| AIDER, verbe trans. I.− Emploi trans. A.− Emploi trans. dir. 1. [Le compl. d'obj. désigne une pers.] a) Prêter son concours à quelqu'un pour lui faciliter l'accomplissement d'un acte, la réalisation de quelque chose; secourir une personne dans le besoin. Aider sa mère, un ami : 1. Appelez à votre secours le courage et la fermeté, ils viendront vous aider, soutenir vos pas chancelans, jusqu'à ce que l'éponge du temps et le baume de l'habitude aient adouci l'amertume de ces premiers momens.
J. de Crèvecœur, Voyage dans la Haute Pensylvanie et dans l'État de New-York,t. 3, 1801, p. 26. 2. Je me confessais... Je venais à vous... Je venais vous dire comme une honnête femme à un honnête homme : j'ai peur de moi... Je me sens faible... Mes forces s'en vont... L'abîme est là... Aidez-moi... Secourez-moi... Sauvez-moi! Vous, mon secours, vous, mon aide... Vous, mon mari!...
E. et J. de Goncourt, Charles Demailly,1860, p. 335. b) [Avec un compl. second. introd. par les prép. à, dans, de, par, pour ou contre] ♦ Aider qqn à (ou pour) + inf.Contribuer à l'aboutissement de l'action exprimée par l'infinitif. Aider qqn à comprendre; à monter un escalier, à mourir; à porter un fardeau; à se relever; à retrouver confiance; à sortir; à supporter...; à trouver; à vivre; aider un enfant pour descendre d'un siège. ♦ Aider qqn dans (ou pour) + subst. (surtout subst. d'action).[Dans ou pour introduisent un subst. qui précise le domaine ou l'obj. de l'assistance] Aider qqn dans son travail; dans son ascension; dans ses affaires; dans ses fonctions; dans le malheur; dans son infortune; aider l'esprit dans son effort; aider qqn pour des repas, pour une réception. ♦ Aider qqn de (ou par) + subst.[De ou par introduisent un subst. exprimant la nature des moy. mis en œuvre pour secourir] Aider qqn de ses conseils, de son expérience, de sa bourse; par ses actions; par ses attentions. − P. ext. [L'obj. désigne un animal] ♦ MAN. Aider un cheval. ,,Le faire travailler selon les règles, lui faire marquer ses temps et ses mouvements. avec précision et facilité.`` (Besch. 1845). Rem. Attesté également ds Ac. Compl. 1842, Lar. 19e. − Emploi abs. [Le compl. d'obj. sous-entendu désigne toujours une pers.] Prêter son concours, rendre service, servir : 3. ... l'égocentrisme foncier de ces cœurs tendres devient parfois besoin et même manie de dévouement : ils aiment faire des cadeaux, rendre des services, aider, cajoler, relever. Mais ces dévouements sont aussi impatients de se faire reconnaître, sinon remercier, aussi accaparants sinon exigeants que le don de leur cœur.
E. Mounier, Traité du caractère,1946, p. 491. ♦ [Le compl. second. est exprimé] Contribuer à : 4. S'il avait eu affaire aux Allemands, ce n'était pas aux autorités allemandes, mais à des personnalités civiles. Ces transactions étaient restées actes de commerce privé. Qu'il eût importé de Hollande du bétail et des beurres, cela n'avait été qu'utile à la population. Il avait aidé à la nourrir tandis que d'autres aidaient à l'affamer.
M. Van der Meersch, Invasion 14,1935, p. 463. ♦ Proverbe. Dieu aidant. Avec l'aide, le concours de Dieu. ♦ L'habitude, l'exemple, l'expérience, la fatigue, le progrès, le succès, le temps, aidant. L'habitude, l'exemple, etc. y contribuant : 5. Mais la défiance, l'ajournement, la timidité, l'indolence, m'ont fait prendre une mauvaise voie, puis une mauvaise pente, et l'habitude aidant, je suis devenu simplement passif, et de plus oublieux. De là infécond et même incapable; médiocre ou plutôt nul; ...
H.-F. Amiel, Journal intime,3 avr. 1866, p. 214. 2. [Le compl. d'obj. désigne une chose] (par, dans, avec + subst.; à + inf.; en + part. prés.).Favoriser, faciliter quelque chose; contribuer au développement, à l'exécution, à la réussite de quelque chose. a) [Le compl. d'obj. désigne une fonction, etc. ou un aspect de la condition hum.] Aider la mémoire par tous les moyens; aider la nature; aider l'exil par des secours; aider l'esprit dans ses recherches. − Plus rare, vieilli. Aider une action (auj. plutôt : aider à une action, infra B 2) : 6. ... l'Assemblée nationale attend du patriotisme du district des Cordeliers qu'il aidera l'exécution du décret, loin d'y porter obstacle.
Marat, Les Pamphlets,Appel à la nation, 1790, p. 148. 7. Quant à moi, je croirais plutôt que si cet ordre, cette grande harmonie sociale a un but, c'est d'aider le libre progrès, de favoriser l'avancement de tous par tous.
