| ACCOLER, verbe trans. I.− [L'obj. du verbe désigne une pers.] A.− Vx. Prendre quelqu'un dans ses bras en posant les mains autour du cou ou sur les épaules et en appuyant les joues l'une contre l'autre. Synon. de donner l'accolade (cf. accolade1A 2) : 1. La joyeuse fille sauta au col du Pédant et lui prenant la tête : Il faut, s'écria-t-elle en joignant l'action à la parole, que je t'accole et baise ton vieux masque à pleine bouche avec le même cœur que si tu étais un joli garçon, pour la joie que j'ai de te revoir.
T. Gautier, Le Capitaine Fracasse,1863, p. 189. 2. Cette cérémonie devait se compléter, le lendemain matin, à la grand'messe où, après l'antienne de la communion, suivie du Veni creator, l'abbé imposait la coule au novice qui allait ensuite accoler ses frères les novices, et s'installer à la place qu'il devait désormais occuper au chœur.
J.-K. Huysmans, L'Oblat,t. 2, 1903, p. 219. 3. ... c'était enfin, à « l'agnus dei » l'Abbé donnant à l'autel le baiser de paix au diacre qui descendait les marches et l'imposait à son tour au sous-diacre, lequel, conduit par un cérémoniaire, dans les stalles des moines, embrassait le plus élevé en grade et celui-ci transmettait le baiser aux autres qui s'accolaient et se saluaient ensuite, en joignant les mains.
J.-K. Huysmans, L'Oblat,t. 2, 1903p. 262. Rem. 1. L'ex. 1 reprend le sens primitif du mot qui signifiait prendre par le cou. Les ex. 2 et 3, dont l'un est à la forme pronom., attestent le rite du « baiser de paix » (cf. accolade 1A 2). 2. Noter a) Fam., accoler la gourde « prendre la gourde par le col, boire à la bouteille » (cf. accolade 1B 2); (ex. 4); b) un emploi arg. où l'étymon col est conservé dans son sens propre (ex. 5) : 4. ... le garde-chasse Kado ... lui tendit sa gourde... Le sergent... se recueillit un instant en accolant la gourde jusqu'à ce qu'il se sentît près d'être suffoqué.
O. Feuillet, Bellah,1850, p. 108. 5. Accoler. Serrer au cou.
Esn.1965. B.− Serrer contre. 1. Dans le vocab. amoureux ou érotique a) Prendre dans ses bras, embrasser : 6. Mon homme embrasse notre nièce. Elle en vaut la peine. L'orfèvre accola Violle dont la peau lui sembla douce; et dès ce moment il ne souhaita rien tant que de se tenir un moment seul avec elle afin de l'embrasser tout à l'aise.
A. France, L'Île des pingouins,1908, p. 394. b) (S')accoler. Se serrer l'un contre l'autre. ♦ [En parlant du corps] :
7. D'un mouvement insensible, elle s'est tournée vers moi davantage, accolée à moi de l'épaule aux genoux.
Colette, Claudine en ménage,1902, p. 190. 8. ... je les voyais bondir, s'accoler dans l'écume; les dents aiguës des mâles, − jamais les mêmes mâles, − mordaient mon amie à la nuque, et ses yeux, ses yeux bruns dont j'aimais tant la grâce et la caresse, ne me regardaient plus.
P. Mille, Barnavaux et quelques femmes...,1908, p. 128. 9. À voir danser ensemble sa femme et Gilbert familièrement amoureusement accolés, il [Nicolas] apprend tout.
Colette, Jumelle noire,1938, p. 75. ♦ [En parlant de la bouche] Baiser : 10. ...
Bouche plus suave que le miel
Au creux des ruches amassé,
Bouche plus vive que les hauts pavots
Parmi la prée,
Accole, ô sa bouche, rebaise la bouche mienne,
Que tout forcené je devienne!
J. Moréas, Poèmes et sylves,1896, p. 94. ♦ [En parlant du visage] :
11. Lia, de là-haut, nous voyons surtout le désert, qui tient les trois quarts du monde, et il reste le désert si c'est un homme seul ou une femme seule qui s'y risque. Mais le couple qui y chemine le change en oasis et en campagne. Et le couple peut être égaré à vingt lieues du douar, chaque grain de sable par sa présence devient peuplé, chaque rocher moussu, chaque mirage réel. La solitude pullule, s'il est là, de mains entre-croisées, de fronts éclatants, de visages accolés.
