| AIGUE-MARINE, subst. fém. I.− Courant A.− MINÉR., JOAILL. Pierre fine (variété d'émeraude), transparente, couleur d'eau de mer. Au plur. aigues-marines : 1. 11, samedi. (...) Reçu Ar B puis Cob qui m'a rapporté une bague en aigue-marine que je lui avais donnée à rétrécir.
J. Barbey d'Aurevilly, Premier Memorandum,1837, pp. 168-169. 2. Il se décida enfin pour des minéraux dont les reflets devaient s'alterner : pour l'hyacinthe de Compostelle, rouge acajou; l'aigue marine, vert glauque; le rubis-balais, rose vinaigre; le rubis de Sudermanie, ardoise pâle.
J.-K. Huysmans, À rebours,1884, p. 60. 3. Les émeraudes sont des silicates alumineux doubles, fusibles au chalumeau, jaunes, d'un vert bouteille, bleuâtres ou verdâtres; elles sont rayées par le zircon et rayent le quartz. 1 Émeraude du Pérou. − Émeraude d'un vert très pur; joaillerie. 2 Aigue-marine. − Émeraude d'un bleu verdâtre; joaillerie. 3 Béryl. − Émeraude jaune ou incolore; joaillerie.
A. Pérès, Les Pierres et les roches,Guide pratique, 1896, p. 42. 4. − Je présume, reprit MmeBavoil, que ces pierreries qui mettent tant de flammes sur sa mitre sont fausses.
− Détrompez-vous, elles sont vraies; un moine aujourd'hui mort, qui était entré en religion après le décès de sa femme, a offert tous les bijoux qu'elle possédait, − et ils étaient nombreux, − pour fabriquer cette mitre. Cela vous explique qu'elle soit incrustée de diamants, d'aigues-marines, de saphirs, de pierres de première valeur, de gemmes de premier choix.
J.-K. Huysmans, L'Oblat,t. 1, 1903, p. 119. Rem. Se dit parfois aigue : 5. Dans la cruche bleu clair, Giauharé avait enclos toutes ses robes marines, tissées d'algues, gemmées d'aigues et tachées de la pourpre des coquillages. Tout le ciel du paradis terrestre, et les fruits riches de l'arbre, et les écailles enflammées du serpent, et le glaive ardent de l'ange étaient enfermés par la cruche bleu sombre...
M. Schwob, Le Livre de Monelle,1894, p. 83. 6. M. de Phocas ne semblait même pas se douter de ma présence (...) quand, (...) je vis qu'un mince bracelet de platine, un fil d'aigues et d'opales était rivé à son poignet droit.
J. Lorrain, Monsieur de Phocas,1901, p. 3. B.− P. compar. et métaph. Couleur, nuance, etc. d'aigue-marine, ou absol. aigue-marine. (Ce qui a une) couleur glauque claire, bleu verdâtre transparent. 1. [En parlant de l'eau, du ciel] :
7. Le rayon du soleil, en traversant ce porche obstrué d'une épaisseur vitreuse d'eau de mer, devenait vert comme un rayon d'Aldébaran. L'eau, toute pleine de cette lumière mouillée, paraissait de l'émeraude en fusion. Une nuance d'aigue-marine d'une délicatesse inouïe teignait mollement toute la caverne.
V. Hugo, Les Travailleurs de la mer,1866, p. 280. 8. ... l'illumination du couchant s'était éteinte; la colline, les maisons et les arbres ne faisaient plus qu'une masse noire, et dans le ciel, devenu couleur d'aigue-marine, une petite étoile tremblait ainsi qu'une larme au bord de l'horizon.
A. Theuriet, La Maison des deux barbeaux,1879, p. 63. 2. [En parlant surtout des yeux d'une pers.] :
9. 23 avril. Nous avions dîné chez M. X. J'étais à côté de MmeX., de cette femme aux yeux d'aigue-marine, de cette femme de nature si rare et si distinguée et si étrangement attirante par son air diaboliquement honnête.
E. et J. de Goncourt, Journal,avr. 1868, p. 425. 10. Aigues-marines, dans le transparent écrin
Des paupières, les yeux qu'un clair fluide baigne
Ont un voluptueux regard qui me dédaigne.
Ch. Cros, Le Coffret de santal,Six tercets, 1873, p. 88. 11. La verdure les attendrit [Marcel et Charlie], anime leurs joues, teinte en aigue-marine les yeux bleus de Marcel...
Colette, Claudine à Paris,1901, pp. 200-201. 3. [En parlant d'obj. divers] :
12. ... le talent de Mad Carpentier [couturière] a créé une collection très personnelle. Un bleu pervenche adoucit un bleu ardent. Ailleurs, un violet et un bleu bleuet se marient, tandis que l'aigue-marine et le coquelicot s'opposeront.
L'Œuvre,10 mars 1941. 13. Robe en satin bleu paon avec écharpe aigue-marine et vert bronze.
Le Monde,16 oct. 1951, p. 9, col. 3. II.− Rare A.− JOAILL. Aigue-marine orientale, ou absol. aigue-marine. Nom donné improprement à une variété de topaze. Rem. Attesté ds Nysten 1814-20, Besch. 1845, Chesn. 1857, Littré, Nouv. Lar. ill., Lar. 20e, Duval 1959. B.− TECHNOL. ,,Verre coloré par l'oxyde de cuivre, employé pour décorer les porcelaines tendres de Sèvres.`` (Duval 1959). Rem. Attesté également ds Quillet 1965. Prononc. : [εgmaʀin]. Étymol. ET HIST. − 1578 adj. « de couleur vert d'eau » (Vigenère, Tabl. de Philostrate, 616, éd. de 1611 ds Quem. t. 1 1959 : Lesquels [émaux] sont ordinairement de ces couleurs-cy : noir, verd, violet, tané, gris, aigue-marine). − 1611, Cotgr.; 1680 subst. fém. (Rich. t. 1 : Aigue-marine. Pierre précieuse de la couleur de l'eau de la mer).
Composé de aigue* et de l'adj. marin* à cause de la couleur de cette pierre. STAT. − Fréq. abs. litt. : 24. BBG. − Bach.-Dez. 1882. − Bél. 1957 (s.v. aigue). − Blanche 1857 (s.v. aigue). − Boiss.8. − Bouillet 1859. − Brard 1838. − Chesn. 1857. − Comm. t. 1 1837. − Cost. 1899. − Dainv. 1964 (s.v. aigue). − Dupin-Lab. 1846 (s.v. aigue). − Duval 1959. − Fér. 1768. − Goug. Mots t. 1 1962, p. 67, 68 (s.v. aigue). − Jal 1848 (s.v. aigue). − Laborde 1872. − Lar. comm. 1930. − Lav. Diffic. 1846. − Nysten 1814-20. − Prév. 1755. − Privat-Foc. 1870. − Uv.-Chapman 1956. |