| ALIBORON, subst. masc. A.− (Maître) aliboron. Sot personnage qui se croit habile en toutes choses et ne se connaît en rien. − En partic., littér. Surnom de l'âne. B.− Fam. Aliboron. Personne stupide et prétentieuse (cf. sens fig. de âne) : 1. Au lieu de travailler à relever un drapeau déshonoré, pourquoi n'essaierait-il pas de planter vaillamment le sien sur le coffre-fort de M. Levrault? Pourquoi n'arriverait-il pas, comme le troisième larron de la fable, juste à point pour emmener par le licol l'aliboron de la haute industrie? Une fois déjà il avait rôdé autour des millions du grand manufacturier, mais ce n'avait été qu'un assaut timide et discret. Cette fois, il s'agissait d'un siége en règle, et d'ailleurs, échec pour échec, mieux valait succomber en combattant pour sa propre cause que de partager la défaite et la honte d'un Montflanquin.
J. Sandeau, Sacs et parchemins,1851, p. 23. 2. Les Cagliostro avaient du moins une certaine allure et probablement aussi une certaine science, tandis que les mages de ce temps, quels aliborons et quels camelots!
J.-K. Huysmans, Là-bas,t. 2, 1891, p. 152. Prononc. ET ORTH. : [alibɔ
ʀ
ɔ
̃]. − Rem. Fér. Crit. t. 1 1787 donne comme vedette 2 orth. : ,,aliborum, Trév. ou aliboron, Acad.``. Il précise que l',,on prononce alibôron, comme l'écrit l'Acad. comme on prononce facton, factoton``. Étymol. ET HIST. − Maistre Aliborum, Aliboron. 1. 1440 « personnage habile à tout faire » (Procès de Gilles de Rais ds DG : Il fera venir maistre Aliborum); 2. xves. « ignorant, sot » (Martin Le Franc, Champion des Dames, Thomas, p. 10, d'apr. G. Tilander, Maître Aliboron ds St. Neophilol., t. 19, p. 170 : Tu es bien maistre Aliborum [bien sot] Si tu ne crois qu'il se puist faire); 3. 1654 « âne » (J. F. Sarasin,
Œuvres, II, p. 60, ibid. : Ma sotane est Maistre Aliboron car la sotane a sot Asne appartient). Popularisé par La Fontaine (Fables, I, 13).
Très prob. tiré de l'a. fr. aliboron, nom de plante (Renart, 19307, Meon ds Gdf.), fr. hellebore*, empr. au lat. helleborus, lui-même empr. au gr. Cette plante, considérée comme un remède universel, dut être associée au nom maistre pour désigner les médecins, puis, par évolution normale aux sav. et hommes habiles à tout faire, exactement ceux qui se mêlent de tout sans rien faire d'utile. (FEW, Bl.-W.5, EWFS2, Tilander ds St. Neophilol., t. 19, pp. 169-183). − Une autre hyp. fait naître Aliboron d'un contresens commis par l'Irl. Jean Scot, ixes., qui dans son commentaire sur Martianus Capella, interpréta le nom de plante elleboro, comme le nom d'un philosophe de la même secte que Carnéade (Thomas, Maître Aliboron, Paris, 1929). − Une 3ehyp. fait de Aliboron la transposition du nom du philosophe ar. Al-biruni [M. Devic, Dict. étymol. des mots d'orig. orientale, 1876; Lok. 1927, Dauzat 1968, 1rehyp.]. Ces 2 dernières hyp. n'expliquent pas l'évolution sém. de « philosophe » à « personnage qui sait tout et ne fait rien », « âne ». STAT. − Fréq. abs. litt. : 8. BBG. − Arimaspus. Helleborum − Aliboron. R. Moy. Âge lat. 1947, t. 3, pp. 153-155. [Cr. C. (P.). Romania 1948-49, t. 70, pp. 542-543.]. − Bar 1960. − Bél. 1957. − Bénac 1956. − Boiss.8. − Le Roux 1752. − Lew. 1960, p. 357. − Schuchardt (H.). Etymologisches. Z. rom. Philol. 1904, t. 28, p. 159. − Tilander (G.). Maître Aliboron. St. neophilol. 1946-47, t. 19, pp. 169-183. |