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AFFRES, subst. fém. plur.
Grande épouvante, angoisse.
A.− Emploi abs. [ou avec une détermination précisant la pers. qui endure les affres]
1. Épouvante comme celle qu'inspire l'imminence de la mort, la nuit noire, etc. :
1. Déchiremens, sanglots, affres, angoisses, transes Le sort se rit de tout... A. Pommier, Océanides et fantaisies,1839, p. 254.
2. ... chaque jour ... me rapproche de ce qui me terrifie. Ma vie est une agonie pleine d'affres et d'épouvantements. A. France, La Chemise,1909, p. 255.
3. ... elle raconta avec des cris, avec des terreurs qu'elle ressentait encore comme si, encore, s'allongeait devant elle la main armée du poison, la main mystérieuse, (...) elle raconta la nuit précédente et toutes ses affres... G. Leroux, Rouletabille chez le tsar,1912, p. 104.
4. Ainsi jadis, si l'on en croit Goncourt, le père du naturalisme et des Rougon-Macquart, réveillé en pleine nuit par les mêmes affres, se jetait au bas du lit, donnant le spectacle d'un accusateur en bannière et tremblant de peur à son épouse consternée. G. Bernanos, Sous le soleil de Satan,1926, p. 289.
5. J'éprouvais, devant mon fils, un sentiment confus où la curiosité dominait : l'agitation de ce malheureux, cette terreur, ces affres que je pouvais interrompre d'un mot... comme cela m'apparaissait étrange! F. Mauriac, Le Nœud de vipères,1932, p. 252.
2. Plus gén. Très grande angoisse :
6. J'ai pris ma plume, et me voilà dans les affres. Car le Narcisse longuement rêvé ne devrait se faire que minutieusement, à courtes heures! Et je souffre de le voir s'augmenter facilement presque... A. Gide, P. Valéry, Correspondance,lettre de P. V. à A. G., févr. 1891, p. 48.
7. La vie est à monter, et non pas à descendre; Elle est un escalier gardé par des flambeaux; Et les affres, les pleurs, les crimes, les fléaux, Et les espoirs, les triomphes, les cris, les fêtes, Grappes de fer et d'or dont ses rampes sont faites, S'y nouent, violemment, en une âpre beauté. É. Verhaeren, La Multiple splendeur,1906, pp. 98-99.
8. Je comprenais les affres qui avaient déchiré le cœur de ma chère Justine. Je courus à la cuisine où je la trouvai plongée encore dans un sombre désespoir. Je l'embrassai avec effusion et lui demandai pardon des angoisses que je lui avais causées bien involontairement par mon étourderie. A. France, La Vie en fleur,1922, p. 308.
9. Comme si ma peine lui était devenue claire en me déchirant et qu'elle pût lire enfin dans mes affres, mais en passante, qu'elle pût sans en avoir sa part être sensible à la douleur qui nous éloignait... moi, je pensais : « ce n'était pas parce qu'elle était toute ma vie qu'elle pouvait être plus près de moi! » C'est toujours le même malentendu. J. Bousquet, Traduit du silence,1935-1936, pp. 152-153.
10. La dernière partie du spectacle est, en face de tout ce qui se triture de sale, de brutal, d'infamant, sur nos scènes européennes, d'un anachronisme adorable. Et je ne sais quel est le théâtre qui oserait clouer ainsi et comme au naturel les affres d'une âme en proie aux phantasmes de l'au-delà. A. Artaud, Le Théâtre et son double,1939, p. 78.
11. À l'instant de la révolte, lorsqu'il découvre le sens de son illumination intérieure, Rimbaud brave la malédiction : il revendique hautement les affres réservées au poète, « le grand criminel et le grand savant ». Mais bientôt viendra le tourment de la Saison en enfer : celui qui a cru pouvoir échapper à la condition humaine en créant son rêve, celui qui a accepté de se détruire pour parvenir aux joies de la connaissance, renoncera à poursuivre l'aventure magique. A. Béguin, L'Âme romantique et le rêve,1939, pp. 386-387.
12. La vie, le sens de la vie, ses jouissances et ses affres se dégagent telle la fumée d'une flambée ébauchant dans ses méandres des monstres errants. R. Huyghe, Dialogue avec le visible,1955, p. 97.
Rem. Dans les ex. 8, 12 les déterminations qui accompagnent affres précisent la personne qui les endure.