J. Michelet, Le Peuple,1846, p. 359. b) [Le compl. d'obj. désigne une chose mécan.] − MAR. ,,[Aider] un bâtiment dans son mouvement, c'est joindre la manœuvre de la voilure à celle du gouvernail. On aide aussi les évolutions des petits bâtimens, avec des avirons ou par des canots, lorsqu'il fait presque calme.`` (Will. 1831). Rem. Attesté ds Besch. 1845 avec l'expr. ,,aider une ancre, lui mettre des planches aux pattes, quand le fond de la mer tient mal``. B.− Emploi trans. indir. 1. Vieilli. [Le compl. d'obj. désigne une pers.] Aider à qqn (à + inf.; par + subst.) : 8. ... si une parole n'avoit agi, comment l'édifice du monde auroit-il donc reçu l'être? Si une parole n'avoit agi, comment l'homme auroit-il senti sa sublime destination? Quelle difficulté que la même parole agisse encore pour lui offrir des consolations dans ses abymes, et pour lui aider à en sortir?
L.-C. de Saint-Martin, L'Homme de désir,1790, p. 46. 9. La mère filait du chanvre, les petits garçons aidaient au père, les petites avaient soin du ménage et s'élevaient les unes les autres...
E. About, Le Nez d'un notaire,1862, p. 106. − Proverbes. Dieu aide à trois sortes de personnes : aux fous, aux enfants et aux ivrognes (Ac. Compl. 1842); À qui se lève matin Dieu aide et prête la main (Besch. 1845). Cf. également la formule inus. auj. ainsi m'aide Dieu, ou ainsi Dieu m'aide! (Besch. 1845). Rem. Le verbe aider hésite entre le régime dir. et le régime indir. Certains grammairiens, dont l'Ac., estiment qu'à cette différence de constr. correspond une différence de signif. (aider qqn jouirait d'une plus large ext. et pourrait notamment servir à désigner une aide morale; aider à qqn ne pourrait exprimer qu'une aide matérielle ou phys. de caractère momentané). L'usage ne confirme guère cette distinction. En revanche, il y a lieu de souligner que la constr. aider à qqn, habituelle en a. fr. et fréq. dans la lang. class., est auj. très vieillie. 2. [Le compl. d'obj. désigne une chose] Aider à qqc. (de + subst.). Aider à la carrière de qqn; aider au succès d'un livre; aider aux travaux du ménage : 10. Là, l'air plus vif, l'attrait des rocs pleins de retraits et de surprises, la profondeur inconnue des vallons, aidant à ma force, à ma joie, favorisèrent mon élan.
A. Gide, L'Immoraliste,1902, p. 400. 11. ... Blum considère la race juive comme supérieure, comme appelée à dominer après avoir été longtemps dominée, et croit qu'il est de son devoir de travailler à son triomphe, d'y aider de toutes ses forces.
A. Gide, Journal,1914, p. 396. − P. iron. : 12. Tandis qu'il vivait au cercle, sa femme, une blonde molle et placide, aidait à la ruine de la maison Rougon par un goût prononcé pour les toilettes voyantes et par un appétit formidable, très curieux chez une créature aussi frêle.
É. Zola, La Fortune des Rougon,1871, pp. 64-65. Rem. Cf. également les expr. aider à la banqueroute; aider à ruiner; aider à perdre (Besch. 1845). − Vieilli. Aider à la lettre. Suppléer à ce qui manque dans une phrase, un texte; pénétrer le sens d'un texte obscur en entrant dans l'intention de son auteur. ♦ P. ext. Interpréter un texte à sa fantaisie; altérer la vérité pour amuser ou tromper son auditoire : 13. Alors, en examinant avec soin son extrait de baptême, dans l'original, il reconnut que l'L étoit formé de telle manière qu'il pouvoit hardiment passer pour un D : on n'oseroit pas affirmer que l'astucieux maître d'école n'ait pas un peu aidé à la lettre.
H. de Balzac, Annette et le criminel,t. 3, 1824, p. 18. Rem. Aider à qqc. concurrence la constr. aider qqc.; il semble que la 1rel'emporte nettement sur la seconde lorsque aider à est suivi d'un subst. d'action. II.− Emploi pronom. A.− Emploi pronom. réfl. − S'aider de qqc. (ou de qqn). Se servir de quelque chose (ou de quelqu'un), en tirer parti pour se faciliter l'accomplissement de certaines entreprises. S'aider des pieds et des mains : 14. Les rues sont disposées en échelle et, socialement, on y grimpe, comme le perroquet, en s'aidant du bec et des ongles.
P. Morand, New-York,1930, p. 272. − S'aider dans qqc. (par ...); s'aider par qqc.; s'aider à qqc.; s'aider à + inf.; s'aider soi-même (de qqc.) − Emploi abs., vx. S'aider. Faire soi-même et le premier tout ce qui est en son pouvoir pour se sortir d'une situation difficile ou pour réussir dans une entreprise : 15. Le hasard m'a un peu servi, je me suis aussi aidé beaucoup, et me voici marquis de Chamery.
