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ADOPTER, verbe trans.
I.− DROIT
A.− Emploi trans. [L'obj. est une pers., enfant ou adulte] Prendre quelqu'un pour fils ou pour fille par un acte légal approprié :
1. Justement, il avait à Saint-Lô une vieille parente riche, qui cherchait une demoiselle de compagnie. La jeune fille serait parfaitement là, d'autant plus que cette dame, n'ayant pas d'enfant, pourrait s'attacher à elle, peut-être l'adopter plus tard. É. Zola, La joie de vivre,1884, p. 1033.
2. Ayant à peine connu sa mère prématurément ravie à la prostitution clandestine, elle avait été recueillie et adoptée par une matelassière de Montrouge. L. Bloy, La Femme pauvre,1897, p. 19.
Rem. Syntagmes usuels : adopter un enfant, les enfants de qqn, un orphelin, une nièce.
B.− Emploi pronom. réciproque :
3. ... l'adoption servait souvent à fonder de véritables familles. Il arrivait fréquemment à plusieurs personnes de s'adopter mutuellement; elles devenaient alors frères ou sœurs les unes des autres, et la parenté qui les unissait était aussi forte que s'ils étaient descendus d'une commune origine. É. Durkheim, De la Division du travail social,1893, p. 185.
P. ext., lang. cour. [L'obj. est une pers. quelconque, qui est dans le besoin] Accorder à quelqu'un une protection bienveillante et durable; l'admettre dans son cercle de famille :
4. Du vivant de son frère, alors que ses instincts de protectrice étaient encore sans emploi plus proche, elle se faisait la main en adoptant les enfants pauvres, les infirmes, tous les misérables à deux lieues à la ronde;... E.-M. de Vogüé, Les Morts qui parlent,1899, p. 89.
5. ... la directrice, notamment, se désole de son union stérile et elle adopte, du cœur, tous les bambins gentillets. L. Frapié, La Maternelle,1904, p. 35.
P. anal. [L'obj. est un animal fam.] Adopter un chien.
II.− Choisir de propos délibéré.
A.− [L'obj. est une pers.] Porter son choix sur quelqu'un en raison de sa valeur (morale, spirituelle, littéraire, symbolique).
1. Pour former groupe avec lui :
6. Verlaine étant déjà fourbu quand le symbolisme l'adopta et le tira de l'obscurité. A. Thibaudet, Réflexions sur la littérature,1936, p. 10.
7. Vous le savez, messieurs, comme la révolution survenue l'adopte, le fait sien, le proclame et s'enivre de lui. P. Valéry, Variété 3,1936, p. 166.
2. Pour se placer sous son autorité. Adopter un directeur de conscience.
B.− [L'obj. est une chose]
1. Choisir de propos délibéré quelque chose pour le faire sien, s'y rallier, y conformer sa vie :
8. Elle avait commencé, un beau jour, à le trouver bête et ridicule, parce que les amis qu'elle avait parmi de jeunes auteurs et acteurs lui avaient assuré qu'il l'était, et elle répétait à son tour ce qu'ils avaient dit, avec cette passion, cette absence de réserves qu'on montre chaque fois qu'on reçoit du dehors et qu'on adopte des opinions ou des usages qu'on ignorait entièrement. M. Proust, À la recherche du temps perdu,À l'ombre des jeunes filles en fleurs, 1918, p. 782.
9. Le sentiment pieux, pour s'exprimer, invente le geste, ou l'adopte, puis, de dessous le geste, s'esquive, et bientôt le geste en tient lieu; ... A. Gide, Journal,1940, p. 39.
10. ... ce que je regarde reste devant moi; ce que j'adopte pénètre chez moi; le vouloir et la valeur sont confondus et unis. P. Ricœur, Philosophie de la volonté,1949, p. 77.
11. ... consentir c'est moins constater la nécessité que l'adopter; c'est dire oui à ce qui est déjà déterminé; c'est convertir en soi l'hostilité de la nature, en liberté la nécessité. P. Ricœur, Philosophie de la volonté,1949p. 324.