B.− [Avec un compl. de nom introd. par la prép. de, ou un adj. équivalent précisant l'orig. de l'épouvante ou de l'angoisse]
1. [Le compl. appartient au domaine physique]
a) Affres de la mort :
13. ... « El Leon », les traits envahis d'une pâleur mortelle, frémissait en proie aux affres de la douleur; ... L. Cladel, Ompdrailles,1879, p. 304.
14. Alors un sourire de joie se peignit parmi la mort de son visage, et avec une volonté extraordinaire presque au milieu des affres de l'agonie, elle commanda qu'on l'habillât, pour célébrer la fête, elle aussi. É. Bourges, Le Crépuscule des dieux,1884, pp. 83-84.
15. Elle [la cloche] est baptisée ainsi qu'une personne, et ointe du chrême du salut qui la consacre; d'après la rubrique du Pontifical, elle est aussi sanctifiée, dans l'intérieur de son calice, par un évêque, de sept onctions faites en forme de croix, avec l'huile des infirmes; elle doit ainsi porter aux mourants la voix consolatrice qui les soutient dans leurs dernières affres. J.-K. Huysmans, Là-bas,t. 1, 1891, p. 62.
16. Aux très vieux temps, il était recommandé, dans les affres de la torture, d'invoquer le bon larron, et de rester immobile, de ne pas bouger, de ne pas remuer les lèvres, quelle que fût l'angoisse. L. Bloy, La Femme pauvre,1897, p. 235.
17. Nous ne redoutons la mort qu'en projetant inconsciemment l'irréalité de l'espace et du monde dans la réalité de cette ponctualité d'être que constitue notre vie présente, et les affres de la mort reposent en grande partie sur cette apparence illusoire que c'est le moi qui va disparaître, tandis que le monde demeure. J. Vuillemin, Essai sur la signification de la mort,1949, p. 62.
Rem. 1. Syntagmes usuels affres de l'agonie, de la torture, de la douleur, dernières affres, etc. 2. Dans l'ex. suiv. l'écrivain crée une alliance de mots calquée sur l'expr. affres de la mort :
18. Tout nourrissait l'amertume de mes dégoûts : Lucile était malheureuse; ma mère ne me consolait pas; mon père me faisait éprouver les affres de la vie. Sa morosité augmentait avec l'âge; la vieillesse raidissait son âme comme son corps; il m'épiait sans cesse pour me gourmander. F.-R. de Chateaubriand, Mémoires d'Outre-Tombe, t. 1, 1848, p. 133.
b) P. ext. Souffrances physiques dues à la maladie ou au dénûment matériel :
19. Il y eut même, dans son cas, cette anomalie monstrueuse que les affres du dénûment, loin d'atténuer son chagrin, l'aggravèrent d'une manière atroce. L. Bloy, La Femme pauvre,1897, p. 192.
20. kiki-la-doucette. − Oui, toute la maison s'en émeut. C'est qu'aux premières affres de la nausée une grande détresse s'empare de moi, car la terre mollit sous mes pas. Les yeux dilatés, j'avale précipitamment une salive abondante et salée, tandis que m'échappent d'involontaires cris de ventriloque... Colette, Sept dialogues de bêtes,1905, p. 65.
21. En règle générale, la dégradation humaine coïncide avec les très faibles niveaux économiques : or, deux tiers environ de la population mondiale vivent dans les affres de la faim, 46 % du monde dit libre disposent de 2 000 calories par jour, soit 20 % de moins que le minimum F.A.O. (2 550). F. Perroux, L'Économie du XXesiècle,1964, p. 350.
2. [Le compl. appartient au domaine moral]
a) Angoisse née de tourments d'ordre psychique, intellectuel, métaphysique. Affres du doute, du désespoir :
22. Il n'avait pas encore tourné la tête que le son grêle et saccadé du grelot déchirait de nouveau son oreille et le rejetait avec toutes les affres du doute dans une nouvelle course à travers les bois. L. Pergaud, De Goupil à Margot,1910, p. 41.
23. − « Joie, joie, pleurs de joie! » − Nous attendions plutôt des cris d'angoisse, les affres du désespoir, un Pascal tout semblable à ce que nous serions nous-mêmes si nous pensions comme lui. H. Bremond, Hist. littéraire du sentiment religieux en France,t. 4, 1920, p. 414.
24. Il y a un drame perpétuel en moi entre raison et volonté. C'est pour cette dernière que j'ai opté! Je veux croire, croire en quelque chose, croire au progrès, à la justice, au bien, avoir foi dans les destinées de l'humanité. Ce n'est que de la sorte que j'ai un motif d'agir, une raison de vivre, et un suprême élément d'apaisement. Autrement, ce ne seraient que les affres du néant et du désespoir. M. Van der Meersch, Invasion 14,1935, p. 499.
