| AFFERMIR, verbe trans. I.− Emploi trans. Rendre progressivement (plus) ferme, (plus) consistant, (plus) stable. A.− [L'obj. est une chose concr.] :
1. On entassa des pierres sur la plate-forme des tours, et les maisons qui touchaient immédiatement au rempart furent bourrées avec du sable pour l'affermir et augmenter son épaisseur.
G. Flaubert, Salammbô,t. 2, 1863, p. 78. 2. [Jean Goujon] a plus de jeunesse et de fraîcheur que les maîtres italiens qu'il imite; son ciseau affermit, aiguise les rondeurs du peintre décadent; ...
L. Hourticq, Hist. générale de l'art,La France, 1914, p. 165. 3. Chacun sait bien aussi que l'exécution, dans les broderies et tapisseries, dans les faïences peintes, donne du style aux ornements. Et déjà la forme de l'objet, comme une assiette ou un vase, ou bien les cases régulières d'une frise, affermissent le dessin et délivrent de l'imitation puérile.
Alain, Système des beaux-arts,1920, p. 203. − Par métaph. : 4. ... c'est un ennemi continental que M. Delcassé nous mettait sur le dos. Dès ce moment-là, nous aurions eu besoin d'affermir et de consolider notre armée de terre. Mais, précisément dans les années qui suivirent, on ne travailla qu'à la désorganiser.
Ch. Maurras, Kiel et Tanger,1914, p. 64. 5. ... dès que la tonalité est affermie le sentiment musical s'y complait et n'accepte pas volontiers des modulations trop prématurées qui pourraient effacer la première impression tonale; ...
H. Reber, Traité d'harmonie,1949, p. 55. B.− Au fig. 1. [L'obj. désigne une partie du corps ou un comportement corporel, envisagés du point de vue de l'impression qui s'en dégage] Donner une impression de consistance, voire de force : 6. En dépit du nez court, du menton romain qui affermissaient le visage, il [Michel] ressemblait à un enfant vieilli...
Colette, Duo,1934, p. 55. 7. Il avait sorti son crayon, et, pour affermir sa contenance, écrivait n'importe quoi dans les marges du feuillet.
H. de Montherlant, Les Célibataires,1934, p. 847. 8. Maintenant, faites deux ou trois fois « hum! » non, non, vous avez l'air d'un asthmatique. Faites « hum! » comme quelqu'un qui désire affermir sa voix.
G. Duhamel, Chronique des Pasquier,Le Combat contre les ombres, 1939, p. 41. 2. [L'obj. est une entité abstr.] Consolider. a) Domaine mor., intellectuel : 9. Mais, je dois me hâter de le dire, l'étude et la réflexion n'ont fait qu'affermir mes convictions au lieu de les ébranler, et ce sont précisément ces convictions que je désire faire partager, en en développant les motifs dans la suite de cet ouvrage.
C. Bernard, Principes de médecine expérimentale,1878, p. 92. Rem. Syntagmes : - ses convictions, ses jugements, ses pensées, sa résolution, sa volonté, etc. b) Domaine pol. : 10. Les gouvernements sont une chose qui s'établit de soi-même; ils se font, et on ne les fait pas. On les affermit, on leur donne la consistance, mais non pas l'être.
J. Joubert, Pensées,t. 1, 1824, p. 344. 11. ... arrête que tous les membres de cette assemblée prêteront à l'instant serment solennel de ne jamais se séparer et de se rassembler partout où les circonstances l'exigeront, jusqu'à ce que la constitution du royaume soit établie et affermie sur des fondements solides; ...
Erckmann-Chatrian, Histoire d'un paysan,t. 1, 1870, pp. 244-245. Rem. Syntagmes : - la constitution, un empire, l'État, le gouvernement, les institutions, le pouvoir, la république, etc. − P. méton. [L'obj. est une pers., un groupe hum.; ce qui est affermi s'exprime par un compl. circ. introd. par la prép. dans] :
12. Pourquoi donc s'irriter toujours, comme si la contradiction violente n'affermissait pas les hommes dans leurs opinions?
J. Michelet, Journal,1820, p. 77. 13. Elle [Frédérique] le prenait [le roi] avec son regard, essayait de l'affermir, de le redresser...
A. Daudet, Les Rois en exil,1879, p. 147. C.− Emplois techn. 1. ARCHIT. Affermir un terrain. ,,Rendre un sol plus consistant pour éviter des tassements ultérieurs.`` (Barb.-Card. 1963); cf. également Besch. 1845). 2. MANÈGE − Affermir la bouche d'un cheval. ,,L'accoutumer à la bride.`` (Ac. Compl. 1842); cf. également Besch. 1845, Lar. 19e, Littré, Nouv. Lar. ill., DG, Quillet 1965). − Affermir un cheval sur les hanches. ,,L'habituer à tenir les hanches basses.`` (Ac. Compl. 1842); cf. également Besch. 1845, Lar. 19e, Littré, Nouv. Lar. ill., DG). II.− Emploi pronom. Devenir (plus) ferme. Prendre plus de consistance, de stabilité. A.− [Le suj. est une chose concr.] :
14. J'ai su des alexandrins comment la terre, d'abord molle et ductile, s'affermit à mesure que Nérée s'en retirait pour creuser des demeures humides; ...
A. France, L'Île des pingouins,1908, p. 165. B.− Au fig. 1. [Le suj. est une partie du corps, un aspect du comportement, etc.] :
15. Cette conjecture se confirme par cette considération, que la partie postérieure est toujours molle, et presque gélatineuse; c'est qu'elle ne s'affermira qu'au moment où elle sera prête à servir, comme les dents de remplacement des quadrupèdes.