J. Giraudoux, Sodome et Gomorrhe,1943, II, 7, p. 136. 2. P. ext. (Être) accolés. (Être) serrés l'un contre l'autre : 12. ... cependant qu'un chameau monté s'en va gravement et lentement sous les palmiers et que deux indigènes, visages bruns sous des burnous blancs, passent étroitement accolés sur la croupe d'un petit âne qui trotte.
M. Barrès, Mes cahiers,t. 6, 1907-1908, p. 181. − Au fig. : 13. Plusieurs personnes ont fait les délices de leur vie d'un Homère, d'un Virgile, d'un Horace, parce que ces poètes avaient fait celles de leur adolescence. Nous aimons à nous accoler à un auteur favori : c'est une colonne qui nous soutient contre les tempêtes du monde.
J.-H. Bernardin de Saint-PierreHarmonies de la nature,1814, p. 126. Rem. Il semble que ces emplois soient influencés par le verbe (se) coller à, « s'attacher étroitement à une personne ou une chose ». Cf. le sens amoureux de collage « liaison ». II.− [L'obj. du verbe désigne des choses] Mettre l'un à côté de l'autre, par juxtaposition, contiguïté. A.− Les mettre l'une à côté de (ou sous) l'autre, par juxtaposition, contiguïté, etc. Accoler deux choses, accoler une chose à une autre, deux choses accolées : 14. Aujourd'hui, comme je lui parlais de son portrait sur un de ses livres, portrait auquel il était de toute justice d'accoler celui de son frère, et que je lui disais que je voulais avoir leurs deux têtes sur Marc Fane, ...
E. et J. de Goncourt, Journal,mai 1892, p. 258. 15. Parmi les plus fécondes de ses recherches, il faut noter celles qui ont trait à la dissymétrie latérale du visage. Pour la mettre en évidence, il suffit d'accoler les photos de deux moitiés droites ou de deux moitiés gauches de la face; la fiche dissymétrique ainsi obtenue attire l'attention sur les traits significatifs en doublant l'effet.
E. Mounier, Traité du caractère,1946, p. 219. − En partic. dans le domaine de l'habitat et de l'archit.Un monument accolé au palais, une chapelle accolée au mur de la prison, une tour accolée à une autre, des bâtiments accolés au logis central, des piliers accolés au portail, un portail accolé à une église, une porte accolée à la loge du concierge, une construction accolée à la falaise, ... : 16. Ces fenêtres sont, du reste, de la plus grande simplicité : ce sont deux ogives accolées, surmontées d'un cercle et enfermées dans une grande ogive, disposition qui rappelle exactement celle des fenêtres à plein-cintre des cathédrales de Pise et de Sienne, de l'Or-San-Michelle et du palais Strozzi, à Florence, et de la plupart des bons édifices du moyen âge en Italie.
Ch. de Montalembert, Hist. de sainte Élisabeth de Hongrie,1836, p. 348. 17. Trois choses m'ont intéressé à Meaux : un délicieux petit portail de la Renaissance accolé à une vieille église démantelée, à droite en entrant dans la ville; puis la cathédrale; ...
V. Hugo, Le Rhin,1842, p. 18. 18. La maison de Daudet, ou plutôt de M. Allard, son beau-père, une grande maison blanche sans caractère, à laquelle sont accolés un tas de petits communs, de resserres, d'appentis, de bâtiments de guingois, mis de niveau par deux ou trois marches, d'escaliers montants ou descendants et reliés par des portes sous lesquelles les gens un peu grands doivent se baisser, ...
E. et J. de Goncourt, Journal,juill. 1885, p. 473. − Dans le domaine de la mar. : 19. [Ces Indiens] sont obligés, à chaque instant, de se jeter à la mer, pour soulever sur leurs épaules ces pirogues submergées, et en vider l'eau. Ils les accolent quelquefois deux à deux, au moyen d'une traverse en bois, ...
Voyage de La Pérouse autour du monde,t. 3, 1797, p. 233. 20. J'ai vu une fois le plongeur rapporter une tête de Lion avec un anneau dans la gueule, l'attache des barques qui s'accolaient au navire.
E. et J. de Goncourt, Journal,nov. 195, p. 866. − Dans le domaine du lang. a) Accoler deux mots, deux éléments d'un composé. Les juxtaposer : 21. Merci pour le programme de l'opéra-comique. Malgré l'épithète ridicule accolée à son nom je crois que Février a du talent. Le reste je m'en moque.
