| ADJOINDRE, verbe trans. I.− Emploi trans. Ajouter, pour les mettre ensemble, une ou plusieurs personnes ou choses à une ou plusieurs autres personnes ou choses. A.− [En parlant de pers.] Associer une personne à une autre personne pour qu'elle lui serve d'aide et de renfort dans l'accomplissement d'une tâche : 1. Le baron d'Eckstein formera à lui seul le conseil de rédaction. Ce n'est pas mal choisi : mais il eût été mieux, ce me semble, de lui adjoindre un ou plusieurs collègues.
M. de Guérin, Correspondance,1834, p. 141. 2. ... les articles de Zola, sympathiques à Manet, créaient un tel scandale qu'on lui adjoignait un collaborateur d'idées opposées.
C. Mauclair, Les Maîtres de l'impressionnisme,1904, p. 127. 3. De même qu'aux fils d'Aaron, Eléazar et Ithamar, vous avez transmis la plénitude du sacerdoce accordé à leur père, (...) pareillement, Seigneur, aux apôtres de votre fils vous avez adjoint les docteurs de la Foi dont l'aide leur a permis de répandre dans le monde entier le bienfait de la prédication du salut.
A. Billy, Introïbo,1939, p. 145. B.− [En parlant d'inanimés] Rare. Ajouter une chose à une autre à titre de renfort ou de complément : 4. Elle a adjoint à son établissement une boutique de curiosités où elle se livre vis-à-vis de l'étranger à une réclame des plus tenaces pour qu'il lui prenne ses assiettes du Japon, son point d'Angleterre, ses colibris empaillés ou ses gros Faënza qu'elle veut faire passer naïvement pour des Palissy.
G. Flaubert, Par les champs et par les grèves,Touraine et Bretagne, 1848, p. 388. 5. Je veux adjoindre à nos efforts, mettre au service de la France les forces morales pour tenir en échec les forces économiques, les forces bestiales coalisées contre nous.
M. Barrès, Mes cahiers,t. 13, juin 1920-janv. 1921, p. 3. 6. ... ils adjoignaient à leur nom celui de la ville dont ils étaient originaires, surtout si cette ville était de celles qui gravitaient autour de Paris ...
E. Faral, La Vie quotidienne au temps de saint Louis,1942, p. 18. Rem. 1. Adjoindre est, dans cet emploi, un synon. renforcé de joindre, auquel il donne une valeur plus nettement perf., c.-à-d. d'insistance sur le but à atteindre. À la différence de joindre, qui s'emploie principalement pour des inanimés, adjoindre s'emploie surtout pour des animés. 2. L'anc. lang. connaissait un emploi prép. du participe-gérondif joignant (cf. en fr. mod. jouxtant) au sens de « près de »; d'où, p. anal., adjoignant : 7. Madame se leva, et nous allâmes au réchaud. Nous le mîmes sur une petite table adjoignant la rampe de l'escalier.
F.-R. de Chateaubriand, Mémoires d'Outre-Tombe,t. 4, 1848, p. 271. II.− Emploi pronom. A.− [Emploi pronom. à valeur passive] S'ajouter, être ajouté : 8. ... c'est du réalisme seul qu'il est, pour le moment, question. Son souci accru va forcer la ligne, à laquelle la couleur s'était adjointe dès la préhistoire, à imiter non seulement ce qui répond à sa nature mais aussi ce qui l'excède.
R. Huyghe, Dialogue avec le visible,1955, p. 128. B.− [Emploi pronom. à valeur réfl.] 1. [Le réfléchi est obj. dir.] :
9. Cet établissement sera sous la surveillance du conseil municipal, auquel s'adjoindra le curé comme président.
H. de Balzac, Le Médecin de campagne,1833, p. 97. 10. C'étaient, dans le principe, des dîners à trente-cinq sous, mais avec des suppléments, mais avec, en bas, vous attendant au comptoir, des diamants, qui étaient des verres d'eau-de-vie, dont le fils Dinochau vous faisait l'offre, en l'accompagnant d'un petit air de violon tout à fait engageant. Puis bientôt, des femmes s'adjoignaient aux hommes, et Barthet pariait un jour qu'il ferait voir son nombril à la société; ...