P.-A. Ponson du Terrail, Rocambole,t. 4, Les Exploits de Rocambole, 1859, p. 41. Rem. L'expr. usuelle est s'aider soi-même, qu'on trouve aussi dans le proverbe aide-toi, le Ciel t'aidera (La Fontaine, Le Charretier embourbé) : 16. ... le docteur et ses amis n'avaient pas perdu de vue la maxime : Aide-toi le ciel t'aidera! et ils ne voulaient compter que sur eux-mêmes.
J. Verne, Les Cinq cents millions de la Bégum,1879, p. 173. B.− Emploi pronom. réciproque − S'aider mutuellement; s'aider les uns les autres...; s'aider à (ou pour) + inf.; s'aider dans (ou pour) qqc. − Absol., vieilli. S'aider.S'assister, se secourir réciproquement. Synon. usuel s'entraider : 17. La Maternité? est-ce tout? non, la vie commune introduit l'insecte au seuil d'un ordre plus haut encore de sentiments. Même chez ceux qui sont isolés, chez les nécrophores, par exemple, et les scarabées pilulaires, la coopération fraternelle commence. Ils se rendent des services, vont au secours les uns des autres, s'aident pour certains travaux.
J. Michelet, L'Insecte,1857, p. 372. Prononc. − 1. Forme phon. : [εde] ou [ede], j'aide [ʒ
εd]. Barbeau-Rodhe 1930, Harrap's 1963, Dub. et Goug. 1969 transcrivent la 1resyllabe de l'inf. avec [ε] ouvert. Barbeau-Rodhe 1930 note une durée mi-longue pour la 1resyllabe de l'inf. et une durée longue pour la forme conjuguée. Pt Rob. et Pt Lar. 1968 transcrivent l'inf. avec [e] fermé. Passy 1914 donne 2 possibilités de prononc. avec [e] fermé mi-long ou avec [ε] ouvert mi-long. D'apr. Warn. 1968, [ε] ouvert relève du lang. soutenu et [e] fermé du lang. cour. Enq. : /e2d/. Conjug. parler. 2. Homon. : s'aider et céder. 3. Dér. et composés : aidable, aidance, aidant, aide1, aide2, aideau, aide-mémoire, aideur, entr'aider. 4. Hist. − Fér. 1768, Fér. Crit. t. 1 1787, Gattel 1841 et Fél. 1851 transcrivent le mot avec [e] fermé, Land. 1834, Nod. 1844, Littré et DG avec [ε] ouvert. Littré note [ε:] ouvert long. Étymol. ET HIST. − 2emoitié xes. trans. [ind. prés. 3] aiud (St Léger, éd. Foerster et Koschwitz, Altfrz. Übungsbuch, vers 239 : il nos aiud ob ciel senior porcui sustinc tels passïons); xies. aidiez [impér. 2 plur.] (+ datif de pers.) a (+ inf.) (Alexis, éd. Paris et Pannier, 93 b : Aidiez m'a plaindre le dol de mon ami); ca 1100 aïe [impér. 2 sing.] (Rol., éd. Bédier, 1906 : Paien escrient : « Aïe nos, Mahum! »); id. aiue [impér. 2 sing.] (Ibid., 2303 : « E! » dist li quens, « seinte Marie, aiue! »); 1174 ajue [ind. prés. 3] (Benoit de Ste Maure, Chron. ducs de Normandie, 2, 18690 ds Gdf. : Li nies le roi fort s'i ajue Od la trenchante espee nue).
Du lat. adjutare « aider » (fréquentatif de adjuvare « id. ») construit avec acc. de pers. dep. Acc., Trag., 103 ds TLL s.v., 713, 75; avec datif de pers. dep. Pacuv., Trag., 98, ibid., 713, 70. STAT. − Fréq. abs. litt. : 6 832. Fréq. rel. litt. : xixes. : a) 7 588, b) 9 065; xxes. : a) 9 152, b) 12 221. BBG. − Bailly (R.) 1969 [1946]. − Bar 1960. − Bél. 1957. − Bénac 1956. − Boiss.8. − Bonnaire 1835. − Caput 1969. − Dup. 1961. − Fér. 1768. − Foulet (L.). Si m'aït Dieus et l'ordre des mots. Romania. 1927, t. 53, pp. 301-324. − Girard 1756. − Goug. Lang. pop. 1929, p. 25. − Guizot 1864. − Hanse 1949. − Kold. 1902. − Laf. Suppl. 1878. − Lav. Diffic. 1846. − Le Roux 1752. − Martin (E.). S'il y a une différence entre aider et aider à. Courrier (Le) de Vaugelas. 1878, t. 8, pp. 130-131. − Noter-Léc. 1912. − Pope 1961, § 190, 217, 281, 316, 350, 412, 424, 529, 759, 877, 909, 925, 1058. − Prév. 1755. − Sardou 1877. − Sommer 1882. − Synon. 1818. − Tondr.-Vill. 1968. − Will. 1831. |