25. ... désespoir de l'enfant à qui on enlève un kaléidoscope, à travers lequel le monde lui semblait merveilleux; affres de la solitude, un jour où il perd des yeux sa bonne d'enfant; effroi devant les grimaces d'un personnage du guignol, qui rompent pour lui l'harmonie du spectacle. Tous ces épisodes marquent le même mouvement, la même chute brutale de l'enfant arraché aux délices d'une belle illusion par une discordante irruption de la réalité. A. Béguin, L'Âme romantique et le rêve,1939, p. 219.
26. Si Agnès n'était pas heureuse avec lui, il n'était pas malheureux avec elle. Passé les affres du voyage de noces, où avec de l'étonnement et de l'ennui d'abord, de l'effroi ensuite, il avait vu Agnès ressentir dans une immédiate douleur son manque de passion, il avait été très occupé et très séduit par la nouveauté de ses occupations. P. Drieu La Rochelle, Rêveuse bourgeoisie,1939, p. 104.
27. Si le destin est l'ami de la mort, ce n'est point qu'une délectation morose le ravisse dans les affres du regret ou dans les délices de la transcendance. J. Vuillemin, Essai sur la signification de la mort,1949p. 212.
Spéc. et affaibli. Affres de l'amour. Tourments provoqués par l'amour :
28. Sa perversité fut le tremplin qui d'un ressaut la lança tout entière à l'extrême de la passion. Sans effroi devant les affres de l'amour, elle se félicitait de sa vita nuova : douloureux ou délectable, un intérêt vif animerait son existence, thème aux variations de l'humeur, mobile aux activités de la pensée; quelque chose où se prendre enfin! J. Péladan, Le Vice suprême,1884, pp. 282-283.
29. « Autrefois, quand nous possédions la santé, il y avait les souffrances morales, mille difficultés − et les affres de l'amour humain. Toutes ces douleurs n'allaient pas sans une obscure complaisance. F. Mauriac, Journal, 2,1937, p. 186.
30. ... une foule que les catastrophes de chemins de fer font trembler, qui connaît les tremblements de terre, la peste, la révolution, la guerre; qui est sensible aux affres désordonnées de l'amour, peut atteindre à toutes ces hautes notions et ne demande qu'à en prendre conscience, mais à condition qu'on sache lui parler son propre langage, ... A. Artaud, Le Théâtre et son double,1939, p. 90.
Stylistique − 1. De moindre vitalité pendant un certain temps où il était considéré comme vieilli, et où son emploi se limitait presque exclusivement à l'expr. les affres de la mort, affres connaît à l'époque mod. un renouveau dans la lang. littér. où il devient un synon. expr. et souvent hyperbolique de angoisse. Des poètes tels que Verhaeren ou St-John Perse vont jusqu'à l'employer au sing. : 31. Quel océan, ses cœurs! quel orage, ses nerfs! Quels nœuds de volontés serrés en son mystère! Victorieuse, elle [la ville] absorbe la terre; Vaincue, elle est l'affre de l'univers : Toujours, en son triomphe ou ses défaites, Elle apparaît géante, et son cri et son nom luit, Et la clarté que font ses feux dans la nuit Rayonne au loin, jusqu'aux planètes! É. Verhaeren, Les Villes tentaculaires, 1895, pp. 116-117. 32. ... ô vous toute présence, ô vous toute patience! Et comme un grand Ave de grâce sur nos pas chante tout bas le chant très pur de notre race. Et il y a un si long temps que veille en moi cette affre de douceur... Saint-John Perse, Exil, 1942, p. 272. 2. Ailleurs l'emploi sing. n'a guère survécu que dans l'expr. de fr. région. et pop. : se faire (une) affre de c.-à-d. avoir grand peur de, s'épouvanter de : 33. Je me fais une affre de cette entrevue. Ce jeune étudiant se faisait une affre de son examen d'Algèbre. Ne vous faites pas une affre de si peu de chose. J. Humbert, Nouveau glossaire genevois, 1852, p. 9. 34. Il a ein mal, ça fait affre de voir ça! Verr.-On. t. 1 1908, p. 19.
