,1883, p. 288. Rem. Autres syntagmes bonté d'excellent aloi (M. Barrès, Mes cahiers, t. 4, 3 nov. 1904-6 janv. 1905, p. 41); fatigue de mauvais aloi (É. Estaunié, L'Ascension de Monsieur Baslèvre, 1919, p. 282); pitié de simple et honnête aloi (A. Billy, Introïbo, 1939, p. 83); élégances de mauvais aloi (T. Gautier, Le Capitaine Fracasse, 1863, p. 314); aristocratie de mauvais aloi (J. Sandeau, Sacs et parchemins, 1851, p. 9); homme de bas aloi ,,qui est de basse condition, d'une profession vile, ou qui est méprisable par lui-même`` (Ac. 1835). Except. sans épithète gens francs d'aloi (A. Nicolas, Le Bon grain que voici, Nancy, G. Thomas, 1963 [1949], p. 1). Prononc. ET ORTH. : [alwa]. − Rem. Land. 1834 transcrit : ɑ-loê. En ce qui concerne l'orth., Fér. Crit. t. 1 1787 fait la rem. suiv. : ,,Trév. et le Dict. Gramm. écrivent alloi avec 2 l. L'Acad. a adopté l'orth. de Richelet et n'en met qu'une.`` Étymol. ET HIST. − Ca 1268 de boin aloy « alliage, titre légal de l'alliage » (E. Boileau, Livre des mest., éd. Depping, 56 ds T.-L. : les mestres du mestier ... doivent ouvrer de boine oevre et de loial et de boin aloy, selonc ce qui a esté acoustumé en la ville de Paris); sens vieillissant dep. le xviies., ne s'emploie plus qu'au fig. dans les expr. bon aloi et mauvais aloi.
Déverbal de aloier/aloyer*. STAT. − Fréq. abs. litt. : 93. BBG. − Bach.-Dez. 1882. − Bél. 1957. − Bénac 1956. − Boiss.8. − Bouillet 1859. − Brard 1838. − Chesn. 1857. − Comm. t. 1 1837. − Daire 1759. − Duval 1959. − Fér. 1768. − Gottsch. Redens. 1930, p. 335. − Kuhn 1931, p. 76. − Lar. comm. 1930. − Rog. 1965, p. 130. − Romeuf t. 1 1956. |