| ADHÉSION, subst. fém. I.− [En parlant d'inanimés concr.] Action de s'attacher physiquement et très étroitement (à une chose). (Cf. adhérer I). A.− Emploi gén., vieilli. Synon. de adhérence : 1. Cette contraction des muscles de mes bras se communique, je ne sais comment, à ceux de ma figure, et produit une adhésion des lèvres d'où résulte une respiration pénible, laquelle, en s'échappant, fait entendre un son aigu assez semblable à celui d'un sifflet.
V. de Jouy, L'Hermite de la Chaussée d'Antin,t. 2, 1812, p. 378. 2. À ce sujet, il raconte qu'à Port-Saïd, il a vu, caché, la toilette d'une colonie de femmes indiennes, embarquées pour je ne sais où et dont l'adhésion des vêtements au corps, obtenue comme au moyen d'épingles, était faite absolument par l'art du drapé; ...
E. et J. de Goncourt, Journal,janv. 1890, p. 1113. − Néol. d'aut. (contamination avec le sens fig.) : 3. Il ne faut pas que notre client soit tenté de descendre et de répondre à l'invitation que ces messieurs du Sanhédrin tout à l'heure vont lui adresser. Il faut qu'entre le corps et la croix il y ait une espèce d'adhésion active, d'accolement, d'attrait de succion intégrale.
P. Claudel, Un Poète regarde la Croix,1938, p. 61. B.− PHYSIQUE : 4. Il faut voir aussi une dépendance de cette force générale dans les attractions exercées à de petites distances entre les molécules d'un liquide, ou entre celles-ci et celles d'un solide, attractions supposées et vérifiées par l'explication des phénomènes de l'adhésion et de la capillarité. L'intensité des actions varie avec la nature des corps rapprochés, et sous ce rapport, elles forment une sorte de transition aux forces attractives spécifiques de la chimie.
Ch. Renouvier, Essais de critique générale,3eessai, 1864, p. 51. II.− [En parlant de pers. physiques ou morales] A.− Lang. commune 1. Domaine pol. ou idéol. a) Vieilli. Reconnaissance implicite ou explicite de l'autorité d'une loi, d'un gouvernement, etc. : 5. Car outre qu'ils obéissent souvent à des lois qui ont été portées sans eux, ou même contre leur volonté exprimée, ils ne font pas attention que l'adhésion à une loi est toujours forcée.
L.-G.-A. de Bonald, Essai analytique sur les lois naturelles de l'ordre social,1800, p. 105. 6. J'ai donné ma démission à la diplomatie à cause de ma situation particulière, car je ne suis pas si bête de contester mon adhésion au seul gouvernement qui puisse nous sauver dans le chaos européen où nous a jetés la démence du régime tombé.
A. de Lamartine, Correspondance,1830, p. 85. 7. Le vote de chaque individu n'est pas le vote de tous. La véritable adhésion des masses n'existe qu'à la condition du contact des hommes réunis en assemblée, s'éprouvant, s'interrogeant, se livrant les uns aux autres, s'engageant par la publicité des débats et pouvant échapper par là aux influences étroites de la famille et aux suggestions passagères de l'intérêt personnel.
G. Sand, Histoire de ma vie,t. 2, 1855, p. 18. − Au fig. : 8. Ma mère, prévenue par quelqu'un qui trahissait tous les secrets de ma grand'mère (je n'ai jamais su qui), connaissait depuis longtemps la clause qui me séparait d'elle. Elle savait aussi mon adhésion à cette clause : de là sa colère anticipée.
G. Sand, Histoire de ma vie,t. 3, 1855, p. 379. b) Acte volontaire par lequel on devient membre d'un mouvement politique ou syndical etc. dont on partage (au moins partiellement) les idées : 9. Et tandis qu'il continuait, des jeunes gens commencèrent à circuler dans l'assistance, distribuant des bulletins d'adhésion sur lesquels il ne restait qu'à apposer sa signature.
A. Gide, Les Faux-monnayeurs,1925, p. 1210. 10. ... je lui avais dit, très simplement et franchement, mes vrais motifs : mon engagement au début de la guerre, ma campagne sous Chanzy, mon indignation lors de l'armistice, mon adhésion au parti qui n'avait pas capitulé. J'avais bien vu qu'il me croyait.