Rem. Syntagmes usuels 1. [l'obj. est une chose qui représente une valeur] a) Chose concr. : adopter un insigne, la croix de Lorraine, une devise, une maxime. Adopter des techniques, les thérapeutiques nouvelles. b) Chose abstr. : adopter une conception, un critère, un critérium, une hypothèse, un plan, un plan général, un plan d'action, un postulat, un principe, une théorie, une règle, une ligne de conduite, un point de vue. Adopter un humanisme, une philosophie, une politique. Adopter des dispositions, des doctrines, les rites d'une conférie, d'une religion. Spéc., LING. LITT. : adopter le mot, le sens d'un mot, le vocabulaire, une terminologie, une orthographe, un langage, un tour de langage, des tours de phrase, des caractères stylistiques, le style de qqn, le rythme d'une phrase, un texte, une version (d'un texte). 2. [L'obj. est une attitude extérieure ou intérieure] : Adopter un air digne, une attitude, un comportement, un maintien, un ton, une pose, un genre, une mode, une coiffure. Adopter deux personnalités.
2. En partic. [En parlant d'une assemblée délibérante] Donner par un vote un caractère officiel et définitif à l'objet de la délibération :
12. ... vous pourrez croire que vous ferez un grand acte de justice et même de générosité, si, écartant l'idée de ces négociations absurdes et sans objet, vous vous contentez d'adopter le projet de décret que j'ai l'honneur de vous proposer : « L'Assemblée nationale déclare que la ville d'Avignon et son territoire font partie de l'Empire françois, ordonne que tous ses décrets y seront aussitôt envoyés pour y être exécutés comme dans le reste de la France. » M. de Robespierre, Discours,Sur la pétition du peuple avignonois, t. 6, 1793, pp. 596-597.
13. Toutefois, la crainte de heurter les Anglo-saxons, qui était pour les « politiques » une seconde nature, détourna l'Assemblée d'adopter sur ce point la motion catégorique que j'aurais souhaitée. Ch. de Gaulle, Mémoires de guerre,L'Unité, 1956, p. 155.
Rem. 1. Syntagmes fréq. : adopter une convention, une ordonnance, un programme, un projet, une résolution. Adopter des amendements, des conclusions, des décisions. Proposition, conclusion adoptée à l'unanimité. 2. Même dans son sens affaibli, le verbe conserve l'idée d'un choix destiné à durer au moins un certain temps et à jouer un rôle, même minime, dans la vie des personnes affectées par lui.
Prononc. − 1. Forme phon. : [adɔpte], j'adopte [ʒadɔpt]. Enq. : /ado2pt/. Conjug. parler. 2. Dér. et composés : adoptable, adoptant, adoptianisme (cf. Lar. encyclop.), adoptien, adoptif, adoption.
Étymol. ET HIST. − 1. 2emoitié xiiies. (?) dr. antique « donner à qqn le rang et les droits de fils ou de fille » (Digestes, ms. Montpellier, fol. 9c ds Gdf. Compl. : ... puis que li peres qui l'adopte fu fes senateur); l'adoption étant inconnue dans l'anc. dr. fr., jusqu'à la Révolution, le terme est toujours empl., au sens propre, en référence à l'antiquité ou à des législations étrangères. Le 18 janvier 1792, l'Assemblée nationale décrète que son comité de législation comprendrait, dans son plan général des lois civiles, les lois relatives à l'adoption; mais cette pratique est seulement introduite dans les lois fr. par le Code Civil en l'an XII; 2. 1remoitié xives. « admettre (un fait, un point de vue) » part. passé fém. substantivé « disposition admise ». (Ph. de Vitry, Métam. d'Ov., éd. Tarbé, p. 7 ds Gdf. s.v. adoptee : Ainsi est l'ordenance toute Des elemens manifestee, Qui garde bien ceste adoptee). Empr. au lat. adoptare « id. » au sens 1 dep. Plaute, Poen., 1059 ds TLL s.v., 810, 36; au sens 2 en lat. impérial : Sen., Epist., 13, 17, ibid., 811, 55 : Epicuri dicta, quae mihi et laudare et adoptare permisi.
STAT. − Fréq. abs. litt. : 2 803. Fréq. rel. litt. : xixes. : a) 5 790, b) 2 516; xxes. : a) 2 636, b) 4 045.
BBG. − Bailly (R.) 1969. − Bar 1960. − Bél. 1957. − Bénac 1956. − Canada 1930. − Caput 1969. − Dup. 1961. − Fér. 1768. − Kold. 1902. − Laf. 1878. − Lafon 1963. − Prév. 1755. − Ritter (E.). Les Quatre dictionnaires français. Remarques lexicographiques. B. de l'Inst. nat. genevois. 1905, t. 36, p. 341.