J. Rivière, Alain-Fournier, Correspondance,lettre de J. R. à A.-F., nov. 1905, p. 205. 22. Tout allait bien, tout se faisait avec rondeur et confiance. Brusquement, le sourire s'éteint, la figure s'allonge, le ton se glace; la porte se referme, l'affaire est manquée, le procès est perdu, les accordailles sont défaites. Qu'y a-t-il? Que s'est-il passé? Que quelqu'un, à votre nom, a accolé le mot janséniste. On ne sait pas si vraiment vous êtes janséniste, et d'ailleurs on ne sait pas très bien ce que c'est que l'être. Mais il suffit, le mot a été dit : vous voici parmi les galeux; ...
H. de Montherlant, Port-Royal,1954, p. 972. b) Accoler un mot à une idée : 23. En passant, faisons remarquer la puissance d'un adjectif, dès qu'on l'accole à la vie. La vie maussade, l'être maussade signe un univers. C'est plus qu'une coloration qui s'étend sur les choses, ce sont les choses elles-mêmes qui se cristallisent en tristesses, en regrets, en nostalgies.
G. Bachelard, La Poétique de l'espace,1957, p. 136. − Dans le domaine de l'anat., de la biol. : 24. Le cerveau situé dans la tête au-dessus de l'œsophage est formé de deux lobes qui ont la forme de poires; ils sont accolés par leur base, et se prolongent par leur sommet en un nerf optique qui va se rendre dans l'œil de l'un et de l'autre côté.
G. Cuvier, Leçons d'anatomie comparée,t. 2, 1805, p. 343. 25. ... [le canal cholédoque] est un large canal auquel vient bientôt se joindre le pancréatique, qui reste accolé et confondu avec lui jusque près de l'intestin.
G. Cuvier, Leçons d'anatomie comparée,t. 4, 1805, p. 25. 26. Une moitié d'œuf peut donner un individu entier. Mais on peut réaliser l'expérience inverse, et, en accolant deux
œufs, les amener à produire un seul individu. En ce cas, chaque œuf, au lieu de produire l'individu qu'il eût produit dans les conditions normales, ne forme qu'une moitié d'être. Par la fusion de deux cellules, on a limité le destin de chacune d'elles.
J. Rostand, La Vie et ses problèmes,1939, p. 38. ♦ Rare. Accoler une chose sur une autre : 27. Mais Abigail restait muette en sa douleur; la balle l'avait frappée dans les chairs de la jambe. Le noir, écartant sa robe, et accolant ses lèvres sur la plaie, pompait le sang épanché.
P. Borel, Champavert,Three fingered Jack, l'Obi, 1833, p. 95. B.− Spécialement − AGRICULTURE : 28. Accoler. Opération qui consiste à fixer les parties nouvellement développées. Accoler des greffons, c'est les attacher soit à un tuteur, soit au sujet qui les porte, afin de les garantir contre les accidents et d'empêcher qu'ils ne se décollent.
E.-A. Carrière, Encyclopédie horticole,1862, p. 4. 29. Trop de vieux derrière moi se sont courbés, se sont baissés toute la vie pour accoler la vigne. Avec cet osier rouge tendre brun que l'on vend au marché, cueilli, coupé des bords de la Loire, ...
Ch. Péguy, Victor-Marie, Comte Hugo,1910, p. 673. − HÉRALDIQUE : 30. C'était le jour de la Saint-Barthélemy, − singulièrement lié au souvenir des Médicis, dont les armes accolées à celles de la maison d'Este décoraient ces vieilles murailles...
G. de Nerval, Les Filles du feu,Sylvie, 1854, p. 609. 31. (Blason) − Se dit de deux écus joints ensemble par les côtés dextre et sénestre.
J. AdelineLexique des termes d'art,1884. − LING. Accoler deux éléments. Les employer l'un à côté de l'autre et en partic., dans l'écriture, les écrire sans intervalle : 32. ... ou enfin la représentation pure et simple du mot vide qu'on a créé en accolant le préfixe négatif à un mot qui signifiait quelque chose.
