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ADOUBER, verbe trans.
A.− HIST. FÉOD. Armer quelqu'un chevalier :
1. Le soin d'armer l'adolescent n'avait pu appartenir, originellement, qu'à un chevalier déjà confirmé dans ce titre (...) Mais il arrivait aussi qu'on le confiât à un prélat. Dès 846, le pape Serge avait passé le baudrier au Carolingien Louis II. De même, Guillaume le Conquérant fit plus tard adouber un de ses fils, par l'archevêque de Canterbury... M. Bloch, La Société féodale,Paris, Albin Michel, t. 2, 1940, p. 51.
B.− P. ext., vieilli. Équiper, arranger.
1. Emploi trans., MAR. Réparer (un navire) (d'apr. Jal 1848).
Rem. On dit mieux radouber*, plus souvent attesté que adouber dans les dict. de mar. contemp.
2. Emploi abs., JEUX (échecs) :
2. Toucher au trictrac et aux échecs, une pièce seulement pour l'arranger et non pour la jouer. Il n'est guère usité qu'au présent j'adoube. C.-M. Gattel, Nouveau dict. portatif de la langue française,1797.
3. Adouber : Toucher une pièce amie ou ennemie, non pas dans l'intention de la jouer ou de la prendre, mais seulement pour la mettre correctement en place. Pour éviter tout malentendu, on énonce cette intention en disant avant de toucher la pièce « j'adoube » (expression française qui s'est transmise dans toutes les langues et chez tous les peuples). X. Tartakover, Bréviaire des échecs,1936, p. 48.
Rem. Encyclop. t. 1 1751 cite ce terme sous la forme adoubler non rencontrée ailleurs.
3. Régionalisme
a) ART CULIN. :
4. Adouber. Mettre du beurre ou du lard dans la soupe. C. Rouleau, Essai de folklore de la Sologne bourbonnaise,1935, p. 42.
Rem. FEW signale cet emploi également dans de nombreuses régions du sud de la Loire, dans le Béarn et aussi dans certaines régions du sud-est (Nice, Aix, ...).
b) MÉDECINE :
5. Adouber... Lg. − Remettre un membre cassé ou démis, réduire une fracture, une luxation. Syn. de Raccommoder. Verr.-On. t. 1 1908, p. 16.
c) TEXTILE :
6. Adouber (Thn.), v. a. et n. − Étirer un brin de fil pour faire disparaître un maton. Syn. de Éneiller. Verr.-On. t. 1 1908, p. 16
Rem. gén. 1. Malgré la diversité des domaines dialectaux où il est fait usage de adouber, on y trouve toujours le sens de accommoder, raccommoder, mettre en état. 2. Attesté ds Mots rares 1965, ce mot, comme tout arch., peut être employé de nos jours de façon iron. ou fam. pour exprimer l'action de se préparer, de s'apprêter (cf. aussi La Châtre t. 1 1865, p. 101).
Prononc. − 1. Forme phon. : [adube], j'adoube [ʒadub]. 2. Dér. et composés : adoubement, adoubeur (arch., cf. Ac. Compl. 1842), radouber (cf. Rob.) − Rem. Le mot est signalé comme arch. dès Ac. Compl. 1842.
Étymol. ET HIST. − 1. 1100 « équiper, armer (un homme de guerre) » (Roland, éd. Bédier, 1797 : adubent lor cors D'osbercs e de helmes); 2. id. « préparer (des armes) » (Ibid., 713 : escuz as cols e lances adubees); xiies. « orner, rehausser » (une arme) (Pèler. de Charlemagne, éd. Koschwitz, 458 ds T.-L. : s'espee al poign d'or adobet); 3. av. 1150 « armer chevalier » (Charroi de Nismes, éd. Jonckbloet, 25 ds T.-L. : Chevalier furent de novel adoubé), fréq. au xiies. Prob. de l'a. b. frq. *dubban, que Brüch (Z. fr. Spr. lit., XLIX, p. 290 et J. Brüch, Einfluss der germ. Sprachen auf das Vulgärlatein, 1913, pp. 37-38) déduit de l'a. fris. dubba « frapper » (Wiarda, Gesch. der ausgestorbenen altfries. Sprache, p. 94 ds J. Brüch, Einfluss der germ. Sprachen auf das Vulgärlatein, 1913), cf. fris. oriental dubben « frapper », m. néerl. dubben « secouer »), peut-être à rattacher à l'i.-e. dheubh-, dhubh « frapper », IEW, p. 268. Attesté d'abord en fr. comme terme milit. et spécialisé comme terme de chevalerie (on frappait le futur chevalier du plat de l'épée); empr. comme tel par l'a. nord. dubba « armer chevalier, préparer » (De Vries Anord. 1962), l'a. angl. dubban « id. » (NED dep. 1085, s.v. dub). Le fait qu'il s'agit d'un terme de chevalerie rend improbable l'hyp. d'un empr. du fr. à l'angl. sax. dubban, a. nord. dubba « frapper » (Diez5; Berger, Lehnwörter, p. 315; Hopfgarten, Altfrz. Wörter., p. 34) et celle d'un empr. de l'a. nord. à l'ags. (Falk-Torp 1960 s.v. Andøve). L'aire géogr. des formes germ. suggère une orig. « ingwaeone ». Fr. empr. comme terme féod. par prov., ital., esp., cat., port. Du sens « armer chevalier » est issu celui de « préparer », terme gén. et terme techn. − Gam. Rom2. t. 1, 1970, pp. 289-290 et p. 337.
BBG. − Bar 1960. − Bél. 1957. − Bénac 1956. − Berger (H.). Die Lehnwörter in der französischen Sprache ältester Zeit. Leipzig, 1899, p. 315. − Boiss.8. − Brøndal (V.). Et Ridderord i Oldnordisk. In : [Mélanges Jønsson (F.)]. København, 1928, pp. 365-376. − Brüch (J.). Bemerkungen zum französischen etymologischen Wörterbuch E. Gamillschegs. Z. fr. Spr. Lit. 1927, t. 49, p. 290. − Brüch (J.). Der Einfluss der germanischen Sprachen auf das Vulgärlatein. Heidelberg, 1913, pp. 37-38. − Dupin-Lab. 1846. − Hopfgarten (Gerhard). Der Untergang altfranzösischer Wörter germanischer Herkunft. 1926, pp. 34-40. − Jal 1848. − Mots rares 1965. − Prév. 1755.