E. et J. de Goncourt, Journal,avr. 1888, p. 773. 11. L'organisation de ces trois centres devait être commencée dès le temps de paix et complétée par les troupes de couverture auxquelles viendraient s'adjoindre à partir du cinquième jour des divisions de réserve.
J. Joffre, Mémoires,t. 2, 1931, p. 186. 2. [Le réfléchi est obj. indir.] :
12. Chaque ville tenait fort à son autonomie; elle appelait ainsi un ensemble qui comprenait son culte, son droit, son gouvernement, toute son indépendance religieuse et politique.
Il était plus facile à une cité d'en assujettir une autre que de se l'adjoindre. La victoire pouvait faire de tous les habitants d'une ville prise autant d'esclaves; elle ne pouvait pas en faire des concitoyens du vainqueur. Confondre deux cités en un seul État, unir la population vaincue à la population victorieuse et les associer sous un même gouvernement, c'est ce qui ne se voit jamais chez les Anciens, ...
N.-D. Fustel de Coulanges, La Cité antique,1864, p. 259. 13. Ce qu'il y a de proprement obligatoire dans l'obligation ne vient donc pas de l'intelligence. Celle-ci n'explique, de l'obligation, que ce qu'on y trouve d'hésitation. Là où elle paraît fonder l'obligation, elle se borne à la maintenir en résistant à une résistance, en s'empêchant d'empêcher. Nous verrons d'ailleurs, dans le prochain chapitre, quels auxiliaires elle s'adjoint.
H. Bergson, Les Deux sources de la morale et de la religion,1932, p. 95. Prononc. : [adʒwε
̃dʀ
̥]. Cf. joindre. Enq. : /adʒwẽ, adʒwaɳ, adʒwẽd/. Conjug. paraître; inf. /adʒwẽdʀ/; part. /adʒwaɳ
ɑ
̃; adʒwẽ, -t/. Étymol. ET HIST. − 1. 2emoitié xiies. trans. (obj. inanimé) « ajouter » (Dial. Grégoire, éd. Foerster, 278, 10 : aioindanz auoc ke quant il ce faisoit par iors et par nuiz senz entrecessement et quant ia sa force por la famine et por lo trauailh del tot astoit chaüe, dunkes enseniat par queil ordene la diuine merciz le gardat); 2. fin xiies. trans. (obj. inanimé) « réunir » (Li sermon saint Bernart, éd. Foerster, 34, 21 ds T.-L. : Ensi aiunt om senz nul altre entresoyure l'estinte lumiere a la lumiere ki luist et ki art); ca 1200 réfl. « se réunir, se joindre à (d'une chose) » (1recontinuation de Perceval, ms. T., éd. Roach, 8463 : A la char qui ert blanche et tendre S'ajoinst li ors tot maintenant); xiiies. réfl., « se lier, se donner à (de personnes) » (Serm. du XIIIes., ms. Mont-Cassin, fol. 98b ds Gdf. : Et agoingnent soi a tous les diables d'infer par les males oueuvres qu'il font). À partir du xives. adjoindre par réfection étymol. (cf. part. passé substantivé, 1337, A.N. J.J. 70, fo126 vods Gdf. Compl. : Nostre dit adjoinct).
Du lat. adjungěre, attesté dep. Plaute au sens 2, trans. (obj. inanimé) (Curc., 190 ds TLL s.v., 710, 71 : iam huic voluptati hoc adiunctum est odium); réfl., suj. animé (Aul., 236, ibid., 707, 26 : quam ad probos propinquitate proxime te adiunxeris, tam optumum est); cf. lat. médiév., 791 (Trad. Frising., 144 ds Mittellat. W. s.v., 195, 54 : si ... quis ... in servitium Dei sacerdotali officio se adiunxerit); au sens 1 : « ajouter (par la parole) », lat. class., constr. soit avec inf., soit avec ut (ds TLL s.v., 709, 49-63; cf. lat. médiév. constr. avec quod, anno 1185, Chartae archiep. Magdeburgensis, 411 ds Mittellat. W. s.v., 196, 39). STAT. − Fréq. abs. litt. : 154. BBG. − Bailly (R.) 1969 [1946]. − Bar 1960. − Bél. 1957. − Bénac 1956. − Foulet (L.). Sur François Villon, notes et discussions. Romania. 1944/45, t. 68, pp. 59-66. − Thomas 1956. |