P. Bourget, Nos actes nous suivent,1926, p. 17. 11. L'essentiel consiste à s'accepter. Rien ne me sollicite davantage que l'idée d'engagement irréversible. Il nous faut inventer les contraintes qui nous interdiront l'inconstance; l'adhésion à la révolution ne doit pas être une promesse à temps sur laquelle il soit un jour licite de revenir.
P. Nizan, La Conspiration,1938, p. 64. Rem. Syntagmes : Faire acte d'adhésion (E.-D. de Las Cases, Le Mémorial de Sainte-Hélène, t. 1, 1823, p. 773), donner son adhésion... 2. Domaine intellectuel ou spirituel.Acceptation implicite ou explicite du contenu théorique et pratique d'une doctrine, d'une croyance : 12. Cela tient à la différence fondamentale qu'il y a entre croire et savoir, entre opinion et certitude. On ne fait pas de dialogues sur la géométrie; car la géométrie est vraie d'une façon impersonnelle. Mais tout ce qui implique une nuance de foi, d'adhésion voulue, de choix, d'antipathie, de sympathie, de haine et d'amour, se trouve bien d'une forme d'exposition où chaque opinion s'incarne en une personne et se comporte comme un être vivant.
E. Renan, Drames philosophiques,Appendice à l'Abbesse de Jouarre, préf., 1888, pp. 371-372. 13. La tête inclinée sur l'accoudoir de la tribune, tandis que les moines quittaient le chœur au chant du Salve Regina, je le voyais par l'imagination, à Notre-Dame de Paris, debout dans la foule, près du second pilier à droite du côté de la sacristie, en cette journée du 25 décembre 1886 où se produisit l'événement qui domina toute sa vie. En un instant, ce jour mémorable, son cœur fut touché et il crut : « Je crus, dit Claudel, d'une telle force d'adhésion, d'un tel soulèvement de tout mon être, d'une conviction si puissante, d'une telle certitude ne laissant place à aucune espèce de doute que, depuis, tous les livres, tous les raisonnements, tous les hasards d'une vie agitée n'ont pu ébranler ma foi, ni à vrai dire la toucher. »
H. Massis, Jugements,t. 2, 1924, p. 269. 14. La croyance au contraire relève d'une logique supérieure, d'une normative qui est une logique de la participation et de la communion. « Croire, écrit Maurice Blondel, ce n'est pas affirmer simplement par des raisons extrinsèques, ce n'est pas non plus attribuer à la volonté le pouvoir arbitraire de dépasser l'entendement, c'est vivifier les raisons intrinsèques, démontrables et démonstratives, par l'adhésion de tout l'être; c'est joindre le complément d'un consentement cordial, volontaire et pratique à l'assentiment raisonnable et rationnel. »
J. Lacroix, Marxisme, existentialisme, personnalisme,1949, p. 110. 15. Ce n'est pas par conviction politique, c'est par espoir et ferveur évangélique qu'il a donné dans le communisme. Et c'est par déception évangélique qu'il s'en est détourné. Adhésion et retrait trahissent la même candeur...
R. Martin du Gard, Notes sur André Gide,1951, p. 1406. Rem. L'ex. 15 pourrait trouver place aussi sous 1 b. − Sens légèrement affaiblis a) Superlatif d'approbation ou d'assentiment (donnés à un projet précis, à une pers.) : 16. J'ai répondu à Copeau tout aussitôt, lui apportant mon approbation et mon adhésion complète. Mais, à y réfléchir, j'entrevois ce que le projet présente de scabreux.
A. Gide, Journal,1916, pp. 573-574. 17. Elle comprenait le père par-delà les mots, dans une adhésion, une fusion directe de pensée à pensée, dont l'expression verbale n'était que le résidu de combustion.
M. Druon, Les Grandes familles,t. 2, 1948, p. 177. 18. Nous sommes par rapport à cette spontanéité intime comme un autocrate tout-puissant et si misérablement impuissant qui voudrait être aimé : il a droit de vie et de mort sur ses sujets, mais il en est réduit à mendier ce que personne au monde ne peut extorquer à personne, l'amour spontané, l'adhésion du cœur.
V. Jankélévitch, Le Je-ne-sais-quoi et le presque-rien,1957, p. 259. 19. L'aveugle inclina la tête en signe d'adhésion, et Rocambole le quitta. Vers cinq heures et demie, il redevint l'homme à la polonaise et alla ouvrir à Zampa qui, à six heures précises, sonnait à la porte.
