| ACCOLADE1, subst. fém. A.− Témoignage donné en public, consistant à embrasser quelqu'un. 1. FÉOD. (Témoignage donné en public, consistant à embrasser quelqu'un) En lui passant les bras autour du cou, en vue de lui conférer, dans la cérémonie de l'adoubement, le titre de chevalier : 1. Puis après lui avoir donné l'accolade et l'avoir frappé trois fois de son épée sur le cou, il ajouta : au nom de Dieu, de saint Michel et de saint Georges, je te fais chevalier : sois preux, hardi et loyal.
V. de Jouy, L'Hermite de la Chaussée d'Antin,t. 4, 1813, p. 67. 2. Jean-Marie de Villacourt s'attachait au service de la France. Après la Journée de Landrecies, le roi le faisait chevalier et lui donnait l'accolade.
E. et J. de Goncourt, Renée Mauperin,1864, p. 245. Rem. La tradition lexicogr. du xixeet du xxes. a souvent confondu l'accolade avec la colée, grand coup que du plat de la main, ou de l'épée selon l'usage du Moy. Âge finissant, le parrain assenait sur la nuque (le cou) ou l'épaule du jeune aspirant. 2. Cérémonies milit., patriotiques.(Témoignage donné en public, consistant à embrasser quelqu'un) En appuyant les joues les unes contre les autres en vue de manifester à quelqu'un l'estime officielle : 3. Philippe n'était pas au bout de ses épreuves; il avait encore bien des mains à serrer, bien des accolades à recevoir; il lui fallait encore envoyer bien des baisers, saluer bien bas les passants, venir bien des fois, au caprice de la foule, chanter la Marseillaise sur le balcon des Tuileries.
F.-R. de Chateaubriand, Mémoires d'Outre-Tombe,t. 3, 1848, p. 632. 4. Et c'est ainsi que Joseph Rouletabille, de l'époque, fut créé officier de Sainte-Anne de Russie par l'empereur lui-même, qui lui donna l'accolade. « Ils embrassent tout le temps dans ce pays! » se dit Rouletabille, qui était si ému qu'il s'essuyait les yeux avec sa manche.
G. Leroux, Rouletabille chez le tsar,1912, p. 175. 5. Tous les Officiers, pendant l'accolade, claironnant l'air « Au drapeau ».
Tarata ta taire, etc.
G. Feydeau, La Dame de chez Maxim's,1914, II, 1. p. 30. 6. Accolade. Roulement de tambour, sonnerie de trompettes. Changement de position dans le port des armes sur les côtés du grand carré.
− Au nom du ministre de la guerre...
M. Druon, Les Grandes familles,1948, p. 165. − P. anal. ♦ Entre ecclésiastiques ou religieux. Synon. baiser de paix : 7. Cependant, les deux novices sont allés ensuite donner l'accolade à chacun des religieux, dans un geste plein de tendresse et qui demeurait à la fois spirituel et humain, ressuscitant à mes yeux tout un Moyen âge que je croyais aboli.
J. Green, Journal,1946, p. 10. ♦ Dans certains sports, entre adversaires avant le combat : 8. Après l'accolade classique, les lutteurs échangèrent quelques coups, plus d'exploration que de prise réelle.
G. Guèvremont, Le Survenant,1945, p. 224. 3. (Témoignage donné en public, consistant à embrasser quelqu'un) En accomplissant le même geste, ou encore en serrant quelqu'un dans ses bras pour lui manifester de l'amitié, de l'affection : 9. Le laboratoire d'Isaac Zaphara... (Entre Maurice, Zaphara veut l'embrasser.)
Ne me touche pas, vieux maudit!
isaac. − Vous m'affligez sensiblement, Maurice : refuser mon accolade, c'est me donner quasiment à croire que vous ne m'aimez plus.
O. Feuillet, Scènes et proverbes,1854, p. 114. 10. Marc-Aurèle avait ... pour Rusticus l'affection la plus tendre ... toujours il lui donnait l'accolade avant de la donner au préfet du prétoire.
