| ACIDE1, adj. et subst. A.− Au propre 1. [Gén. en parlant d'un fruit, d'une liqueur, d'une boisson] Qui a une saveur aigre, piquante et plus ou moins désagréable, comme les fruits encore verts, le citron, l'oseille, le vinaigre, le verjus : 1. ... jusqu'ici il ne s'est encore présenté aucune circonstance où quelque saveur ait dû être appréciée avec une exactitude rigoureuse, on a été forcé de s'en tenir à un petit nombre d'expressions générales, telles que doux, sucré, acide, acerbe, et autres pareilles, qui s'expriment, en dernière analyse, par les deux suivantes : agréable ou désagréable au goût, ...
J.-A. Brillat-Savarin, Physiologie du goût,1825, p. 41. 2. ... il plaça d'un côté le gobelet, de l'autre le pot de grès plein d'une piquette acide...
T. Gautier, Le Capitaine Fracasse,1863, p. 457. Rem. Pour un emploi laud., cf. inf. ex. 3. − Emploi subst. masc. [P. ell. d'un subst. comme corps, substance, etc.] :
3. Il circule parmi les femmes une doctrine funeste, et qui fait périr chaque année bien des jeunes personnes, savoir : que les acides, et surtout le vinaigre, sont des préservatifs contre l'obésité. Sans doute l'usage continu des acides fait maigrir, mais c'est en détruisant la fraîcheur, la santé et la vie;...
J.-A. Brillat-Savarin, Physiologie du goût,1825, p. 233. − En partic., arg. Absinthe : 4. [Le Demi Solde :] Viens boire un « acide » au café Soumet.
G. d'Esparbès, Le Demi-Solde,1899, p. 138. 5. « de la bonne acide », 81eterrit., 1914-1917.
Esn.Poilu1919, p. 558. 2. P. ext. Piquant, excitant aux sens (autres que le goût) : 6. ... du vent acide comme citron; ...
J. Barbey d'Aurevilly, Troisième memorandum,1856, p. 46. 7. Où est l'acide printemps frileux, tendre, hésitant...
Colette, La Jumelle noire,t. 2, 1938, p. 37. − En partic., dans la lang. de la crit. musicale.Où dominent, de façon quelque peu agaçante, les notes très aiguës : 8. ... il s'ensuit une instrumentation un peu acide, un peu piquante.
L. de La Laurencie, L'École française de violon,1922, p. 223. B.− Au fig. Aigre et désagréable. Stylistique − Acide, en dehors de son emploi sc. et techn., appartient à une série d'adj. notant des impressions sensorielles que distingue p. ex. l'intensité (acide est plus fort que acidulé) ou la référence (une humeur aigre renvoie plutôt à l'agent, des propos acides renvoient plutôt à la pers. visée). Les mots de cette série peuvent d'autre part recevoir, selon leur cont. distributionnel, une connotation péj. ou méliorative (cf. plus haut sous A 1, rem. et B 2), et donc entrer dans 2 sous-séries styl. Pour ces différenciations, cf. aigre, styl.1. Péj. [Pour qualifier des paroles, un écrit, une humeur, etc.] :
9. Il y a des pages de Talmeyr, dures et acides, veloutées de noir, dont l'eau-forte ne passera point.
L. Daudet, Salons et journaux,1917, p. 146. 10. Sa célébrité croissante lui valut, évidemment, un courrier toujours plus massif, d'autres visites, d'autres importuns plus tenaces, des corvées nouvelles, des polémiques plus acides... Bien peu de joies!
L.-F. Céline, Mort à crédit,1936, p. 406. 11. Mes trop grandes oreilles, mes cheveux secs, ma galoche de menton, le mépris des faibles, la méfiance envers la bonté, l'horreur du mièvre, l'esprit de contradiction, le goût de la bagarre, de la viande, des fruits et des phrases acides, l'opiniâtreté, l'avarice, le culte de ma force et la force de mon culte... Salut, Folcoche! Je suis bien ton fils si je ne suis pas ton enfant.
H. Bazin, Vipère au poing,1948, p. 256. 2. [En parlant d'une pers. (notamment d'une femme) ou de son comportement] Piquant, voire excitant, mais non sans produire quelque agacement : 12. « Elle est d'une beauté acide et mordante, dont je sens moi-même quelque peu l'atteinte... »
A. France, La Rôtisserie de la Reine Pédauque,1893, p. 292. 13. J'aime son esprit contradicteur, sa présence doucement acide, ses rébellions de branche printanière [d'une jeune fille].
Colette, Fanal bleu,1949, p. 116. − Sans idée d'agacement : 14. Elle ne peut retenir un éclat de rire, qui gicle, acide et frais comme du cidre d'auberge.
R. Martin du Gard, Devenir,1909, p. 48. |