P.-A. Ponson du Terrail, t. 5, Les Exploits de Rocambole,1859, p. 283. b) Soumission sans réserve à la réalité : ♦ Après critique : 20. À partir du moment où l'on reconnaît que le monde ne poursuit aucune fin, Nietzsche propose d'admettre son innocence, d'affirmer qu'il ne relève pas du jugement puisqu'on ne peut le juger sur aucune intention, et de remplacer par conséquent tous les jugements de valeur par un seul oui, une adhésion entière et exaltée à ce monde. Ainsi, du désespoir absolu jaillira la joie infinie, de la servitude aveugle, la liberté sans merci.
A. Camus, L'Homme révolté,1951, p. 96. ♦ Péj. Sans critique : 21. Le dogmatisme du sens commun d'abord consiste en quelque sorte à prendre possession immédiate du contenu de la connaissance sensible : il est l'adhésion naïve et irréfléchie du sujet à l'objet, la confusion du sujet et de l'objet. C'est en somme la crédulité, c'est-à-dire la croyance en tant qu'elle est antérieure au doute, et ne le soupçonne même point.
J. Lacroix, Marxisme, existentialisme, personnalisme,1949, p. 83. B.− DR. Acte par lequel une personne physique ou morale déclare souscrire aux dispositions contractuelles d'une association, d'un traité conclu par d'autres et déjà en vigueur : 22. L'adhésion peut être illimitée lorsqu'elle est offerte sans distinction à tous les États, ou limitée si elle est réservée exclusivement à certains États. Elle est pure et simple ou peut aussi être conditionnelle. En principe c'est un acte libre; mais elle peut devenir obligatoire. (ex. : le Japon aux Conventions de Genève en 1949).
Nouveau répertoire de droit,Paris, Dalloz, t. 4,1965, p. 767. 23. Le procédé de l'adhésion va permettre à un État qui n'est pas signataire originaire d'un traité d'entrer dans le système de ce traité par une déclaration de volonté qui émanera de lui. Adhésion et accession sont pratiquement synonymes et la pratique diplomatique en consacre l'équivalence.
Nouveau répertoire de droit,Paris, Dalloz, t. 4,1965, p. 767. 24. Adhésion : (D. C.; D. Com.) Acte par lequel une personne manifeste son intention d'entrer dans un groupe préconstitué ou de bénéficier des dispositions ouvertes à tous d'un contrat préétabli. En matière d'assurance mutuelle : affiliation à la société pratiquant cette assurance.
Barr.1967. Prononc. : [adezjɔ
̃]. Enq. : /adeziõ/. Étymol. ET HIST. − 1. 1380 méd. « action de rattacher, de joindre qqc. » sens propre (Conty, Probl. d'Arist., B. N., fo13bds Gdf. Compl. : L'autre operation est de bonne union et bonne adhesion du norrissement au membre), attest. isolée; 2. 1419 « soutien au parti de qqn » fig. (sept. 1419, Ord., XII, 271, ibid. : Que un chascun se departe incontinent de son service, adhesion et compaignie).
Empr. au lat. adhaesio au sens propre de « ce qui relie, point de contact », Cicéron, Fin., 1, 19 ds TLL : complexiones et copulationes et adhaesiones atomorum inter se (cf. avec 1); très peu attesté en lat. class., emploi fig. en lat. chrét. (Pseudo-Augustin, Sermones suppositi, 5, 4 ds Blaise 1954 : anima adhaesione Dei digna creata est; 2 est un affaiblissement de ce sens. STAT. − Fréq. abs. litt. : 512. Fréq. rel. litt. : xixes. : a) 388, b) 396; xxes. : a) 544, b) 1 306. BBG. − Bailly (R.) 1969. − Bar 1960. − Barr. 1967. − Bél. 1957. − Bénac 1956. − Bonnaire 1835. − Cap. 1936. − Comm. t. 1 1837. − Dupin-Lab. 1846. − Grand. 1962. − Guizot 1864. − Kold. 1902. − Lacr. 1963. − Laf. 1878. − Lafon 1963. − Littré-Robin 1865. − Nysten 1814-20. − Plais.-Caill. 1958. − Pol. 1868. − Privat-Foc. 1870. − Sardou 1877. − Sommer 1882. − Synon. 1818. |