G. Cuvier, Leçons d'anatomie comparée,t. 3, 1805, pp. 345-346. 16. « Je vous rends le roi en bon état, Dieu merci, dit le médecin au duc d'Orléans, au duc de Bourgogne et au duc de Berri; mais dorénavant gardez-vous de l'irriter ou de l'affliger; sa tête n'est pas encore bien forte; peu à peu elle s'affermira. Ainsi les amusemens et les distractions lui valent mieux que le travail et les conseils. »
P. de Barante, Hist. des ducs de Bourgogne,t. 2, 1824, p. 84. 17. Il ne lui est resté de sa jeunesse qu'un seul goût, celui de la chasse, exercice nécessaire à sa santé qui, d'ailleurs, semble s'affermir.
F.-R. de Chateaubriand, Mémoires d'Outre-Tombe,t. 3, 1848, p. 475. 2. [Le suj. est une entité abstr.] a) Domaine mor., intellectuel : 18. Je suis parvenu en effet à un point où le besoin s'affirme absolu de mettre entièrement d'accord tous mes actes avec ces vues de l'existence en général qui vont s'affermissant, s'affirmant sans cesse comme les seules pour moi valables.
Ch. Du Bos, Journal,déc. 1922, p. 212. b) Domaine pol. : 19. Mais si la France république fait une paix quelconque, est-il à présumer que ce régime puisse se consolider et s'affermir sur des bases durables?
G. Sénac de Meilhan, L'Émigré,1797, p. 1696. 20. ... rassuré par moi sur ce point, il a passé au ministère : « il s'affermit », m'a-t-il dit. J'ai répondu : « il n'a jamais été ébranlé, et comme il appartient à une opinion, il restera le maître tant que cette opinion dominera dans les chambres ».
F.-R. de Chateaubriand, Mémoires d'Outre-Tombe,t. 3, 1848, p. 94. 21. Tandis que les succès sur le front russe se confirment et s'affermissent, la situation militaire en Tunisie semble incertaine et précaire, et cette incertitude risque de se prolonger lontemps.
A. Gide, Journal,1942, p. 159. 22. À Londres, notre administration centrale s'était affermie; des hommes de qualité, comme Cassin, Pleven, Palewski, Antoine, Tissier, Dejean, Alphand, Dennery, Boris, Antier, etc., en formant l'ossature.
Ch. de Gaulle, Mémoires de guerre,L'Appel, 1954, p. 142. − P. méton. [Le suj. est une pers.; ce qui s'affermit s'exprime par un compl. circ. introd. par la prép. dans] :
23. J'eus beau regarder la comtesse, cette fois elle ne rougit plus, et il me parut qu'elle s'était affermie dans la résolution de ne pas me laisser pénétrer ses secrets.
H. de Balzac, Gobseck,1830, p. 424. C.− Emplois techn., MAN. Se tenir plus ferme sur les étriers : 24. Ainsi équipé il mit son cheval au galop et rejoignit bientôt le caporal qui avait pris les devants. Il s'affermit sur ses étriers, prit de la main gauche le fourreau de son sabre droit, et dit aux quatre Français : − Ces gens qui se sauvent sur la grande route ont l'air d'un troupeau de moutons...
Stendhal, La Chartreuse de Parme,1839, p. 55. 25. Omer s'assura que la jument l'enverrait encore de la crinière au troussequin s'il ne s'affermissait davantage.
P. Adam, L'Enfant d'Austerlitz,1902, p. 249. − P. anal. [En parlant de guerriers] :
26. Le chef s'avance, et s'arrête bientôt à quelques pas du front des guerriers : les roulements des tambours se font entendre, les capitaines courent à leur poste, les soldats s'affermissent dans leurs rangs.
F.-R. de Chateaubriand, Les Natchez,1826, p. 124. Rem. (S')affermir s'associe avec les synon. suiv. : ancrer, arrêter, asseoir, assurer, attacher, cimenter, confirmer, conforter, consolider, corroborer, déterminer, encourager, endurcir, établir, étayer, fixer, fortifier, immobiliser, préciser, raffermir, raidir, renforcer, sceller, tremper; avec les anton. suiv. : affaiblir, amollir, attendrir, débiliter, décourager, délabrer, ébranler, énerver, infirmer, mollir, ruiner. Prononc. ET ORTH. − 1. Forme phon. : [afε
ʀmi:ʀ], j'affermis [ʒafε
ʀmi]. − Rem. Fér. Crit. t. 1 1787 écrit affermir ou afermir avec un seul f. Enq. : /afeʀmi, afeʀmis/. Conjug. agir. 2. Dér. et composés : affermissement, raffermir, raffermissement. Cf. ferme. Étymol. ET HIST. − 1372 « rendre ferme, consolider (suj. et obj. inanimés) » (Corbichon, Propriét. des choses, remède contre peste, chap. 3, éd. 1522 ds R. Hist. litt. Fr., I, 491 : Et soit telle fumée aspirée et attraicte dedans le corps par la bouche et par les narines, car elle ratifie, afermist et conforte le cueur et les entrailles).
Dér. de ferme*, adj., sens propre; préf. a-1*. STAT. − Fréq. abs. litt. : 633. Fréq. rel. litt. : xixes. : a) 1 454, b) 713; xxes. : a) 522, b) 751. BBG. − Bailly (R.) 1969 [1946]. − Bar 1960. − Barb.-Card. 1963. − Bél. 1957. − Bénac 1956. − Boiss.8. − Bonnaire 1835. − Caput 1969. − Dup. 1961. − Gramm. t. 1 1789. − Guizot 1864. − Kold. 1902. − Laf. 1878. − Marcel 1938. − Sardou 1877. − Sommer 1882. − Synon. 1818. |