Prononc. ET ORTH. − 1. Forme phon. : [afʀ ̥]. Warn. 1968, donne la possibilité d'une prononc. avec [ɑ] post. long. Fouché Prononc. 1959, p. 58 : ,,on peut prononcer un [ɑ] long dans (une, il) balafre et dans les affres (de la mort)``. Enq. : /afʀ/. 2. Dér. et composés : affreusement, affreux. 3. Forme graph.− Les dict. du xixes. enregistrent la vedette au sing. mais précisent que le mot n'est usité qu'au plur. ou n'utilisent que le plur. dans leurs ex. Les dict. du xxes. traitent le mot uniquement au plur. 4. Hist. − Fér. Crit. t. 1 1787 : ,,l'a est long dit l'Acad. Il faudrait donc l'écrire avec un seul f et marquer l'â d'un accent circonflexe, car les lettres doubles désignent que la syllabe est brève. C'est même la seule bonne raison qui les a introduites et qui les fait se conserver.`` Les dict. de prononc. du xixes. (à l'exception de Nod. 1844, Besch. 1845 et Fél. 1851) notent la 1resyllabe longue. Mart. Comment prononce 1913, p. 31 précise à ce sujet : ,,L'a est ouvert de préférence, et par suite bref ou moyen, quand l'r est précédé d'une sourde, c'est-à-dire, en principe, dans les finales -apre, -acre, -atre et -afre : diacre, sacre, simulacre, nacre et massacre; battre et ses composés, avec quatre et barattre; affres et balafre. Quelques personnes ferment encore l'a dans affres.``
Étymol. ET HIST. − 1460 affre « transe, épouvante » (Cent nouvelles nouvelles, LXXV ds Gdf. Compl. : Il leur dit que, jour de sa vie, n'eut si belles affres qu'il avoit a cette heure eues). À partir du xviies. le mot ne s'emploie plus guère qu'au plur., il est considéré comme vieilli et ne subsistant pratiquement plus que dans l'expr. les affres de la mort. Renouveau du mot au xxes., supra. Empr. au prov. affre « effroi, épouvante », 2emoitié du xves. (Istorio de Sanct Poncz, 4525-4526, publ. par l'abbé P. Guillaume ds R. Lang. rom. XXXI, p. 536 : O los quals ors desmesuras! L'es ung tres grant affre de veyre), lui-même sans doute d'un got. *aifrs « âcre, amer » et « horrible, terrible » (cf. pour les deux sens de l'étymon germ. J. Brüch, Der Einfluss der germanischen Sprachen auf das Vulgärlatein, Heidelberg, 1913, p. 37), le sens d'« horrible, terrible » étant passé en prov. puis en fr., le sens d'« âcre, amer » dans l'ital. afro « âcre (en parlant de fruits) »; ce dernier mot, attesté plus tôt que les mots gallo-rom., est sans doute d'orig. ostrog., alors que le mot prov. est d'orig. wisigot. (Cf. Gam. Rom.1t. 1 1936, p. 385). V. Günther, ds FEW t. 151, s.v. *aifrs, tout en proposant l'étymon got., signale deux arguments contre l'hyp. d'un got. *aifrs, le got. étant valable sur le plan de l'ext. géogr. : 1. En ce qui concerne l'a. h. all. : l'adj. a. h. all. eiuer « amarus, horridus » (Diez5, II c, s.v. afre) attesté seulement dep. Notker (Graff t. 1 1834 col. 100 s.v. eipar) et sur lequel on fonde ce got. *aifrs, n'est pas nécessairement anc. mais pourrait être une formation second. à partir de l'a. h. all. aipar « id. » (Braune-Mitzka, Ahd. Gr. § 139, Anm. 5). L'alternance eipar/eiver ne peut donc servir de modèle à celle de abrs « fort, violent » (Feist 1939) / *aifrs, supposée pour le got. 2. En ce qui concerne l'indo-eur. : un got. *aifrs n'est possible que si l'on peut faire remonter l'ags. āfor « amer, sur » ainsi que l'a. h. all. eiuer à une base indo-eur. avec -p- (et non -bh-) c.-à-d. à un germ. -f- à partir de quoi seulement une alternance gramm. germ. f/b̄ est concevable. Or pour l'ags. āfor on suppose plutôt un indo-eur. -bh-, c.-à-d. *aibhro- (cf. Kluge 1967 s.v. eifer; Pokorny, Indogermanisches etymol. Wörterbuch 11).
STAT. − Fréq. abs. litt. : 132. Fréq. rel. litt. : xixes. : 3.
BBG. − Bailly (R.) 1969 [1946]. − Bar 1960. − Bél. 1957. − Bénac 1956. − Boiss.8. − Bonnaire 1835. − Dauzat Ling. fr. 1946, p. 6. − La Rue 1954. − Sardou 1877. − Tondr.-Vill. 1968.