| ACCALMIE, subst. fém. A.− MAR. et lang. commune. Calme momentané du vent et de la mer. Synon. apaisement (ex. 1), calme, bonace, éclaircie, embellie : 1. ... l'oreille ne pouvait rien percevoir au milieu des bruits de la tempête, hennissements du vent, cliquetis des branches, chutes des troncs d'arbres, et grondement des eaux déchaînées. Cependant, quelques courtes accalmies suspendaient parfois la bourrasque. Le vent se taisait comme pour reprendre haleine. (...) Le silence semblait plus profond dans ces apaisements momentanés.
J. Verne, Les Enfants du Capitaine Grant,t. 2, 1868, p. 234. 2. ... secoués tous deux par un ouragan de douleur, ils haletaient, râlaient. Puis la crise, lentement, se calma, et ils se remirent à pleurer d'une façon plus molle, comme les accalmies pluvieuses suivent les bourrasques sur la mer soulevée. Puis, longtemps après, ils se relevèrent et se remirent à regarder le cher cadavre.
G. de Maupassant, Contes et nouvelles,t. 1, La Veillée, 1882, p. 796. − P. ext. Apaisement momentané de la tempête sur la terre ferme : 3. Comme si, dans une courte accalmie, l'orage eût repris de nouvelles forces, la pluie, un instant suspendue, tombait avec un redoublement de violence.
G. Courteline, Le Train de 8 h. 47,1888, 2epart., III, p. 125. − Spéc. Accalmie du centre. ,,Région de calme qui existe toujours au centre d'un cyclone, et dans laquelle le vent est faible et le ciel serein. Dénommée aussi
œil de la tempête.`` (Quillet 1934). B.− P. anal. Interruption momentanée d'une activité bruyante. 1. [En parlant de tumultes divers : bataille, combat, etc.] :
4. ... là où nous sommes, au pied de la bute, c'est un point mort pour l'artillerie. Vague et brève accalmie. On cesse un peu d'être sourds. (...) On se jette, dans cette éclaircie d'enfer, quelques paroles précipitées.
H. Barbusse, Le Feu,1916, p. 271. 5. Le 28 juillet, profitant d'une accalmie de la bataille de la Somme, je me rendis dans la zone des 4eet 2earmées que je n'avais pas visitées depuis quelque temps.
J. Joffre, Mémoires,t. 2, 1931, p. 265. 2. [En parlant d'un bruit de paroles, d'une musique d'orchestre, de bruits divers] :
6. Il y eut un moment de silence, la brusque accalmie, grosse d'angoisse, préludant à l'exercice périlleux d'un gymnaste.
G. Courteline, Messieurs-les-Ronds-de-cuir,1893, 1ertableau, II, p. 33. 7. Il attendait une accalmie dans l'averse d'éloquence que débitait, inutilement, écouté du seul public, un jeune avocat stagiaire au zèle encore tout neuf.
M. Van der Meersch, L'Empreinte du Dieu,1936, p. 60. 8. Le bruit d'une altercation courte et brusque, de portes claquées, de violentes et brûlantes menaces ébranla un après-midi l'hôtel, − puis de nouveau ce fut le calme − cette bonace irréelle qui se creuse au centre même d'un cyclone, une accalmie plus imminente que l'orage même ouverte au milieu des herses furieuses des vagues jusqu'à l'horizon.
J. Gracq, Un Beau ténébreux,1945, p. 173. C.− Au fig. Interruption momentanée d'un état d'agitation ou de grande activité. 1. [En parlant de la vie d'une affaire, d'une collectivité ou d'un individu] Synon. ralentissement (ex. 9), répit (ex. 10) : 9. Il y avait ainsi, vers le milieu de chaque bourse, une sorte de ralentissement, l'accalmie des transactions courantes, en attendant la lutte décisive du dernier cours.
É. Zola, L'Argent,1891, p. 329. 10. Comment vas-tu, pauvre cher ami? Je t'écris avec tant de crainte! Et peut-être ces questions de librairie, au milieu de tes préoccupations, n'amèneront qu'un haussement d'épaules, (...) Mais lorsque je t'ai quitté, un peu de répit, une accalmie, sinon une embellie, semblait annoncée par toi-même...
A. Gide, P. Valéry, Correspondance,Lettre de A. G. à P. V., juill. 1912, p. 425. 11. ...il [Chéri] goûtait l'excès de son détachement, avec l'obscure prescience qu'un paroxysme peut s'utiliser et s'exploiter comme une accalmie...
Colette, La fin de Chéri,1926, p. 228. 2. [En parlant de l'activité intellectuelle] Synon. repos, inaction, farniente : 12. J'ai chômé dans l'inaction la plus complète mes six semaines de vacances. À peine, pour rompre l'uniformité du farniente, faisais-je quelque lecture nonchalante, étendu sous un arbre, (...). Mais ce repos, cette accalmie n'avait pas éteint le jeu de mes facultés ni arrêté la circulation mystérieuse de la pensée dans les parties les plus vives de mon âme.
M. de Guérin, Journal intime,1834, p. 215. 3. [En parlant d'une maladie] Période, état d'accalmie. Synon. trêve; anton. rechute (ex. 13), crise : 13. Après ces divagations mystiques, l'écrivain avait eu une période d'accalmie; puis une terrible rechute s'était produite.
J.-K. Huysmans, À rebours,1884, p. 210. Rem. L'ex. suiv. montre le passage du sens propre au sens fig. : 14. ... sur l'océan de ténèbres brûlantes où son être roulait, s'ouvrait soudain une accalmie, des éclaircies de lumière, un murmure apaisé des violons et des violes, de calmes sonneries de gloire des trompettes et des cors, tandis que, presque immobile, tel un grand mur, s'élevait de l'âme malade un chant inébranlable, comme un choral de J.-S. Bach.
R. Rolland, Jean-Christophe,La Foire sur la place, 1908, p. 807. Cf. aussi sup. ex. 10.Prononc. ET ORTH. : [akalmi]. − Rem. Ac. abr. 1832 et Gattel 1841 : accalmie ou calmie. Enq. : /akalmi/. Étymol. ET HIST. − 1783 terme de mar., Encyclop. méthodique, Marine, I, 13, col. 1 : Accalmie (...) les instans dans un coup de vent, où le vent et la mer tombent un peu; emploi fig. 1866, Lar. 19es.v. : (...) temps où le commerce est peu animé (...) Temps de repos, sorte d'engourdissement dans la vie d'une nation.
Dér. de calmir, préf. a-* sur le modèle de embellie*, terme de mar. Norm. calmir, mar. « se calmer » (Côtes de la Manche, Moisy 1885, 104 a), dep. Bernardin de Saint-Pierre, Ét. de la nature, éd. Didot, 155 : Quelquefois les vents alizés du nord-est ou sud-est cardent les nuages comme si c'étaient des flocons de soie...; ensuite vers le soir, ils calmissent un peu comme s'ils craignaient de déranger leur ouvrage); dér. de calme*, voir aussi calmer; dans la lang. cour. accalmie supplante accalmée*. STAT. − Fréq. abs. litt. : 125. BBG. − Garnier-Del. 1961 [1958]. − Gruss 1952. − Jal 1848. − Soé-Dup. 1906. − Will. 1831. |