H. Bergson, L'Évolution créatrice,1907, p. 236. Prononc. ET ORTH. − 1. Forme phon. : [akɔle], j'accole[ʒakɔl]. Enq. : /ako2l/. Conjug. parler. 2. Dér. et composés : accolade, accolader, accolage, accolée, accolement, accolerie, accolure, raccoler. Cf. col. 3. Forme graph. − Pour le redoublement de c, cf. accabler. ,,Remarquer dans la même famille : accoler (cc) et racoler (c)`` (Ortho-vert 1966, p. 36). Étymol. ET HIST.
I.− 1. Mil. xies. trans. « jeter les bras autour du cou (de qqn) » suj. animé (Alex., éd. Paris et Pannier, 86d ds T.-L. : son mort fil detraire et acoler), souvent en relation avec baiser; p. anal. 2emoitié xiies. « jeter les bras autour de (qqc.) » id. (Aliscans, éd. Gouessard et Montaiglon, 224 ibid. : Et Rainouars va la guige acoler); devenu pop. au xviiies., Brunot t. 6, 1216; fam. et peu us. aux xix-xxes.; 2) xiiies. « tenir serré dans ses bras (en parlant de deux amants) » (Flore et Blancheflor, éd. Pelan, 2397 : Ensemble dorment doucement Acolees [Flore est pris pour Claris, amie de Blancheflor] estroitement, Et bouche a bouche et face a face S'entretiennent a une brace); 1710 repris dans emploi péj. (Rich. s.v. : ce mot en parlant de filles et de femmes se dit en riant et signifie embrasser, baiser et avoir la dernière faveur d'une fille ou d'une femme. Elle donnera le chancre et la vérole au premier qui l'acolera [Aut. anonyme]); d'où a) divers emplois techn. au sens de « rapprocher, assembler deux éléments », subsistant en fr. mod., 2emoitié xves., « attacher (une plante) à un pieu pour la soutenir » (G. Chastellain, Chroniques, IV, 120, 17 d'apr. Heilemann, 4 : ceux qui accolent les rosiers... et empoignent les roses odorantes; 1680 cuis., Rich. t. 1 : Acoler (...) joindre deux lapreaux pour les faire rôtir; 1694 comptab., Ac. : accoler deux ou plusieurs articles dans un compte, pour dire, N'en faire qu'un seul; 1701, Fur. : Accoler un trait de plume en marge d'un compte d'un mémoire, d'une déclaration de dépens, qui marque qu'il faut comprendre plusieurs articles sous un même jugement, et les comprendre dans une même supputation pour n'en faire qu'un seul; b) emploi fig. : début xiiies. « entourer, englober (qqc.) » suj. inanimé (Renclus, Carité, éd. van Hamel, 38, 11 ds T.-L. : Par tout le monde a le vignole Si com li firmamens l'acole). − 1580 (Montaigne, Essais, éd. Courbet et Royer, III, 10 ds Hug. : [Le lierre] corrompt et ruyne la paroy qu'il acole); av. 1307 « saisir, étreindre (d'un sentiment, d'une disposition) » (G. Guiart, Roy. lign., éd. Buchon, I, 6190 ds T.-L. : Par quoy joie son cuer acole). − (Du Bellay, Regrets, 96 ds Hug. : Je ne te prie pas de me faire enroller Au rang de ces messieurs que la faveur accolle).
II.− 1. 1195-1200 trans. « entourer le cou » sens propre suj. inanimé (Renart, éd. Roques, Br. XI, 12864 : Car mout vos siet or cele estole Qui tout votre biau col acole); 2. 1312 « mettre (qqc.) autour du cou » sens propre, suj. animé (Veus dou paon, Bibl. nat., 1554, fol. 102 rods Gdf. : Iront a la bataille les escuz acolez). − 1545 accoler (qqn) de (qqc.) (Marot, Enfer ds Hug. : C'est le sainct nom du pape qui accole les chiens d'Enfer... d'une estolle [Le pape vainc, le diable en le ceignant de son étole]).
Dér. de l'a. fr. col; préf. a-*. Au fur et à mesure qu'il est concurrencé par a. fr. embracier − qui finit par le supplanter − au sens de « prendre, tenir dans ses bras », fig. « entourer, englober », on constate dans accoler un affaiblissement des notions « cou » et « bras » au bénéfice de celle, dérivée, de « rapprochement » : le sémantisme du préf. l'emporte sur celui du rad. STAT. − Fréq. abs. litt. : 140. BBG. − Bar 1960. − Barb.-card. 1963. − Bénac 1956. − Chabat t. 1 1875. − Grandm. 1852. − Jossier 1881. − Mots rares 1965. |