| ALCÔVE, subst. fém. A.− Anc. Partie de la chambre où les Précieuses du xviiesiècle recevaient et tenaient salon. Tenir alcôve. − P. ext., littér. Lieu de discussions littéraires quelque peu confidentielles : 1. ... il était las de n'entendre parler que de littérature, − acteurs, auteurs, éditeurs, bavardages de coulisses ou d'alcôves littéraires ...
R. Rolland, Jean-Christophe,La Foire sur la place, 1908, p. 675. B.− Enfoncement pratiqué dans une chambre pour y mettre un ou plusieurs lits : 2. J'ai mis là un lit, dit Grindot en dépliant les portes d'une alcôve habilement cachée entre les deux bibliothèques. Vous ou Madame vous pouvez être malade, et alors chacun a sa chambre.
H. de Balzac, César Birotteau,1837, p. 199. 3. Une alcôve pour mon lit, un large cabinet pour le travail, faisant face au cabinet des muses, une belle lumière, le silence du jardin, un pan plus large du ciel pour horizon, parce que je dominais un peu les toits du couvent, faisaient de cette chambre de ma jeunesse une solitude à la fois sereine et recueillie.
A. de Lamartine, Nouvelles Confidences,1851, pp. 27-28. 4. Il faisait nuit lorsqu'il s'éveilla. Transi de froid, il se tourna et se retourna sur sa couche, fripant et roulant sous lui sa blouse noire. Une faible clarté glauque baignait les rideaux de l'alcôve. S'asseyant sur le lit, il glissa sa tête entre les rideaux.
Alain-Fournier, Le Grand Meaulnes,1913, p. 78. 5. L'Hôtel des Vagues (...) est très vieille France aussi par sa cave fort convenable et je ne sais quelle bonhomie provinciale dans l'arrangement des massifs du jardin, le charmant bric-à-brac des couloirs. Il m'est même échu en partage un délicieux appartement bas-breton avec panneaux de lit clos, alcôve, hautes tentures d'étoffes et lit à baldaquin...
J. Gracq, Un Beau ténébreux,1945, p. 40. − P. ext. Lieu des rapports amoureux. Secrets d'alcôves, confessions d'alcôve : 6. Là où le journalisme n'éponge pas les petits faits, les grands mensonges, les événements de la rue, la chronique de la maison, les indiscrétions de l'alcôve, chacun est une ligne vivante du journal que l'arrondissement n'a pas encore.
L. Gozlan, Le Notaire de Chantilly,1836, p. 236. 7. « ... Ni les satisfactions de l'amour-propre, ni celles que procure la fortune, ni les fiévreuses pamoisons étouffées sous les rideaux lourds des alcôves mystérieuses, rien ne vaut et n'égale cette joie honnête et calme, ce légitime contentement de soi-même que le travail donne aux laborieux comme un premier salaire. »
H. Murger, Scènes de la vie de bohème,1851, p. 275. 8. Daniel Salomon, qui s'était joint à eux, leur soufflait à l'oreille, de sa voix chaste, des secrets d'alcôve. Et, à chaque révélation étrange sur Madame Raymond, sur Madame Berthier d'Eyzelles et sur la princesse Seniavine, il ajoutait négligemment : − tout le monde le sait.
A. France, Le Lys Rouge,1894, p. 13. 9. La dernière Parisienne, qui s'appelait, je crois, Sarah, circulait entre les pétales et les porcelaines de son petit musée d'hôtel. Elle régnait. Je me pensais revenu aux temps où selon un oncle à moi, les rois se glissaient, déguisés, mal rasés et mal chaussés, dans les alcôves où les cocottes de 1900 les réduisaient à l'état de jouets.
L.-P. Fargue, Le Piéton de Paris,1939, p. 186. Rem. Épithètes le plus fréquemment rencontrées sombre, profonde, obscure, mystérieuse, tiède, géante. Prononc. ET ORTH. − 1. Forme phon. : [alko:v]. − Rem. Fér. 1768 et Fér. Crit. t. 1 1787, s.v. alcove (sans accent circonflexe), font observer que la 2esyllabe est brève. La durée longue est signalée à partir de Land. 1834. Littré : ,,Le dictionnaire grammatical de 1784 dit que l'o est bref : al-ko-ve. Aujourd'hui il est long.`` Fér. Crit. t. 1 1787 remarque que Rich. emploie parfois le mot au masc. (cf. aussi Littré : ,,quelques gens font mal à propos alcôve masculin``). Enq. : /alko2v, D/. 2. Dér. et composés : alcoviste. Étymol. ET HIST. − 1646 (Boisrobert, Epitre à Mmede Motteville, 2, 235, v. 46, STFM ds Quem. t. 1 1959 : Quoi! Pourroit-elle, estant si bien en Cour, Perdre avec nous un seul moment du jour, Et nous chercher, apres s'estre trouvée Dedans l'Alcove en la chambre privée?).
Empr. à l'esp. alcoba, d'abord attesté dep. 1202 au sens de « endroit où l'on fait le pesage public » (Fuero de Madrid, p. 52 ds Al. 1958, s.v.) dep. 1272-84 au sens de « coupole » (Alfonso X el Sabio, General Estoria, d'apr. Cor. t. 1 1954) et dep. le début xvies. au sens de « enfoncement pratiqué dans une chambre pour y placer un lit » (d'apr. Cor., loc. cit.; cf. en 1620, L. Franciosini, Vocabulario español e italiano ds Gili t. 1 1960 : alcoba o alcoua, camera che si fà dal trasmezzar una sala, e è per uso de tenerui il letto), de l'ar. al qubba, proprement « coupole », puis « petite chambre contiguë » dep. le xives. (d'apr. Cor.). Voir Brunot t. 3, 1, p. 223; Nyrop t. 1, p. 90; Schmidt 1914, pp. 50-51; Rupp. 1915, p. 236. STAT. − Fréq. abs. litt. : 549. Fréq. rel. litt. : xixes. : a) 478, b) 1 675; xxes. : a) 791, b) 553. BBG. − Baulig 1956. − Bél. 1957. − Boiss.8. − Chabat t. 1 1875. − Daire 1759. − Fér. 1768. − Goug. Lang. pop. 1929, p. 94. − Lar. mén. 1926. − Prév. 1755. − Thomas 1956. |