E. Renan, Hist. des origines du Christianisme,Marc-Aurèle et la fin du monde antique, 1881, p. 33. 11. Le gendarme qui avait amené Guillergues se précipita dans ses bras. Le président l'appela et lui donna l'accolade fraternelle.
A. France, Les Dieux ont soif,1912, p. 153. 12. C'était Lesueur, les trois hommes commencèrent par se donner l'accolade.
J. Romains, Les Copains,1913, p. 145. 13. Weissberger, organisa la fête, nettoya la penderie et le derrière des volets en son honneur, força la Weissberger à l'embrasser publiquement, et nous avons su depuis que de cette fausse accolade était reparti l'amour.
J. Giraudoux, Siegfried et le Limousin,1922, p. 232. 14. Renonçant à cette accolade qu'elle se préparait déjà à donner, elle se contenta de tendre sa main au jeune homme; et il fut seul à percevoir le tremblement de cette main, l'émotion, l'acquiescement caché, la tendresse, que la pauvre femme mettait dans cette banale étreinte.
R. Martin du Gard, Les Thibault,L'Été 1914, 1936, p. 656. 15. Il faut donc, si l'on peut dire, commencer par l'accolade et le reste viendra de surcroît, sans même qu'on y pense. C'est cela la vraie Pentecôte des bonnes volontés. Car tout est dans la bonne volonté. Tout est simple si le cœur y est : ...
V. Jankélévitch, Le Je-ne-sais-quoi et le presque-rien,1957, p. 196. − Syntagmes communs aux emplois 1, 2 et 3 : donner, recevoir l'accolade; Syntagmes rencontrés pour l'emploi 3 : refuser l'accolade; accolade fraternelle, tendre, vigoureuse, furieuse, particulière, etc. Rem. 1. L'ex. 11 reprend un syntagme accolade fraternelle qui avait cours dans les premières années de la Révolution. On appelait ainsi ,,un baiser que le président d'un corps constitué ou d'une société patriotique accordait à quelqu'un en signe de fraternité ou d'amitié.`` (Besch, 1845). 2. L'emploi 3 est parfois voisin de embrassement ou de étreinte, avec lesquels il a dès lors en commun la valeur superl. et l'absence de toute référence à des témoins de la scène, cf. notamment l'usage dans un certain style poétique noble et solennel : 16. Oui, partout où je marche une voix me rappelle,
Voix du berceau lointain qui ressaisit le cœur, (...)
Étreinte dans l'absence, accolade éternelle,
Mystérieux sanglot dont les pleurs sont en nous,
Que de fois, comme un cri de frayeur maternelle,
M'avez-vous fait bondir et tomber à genoux!
M. Desbordes-Valmore, Élégies,Départ de Lyon, 1859, p. 94. 17. On dit que je suis fort malade,
Ami; j'ai déjà l'œil terni;
Je sens la sinistre accolade
Du squelette de l'infini.
V. Hugo, Les Chansons des rues et des bois,Nivôse, 1865, p. 274. B.− Fam. ou région. 1. Fam. Donner l'accolade à une bouteille, pour la vider (cf. accoler I A, rem. 2) : 18. Les comédiens firent de leur mieux honneur au menu de maître Chirriguirri, et, sans y trouver les exquisités promises, assouvirent leur faim, et surtout leur soif par de longues accolades à l'outre presque désenflée, comme une cornemuse d'où le vent serait sorti.
T. Gautier, Le Capitaine Fracasse,1863, p. 65. − Arg., p. iron. : 19. Accolade, s. f. ... soufflet (sur la joue).
A. Delvau, Dict. de la langue verte,1866, p. 3. 2. Région. Canada 1930 offre les accept. suivantes : a) Galanterie. Ce garçon-là est d'une accolade qui plaît à tout le monde : la galanterie de ce garçon-là plaît à tout le monde. b) Croc-en-jambe. c) Croc-en-jambe (au fig.). Ruse pour supplanter quelqu'un. |